19 Août 2012, Tribunal de Jersey.

Les bancs de la salle du tribunal se remplissent comme attendu, bientôt il n'y aurait plus de places disponible dans l'assemblée venue assister au procès d'Aleksei Kniazev. Depuis des semaines, la presse locale ne parle que de ce garçon, et du crime pour lequel il est accusé. On le décrit comme un jeune homme torturé qui a succombé à la drogue après une enfance difficile et dont les substances ont intensifié la haine et les pulsions : le coupable idéal. Assis du côté des accusé, Aleksei se tient près de son avocat, à la fois soulagé d'en finir mais effrayé par ce que la sentence va faire de sa vie. Ce soir, il serait peut-être mis en cabane pour vingt ans, ou bien pour toute sa vie... Après quelques minutes de brouhaha, de flashs incessants, le juge et les jurés font leur entrée dans la salle, la séance peut commencer. Après avoir rappelé les faits qui avaient conduit le blond sur cette chaise, ce terrible incendie qui a entraîné la mort de M. Nikolai Kniazev, Mme Anushka Kniazeva et leur fils M. Dimitri Kniazev, parents et frère respectifs de l'accusé.

Très vite, Aleksei est appelé à la barre et c'est l'accusation qui commence sa série de questions :

"Monsieur Kniazev, vous avez déclaré ne pas vous souvenir des faits. Pourtant, on vous a retrouvé tout près de la maison ce soir-là, couvert de suie... Comment l'expliquez-vous ?
- Je... Je ne sais pas. J'avais passé la soirée avec des amis, on a beaucoup bu, on a... (d'une voix plus faible) fumé pas mal aussi, et... Ensuite je me réveille allongé dans le jardin, toussant à m'en arracher les poumons, couverts de poussière et des brûlures un peu partout. Je me retourne et je vois ma maison en ruine, le feu s'était propagé, je... Je ne sais pas, je suis désolé.
- Vous êtes désolé ? Désolé de quoi au juste ? De ne pas vous souvenir ou d'avoir assassiné votre famille ?"
- OBJECTION VOTRE HONNEUR !
- Accordée, veuillez reformuler la question.
- Bien, vous dites être désolé, ressentez-vous un quelconque sentiment de culpabilité ?
- Oui... Evidemment, je suis le seul survivant, toute ma famille a péri dans l'incendie, comment ne pas me sentir coupable ? Est-ce que j'aurais pu les sauver ? Je ne sais pas, je ne le saurai jamais. Alors oui, je me dis que peut-être si je n'avais pas été raide mort, j'aurais pu faire quelque chose.
- Comment décririez-vous la relation que vous aviez avec vos parents ?
- (il sourit) La relation vous dites... Ca fait bien longtemps qu'il n'y avait plus de dialogues entre mes parents et moi, ils ont toujours attendu de moi des choses que je n'étais pas prêt à leur donner, ils ne voulaient pas un fils mais simplement l'image d'un fils parfait, que je n'étais pas. Je suis quelqu'un d'honnête, je ne cherche pas à cacher mes problèmes derrière un sourire figé pour qu'on pense que je vais bien. Si je suis assis là aujourd'hui, si vous estimez que je suis le coupable idéal, c'est parce que mon honnêteté a eu raison de moi. Oui, je prends des substances illicites, oui j'ai fait des choses dont je ne suis pas fier, et j'imagine bien que ça ne plaide pas en ma faveur, j'en ai bien conscience. Par contre, ces choses-là, je les ai assumées, mais ce dont vous m'accusez aujourd'hui... Non, ça... Ce n'est pas moi.
- Pourtant, vous disiez ne pas vous en souvenir, comment pouvez-vous nous assurer aujourd'hui que ce n'est pas vous ?
- Parce que je ne suis pas un meurtrier, je... Je n'aurais pas tué mon frère ! Il était tout ce qu'il me restait !
- Vous n'êtes pas un meurtrier... Intéressant quand on lit dans votre dossier qu'à lâge de 4 ans, votre père a retrouvé votre chat mort, étendu par les pattes arrières au fil à linge... Une oeuvre signée Aleksei. Une telle violence et de tels instincts meurtriers n'étaient-ils pas les prémices de ce meurtre ?
- Mais j'avais 4 ans ! J'étais encore un enfant !
- Un enfant, oui, mais déjà meurtrier. Alors quand vos parents vous ont puni pour ça, comme pour tous vos autres méfaits, qu'on-ils fait ?
- Ma mère a hurlé, c'était les voisins qui l'avait averti pour le chat et le fait que je ternisse notre image comme ça l'avait rendu folle. Elle était hystérique dans le salon, alors mon père a débarqué et m'a "mis une bonne correction" comme il aimait le dire. Il m'a frappé encore et encore jusqu'à ce que je sois incapable de bouger. Ca a toujours été comme ça, pour nous trois.
- C'est donc la raison pour laquelle votre soeur vous a quitté ?
- Tamara est partie il y a cinq ans maintenant, du jour au lendemain sans un mot. Elle m'a abandonné à mon sort pour aller vivre sa vie. J'aurais aimé qu'elle m'emmène, elle était tout ce que j'avais, mais il faut croire qu'elle nous a définitivement rayé de sa vie... Peut-être qu'elle a eu raison, ils n'ont jamais compris qu'en voulant nous mouler à leur façon, ils nous tuaient à petit feu...
- Notons le jeu de mots intéressant choisi par l'accusé. Donc votre père était donc un homme violent qui vous a martyrisé pendant des années, de quoi assainir une envie de vengeance. De plus, les experts révèlent que l'association d'alcool et de drogue provoque des hallucinations et entraîne une exacerbation de la violence. De quoi décider d'en finir une bonne fois pour toute ? J'en ai terminé votre honneur.
- La défense, c'est à vous.
- Monsieur Kniazev est accusé d'avoir délibérément mis le feu à sa propre maison et d'avoir volontairement, par ce fait, mis fin aux jours de ses parents et de son frère, de qui, rappelons-le, il était proche. Sur quoi se base l'accusation ? Sur un geste que Monsieur Kniazev a eu il y a maintenant seize ans et sur des présomptions. Quelles preuves ont-ils aujourd'hui ? Aucune. Soyons clairs, les faits reprochés à mon client ne sont que pures spéculations. Effectivement, Monsieur Kniazev était sur les lieux de crime, mais il était lui-même en mauvais état, il a dû être conduit en urgence à l'hôpital, on a du le soigner pour ses profondes brulûres et le mettre sous assistance respiratoire. A-t'il été question ne serait-ce qu'une seule fois d'imaginer que mon client était lui aussi une victime de tout ça. Jamais ! Car il est plus facile d'accusé un enfant mal dans sa peau, esseulé que de chercher la vérité. Ne condamnez pas un gamin parce qu'il a trouvé un refuge à son mal être dans la drogue et l'alcool, donnez lui une chance de s'en sortir !"

