Rien de tout cela n’est réel. Ca ne peut pas l’être. Quand j’ouvre les yeux le matin, je suis dans cette chambre sombre et froide. Je me recroqueville dans le noir et je pleure, j’essaie de m’extraire de mon corps dans lequel j’ai si mal. J’ai peur. J’ai peur de ces monstres qui m’observent dans le noir. J’ai peur de cette voix dans ma tête. J’ai l’impression de n’être jamais seule, le suis-je ? Pourtant je suis heureuse, du moins je le feins. Je suis travailleuse, déterminée, je ne fais pas de faux pas, l’innocence me domine je veux une vie ordinaire. J’aime ma vie, ma famille, mon quotidien, j’ai trouvé le bonheur dans l’habitude, je n’ai pas besoin d’extraordinaire, il m’effraie. Je suis une fille normale, comme toutes les autres, oui, je suis une fille normale…

Il y a vingt et un ans à New-York, une droguée s’en est allée forniquer avec un riche père de famille dont elle est tombée enceinte. L’histoire ne se termina guère bien, quand son amant apprit la nouvelle il la menaça de peur qu’elle divulgue leur liaison et la quitta sans se retourner, la laissant seule avec un bébé dont elle ne savait que faire. La vérité est que la jeune femme aimait bien plus la cocaïne qu’elle n’aimait la petite fille qui grandissait dans son ventre, elle ne pouvait lutter contre cette merveilleusement néfaste addiction. L’enfant naquit en mars. La mère l’abandonna en juin, quand elle se rendit compte qu’elle ne pouvait assumer son rôle. L’enfant fut appelé Calliope. Elle grandit dans un orphelinat où elle se plia aux règles et à sa solitude, jusqu’à ses neuf ans où elle fut adoptée par une famille new-yorkaise tout ce qu’il y a de plus respectable. La fillette n’avait pas eu une vie facile mais sa nouvelle famille faisait tout pour lui procurer tout l’amour dont elle avait manqué, la choyant et s’occupant d’elle comme si elle avait était la leur depuis son premier souffle. Elle se savait abandonnée, enfant non désirée et laissée au prix d’une dose de coke. Cependant elle se disait que la douleur passerait, tout comme le reste, la vie s’écoulait lentement et paisiblement, si bien que Calliope s’étonna d’avoir l’impression d’être à sa place, d’avoir trouvé ce qu’elle recherchait tant. A dix sept ans elle tomba amoureuse, d’un jeune homme de son lycée, c’était une élève tout ce qu’il y a de plus ordinaire, excellente et appliquée elle faisait tout pour rester dans le droit chemin, pour mériter sa famille, rendre fiers ceux qui l’avaient choisi. Hélas elle ne tomba pas sur le bon garçon, celui-ci se jouait d’elle et ne partageait pas ses sentiments, il se moquait d’elle et au grand malheur de Callie poussa la plaisanterie un peu loin avec ses amis. Elle ne se doutait pas de ce qu’il lui arriverait quand elle accepta de rejoindre le garçon dans ce parking ce soir là, elle ne se doutait pas qu’ils seraient tous là, à l’attendre. Des imbéciles cruels qui ne se rendaient pas compte de la gravité de leurs agissements. Elle fut amenée, malmenée, souillée, décharnée. La naïveté, la confiance, voilà pourquoi elle était jugée. Non, point jugée, punie. Elle leva la tête et supplia du regard ses agresseurs mais ces derniers riaient de la voir souffrir, lui, il la regardait le sourire aux lèvres. Finalement depuis le début elle était née du mauvais côté de la ligne. Il s’approcha et toucha son corps meurtri. Elle ferma les yeux et attendit que son cauchemar prenne fin. Elle voulait mourir, elle voulait disparaître, elle ne voulait pas avouer qu’elle aimait ce contact froid sur sa peau. Elle se surprit à le désirer. Elle se détestait. Elle se mit à pleurer. Elle avait peur, le traumatisme que lui causa cette expérience la rendit folle. Elle voulut disparaître, et elle disparue, effectivement. Pour survivre, elle fermait les yeux sur cette existence et elle laissait Thalie prendre le contrôle de son corps. Elle tomba dans la dépression, dans le dénie. Elle oublia et laissa ses souvenirs, ses erreurs et ses peurs au soin d’une autre.

Quand il s’agit de survivre, le corps humain est plein de surprises. Alors que Calliope n’avait plus la force de se battre ou de vivre, elle disparue. Elle tomba malade : trouble, post-traumatique, de la personnalité multiple. Elles étaient au nombre de deux. Elle, et l’autre. Elle était capable de laisser Thalie prendre sa place pour échapper à cette réalité trop dure qui ne pouvait exister à ses yeux. Elle la gomma de sa mémoire. Cependant au fil du temps les choses changèrent, Thalie était devenue plus forte, plus présente aussi. Calliope ne la contrôlait pas. Thalie représentait tout ce qu’elle exécrait et désirait. Elle n’avait pas de limites. Elle était le fruit de ses passions.

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