can fake everything.
L'exil. Ça ressemble presque à ça. Toi, l'indomptable. Toi, le populaire, le souriant, celui dont on parle à longueur de temps... Lassé ? Lassé de temps d'hypocrisie ? Ouais, c'est p't'être bien le cas. T'as toujours adoré surprendre les autres, c'est comme une obsession. Et là... tu les as jamais vraiment surpris, ici, ces idiots à Jersey. Bon, ok, y a aussi pas mal d'intelligents, et tu dois avouer t'être attaché à pas mal (trop) de gens ici. Mais bon, c'est ainsi. Ce soir, grosse soirée chez les Zeus. On t'y attend à coup sûr. Oh, mais tu n'y seras pas. Non, tiens, pour une fois. Enfermé dans ta chambre comme un mouton solitaire, tu griffonnes sur ta feuille de papier. Ah, le bel artiste. Les belles idées, les jolis mots, un beau parleur encore. Même si tu dis rien, tu couches tout sur tes cahiers. Putain. Ces feuilles en savent plus sur toi que les gens que tu côtoies H24. Soudain, on frappe à ta porte ; tu sursautes. Je dérange ? T'es seul ? Tu fronces les sourcils. T'as reconnu la voix de Tanguy. Tu te demandes bien ce qu'il veut ; d'habitude, il vient te voir la journée. Jamais le soir. Tu lui ouvres sans hésitation pourtant, ayant négligemment jeté tes carnets sur ton lit défait. Face à lui, tu l'observes de tes yeux mi-curieux mi-rieurs, avant qu'un sourire ne fende ton visage. Salut mec. Qu'est-ce que tu fais là ? Tu passes une main dans tes cheveux. T'es mal fringué, t'es pas coiffé, t'es pas franchement présentable et pourtant, t'es beau comme un coeur. C'est d'être un Callaghan, ça. Même mot sur ton lit d'hôpital, tu s'ras canon, tu l'sais. Euh.. tu veux entrer p't'être ? fais-tu doucement. Ben ouais. Tu voyais p't'être que rarement tes parents, mais tes nourrices, elles, t'ont appris la politesse.

pour ce marin sur son navire, il sera vieux le port ce soir.
Je révisais. Curieusement, tu le crois. Tu sais qu'il dit la vérité parce qu'au vue de ses résultats brillants, tout le monde sait qu'il doit forcément bosser. Pas comme toi. Et pourtant tu réussis plutôt pas mal ton coup. Mais bon, tu fous pas rien non plus hein. Il te sourit et tu fais de même, naturellement. C'est moi qui devrais te demander ce que tu fais ici. Les zeus font pas une soirée ce soir ? Tiens Teddy, bouffe-toi ça dans la gueule. Tu hausses les épaules, désinvolte. Tu écrases un bâillement contre ta main, avant de passer celle-ci dans ta nuque, lui adressant une moue un peu désabusée. Bah, j'étais crevé et j'avais une migraine infernale. Ouais. C'est surtout que t'en as marre de tout ça. Si t'y vas, tu sais que la moitié des filles présentes chercheront à t'avoir dans leur lit. Juste parce que coucher avoir toi aujourd'hui et ici signifie avoir eu un privilège. Pouvoir entrer dans cette cour si fermée de celles en qui t'es entrée, c'est tout de même absurde, non ? Et ces jeux commencent à te lasser sérieusement. Heu...ça va ? Tu sors de tes pensées brusquement et lui adresses un sourire rassurant. Ouais t'inquiètes ! Tiens puisque t'es là, j'vais te sortir un peu de notre célèbre cocktail, ça me donne une occasion de sortir un peu cette bouteille. Fabrication artisanale s'il vous plait, un peu de respect. Dans votre dortoir, tout le monde l'aime bien, ce cocktail, même s'il te rappelle un peu trop Candace et vos soirées enivrantes. Avant qu'il soit question d'un gosse. Tu la sors du petit placard ainsi que deux verres en plastique et lui en tends un. Tiens. Et toi, pourquoi t'es pas avec les autres ? Ben ouais parce que mine de rien, il t'explique toujours pas ce qu'il fait ici, même si tu sembles l'oublier un peu.