Les jurés s'étaient retirés, la délibération prmettait d'être longue et houleuse. C'est trois heures plus tard qu'on le convoque à nouveau dans la salle, le jugement allait être prononcé.
"Aux accusations d'homicides volontaires, nous déclarons l'accusé NON COUPABLE."

La stupeur avait gagné l'assistance mais c'était le soulagement qu'on pouvait lire sur le vosage d'Aleksei. Il allait pouvoir retourner à sa vie, son nom avait été blanchi, il était libre. Mais la joie avait été de courte durée, dès son retour à l'université en septembre, les regards avaient changé, plus personne ne l'approchait, sauf pour l'insulter ou lui mettre des bâtons dans les roues. On l'apostrophait dans les couloir "Hé le vampire, il parait que t'as oublié d'en tuer une !" ou encore "Regarde le, faudrait prévenir Tamara qu'elle risque sa peau en venant ici.". Ils avaient dit "Tamara ?!" comme dans Tamara Kniazev ? Elle était revenue ? Il fallait qu'il la voit de ses propres yeux, s'il avait bien besoin d'elle aujourd'hui, c'était maintenant, il était plus seul que jamais. Sa confrérie ne lui avait pas complètement tourné le dos mais il ne s'y était jamais vraiment senti à sa place, mais là il avait l'espoir de retrouver sa sœur, sa vraie famille, son sang.