comme un éclat de rire vient consoler tristesse.
Il faut dire que la cohérence, c'est pas tellement ton fort, le Callaghan. Mais faut pas t'en vouloir. Bah, personne t'en veut t'façon. Enfin, il n'a pas l'air, lui. Ah oui, les révisions. T'avais déjà oublié ou quoi, Teddy ? Oh, t'es perturbé ou bien ? Tu hoches la tête d'un air entendu, comme s'il te le disait pour la première fois. Tandis qu'il te parle des soirées, tu retournes vers ton lit, rejetant la couette un peu dessus, ramassant tes bricoles pour les fourrer dans un tiroir. Que tu fermes à clé. Au cas-où. Ça peut paraitre louche, mais on prendra ça pour une habitude. Y a quelques fouines dans ton dortoir. Comme la petite Kôl. Ouais j'comprends. De quoi ? t'as écouté au moins, pauvre crétin ? Tu t'assois sur ton lit, croisant les jambes en tailleur comme un gamin et portes le verre à tes lèvres. Tu fronces doucement les sourcils. Il lit dans tes pensées ? Dérangé de devoir ainsi chercher quoi lui répondre pour ne pas briser la glace, tu prends une nouvelle gorgée. Ça te donne une excuse, et le temps de chercher tes mots. Bah si j'leur manque, ils viendront frapper ici et je les enverrai bouler. Tu soupires, l'air las. Tu pourrais démentir, nier, inventer... mais t'en as un peu marre de faire semblant. Ouais, c'pas toujours évident on va dire, ça devient vite un fardeau en fait. T'as aucune idée de ce qu'il cherche à te faire dire et relèves un regard inquisiteur vers le sien. Tu lui fais signe qu'il peut venir s'asseoir, finis ton verre et te laisses retomber sur le dos sur ton lit. Tu frottes tes yeux avant de te redresser sur les coudes pour le regarder. Tu cherches toujours dans ta p'tite tête une raison de sa présence, c'est plus fort que toi. P't'être que t'es là parce que t'as un soucis avec une fille que t'arrives pas à choper ?

comme un souffle avenir vient rallumer les braises.
Tu hoches la tête. Ouais, deux ans. Naïf, tu ne t'aperçois même pas qu'il ment sur toute la nuit, bien trop enfoncé dans ton pauvre petit monde. Ouais, t'as encore besoin de te plaire. Tu sais parfaitement que certains crèveraient pour être à ta place, mais toi c'est la leur que tu envies. Quoique... être inconnu et oublié dans un coin, c'est pas vraiment pour toi non plus. Mais y a un juste milieu. Tu soupires, fixant la couleur morne du plafond. Putain ils pouvaient pas peindre ces foutues chambres autrement que dans ce blanc laiteux là ? Tu te tournes sur le côté, en position fœtale. Arrête de faire l'enfant, Teddy. Tes sourcils se froncent. T'attends qu'il termine sa phrase. Tu hausses les épaules. Bah, j'en sais rien moi. J'te demandais juste. Après-tout, tu ne sais pas grand chose de la vie intime de ce type. Ça t'a jamais vraiment intéressé. Franchement, t'as déjà du mal à te dire qu'avec un mec de ton dortoir vous vous tapez pratiquement les mêmes filles alors maintenant, t'évites de demander. Le bruit de sa fermeture attire ton regard. Tu le fixes à cet endroit pendant plusieurs longues secondes. Puis tu détournes tes prunelles. Bon, faut arrêter là. Puis voilà qu'il te parle qu'il a... trouvé des... mecs ? Tu te redresses, fronçant les sourcils. Il dit ça tout naturellement, en plus. T'es conscient que ta réaction – t'être redressé comme ça d'un seul coup – c'est un peu excessif et qu'il peut maybe mal le prendre, avec ton visage se fend d'un sourire mi-amusé mi-gêné. Désolé, y a tellement peu de bi sur le campus que ça me surprend un peu toujours. Mais j'ai rien contre ça hein ! Mon meilleur ami d'enfance est bi et ça change rien. Ou presque. Sauf depuis qu'il s'est mit en tête de t'embrasser de force à chaque fois qu'il te croise, disons. Mais ça, t'es pas obligé de le préciser, hein ? Non. Assis maintenant, tu passes tes mains dans tes cheveux. Tu sais plus quoi dire.. alors tu te tais.