Ma plus grande frayeur, oui frayeur, pas peur, la peur c’est pour les petits, vous savez, celle du noir, ou des araignées, moi j’ai des frayeurs, le genre de truc qui vous fait faire n’importe quoi, voir même l’exact contraire de ce que je voulais. Ma plus grande frayeur à moi, elle s’est installée en moi lorsque j’avais cinq ans, et elle a grandi, comme un arbre, aujourd’hui, il est si feuillu, qu’on n’ose même pas imaginer qu’un jour, il n’était qu’une graine. Ma plus grande frayeur, elle s’est nourrie des multiples expériences de ma vie, certaines que j’ai causé, d’autres non, enfin ça c’est les autres qui me le disent « mais non Eden, c’est pas ta faute si tes parents sont partis ». Pourtant, moi j’en étais persuadée, j’avais cinq ans, et j’étais seule, dans un lit tout froid, dans une pièce inconnue, dans un endroit inconnu, à Moscou, rempli d’enfants « comme moi ». Ma plus grande frayeur c’était d’être seule. Et ’avais beau faire tout ce qui était en mon pouvoir pour faire en sorte de ne pas le devenir, je m’arrangeais toujours pour l’être. Une malédiction peut-être ? C’était toujours pareil, vous croyez avoir trouvé une famille et puis pouf, elle disparait. Mes parents, puis pouf. Vlad, puis pouf.

Cela avait commencé comme ça, une jeune fille abandonnée par ses parents qui pleurait parce qu’elle était seule, et qu’elle n’aimait pas ça. « Pourquoi tu pleures ? » Je ne voulais pas être seule, je voulais une famille, je voulais entendre encore le son de la voix de ma mère. A cinq ans, je ne réalisais pas que mes parents étaient drogués, dangereux, et que peut-être c’était mieux pour moi. Mais qu’est-ce qui est mieux pour un enfant que ses parents ? Mais cette petite voix d’enfant fût ma bouée de sauvetage, une branche à laquelle me rattraper. « Pourquoi les autres ils ne jouent pas avoir toi ? » «Je sais pas je suis trop bizarre » « Moi je te trouve pas bizarre » A partir de là, je n’étais plus seule, parce qu’on était seuls à deux. Et pour moi, il y avait beau avoir plusieurs enfants dans cet orphelinat, il n’y avait que celui-là qui comptait, et cela a toujours été ainsi, cela a toujours été lui.

Un psy vous dirait que j’avais besoin de me sentir aimer parce que je n’avais pas été aimée par mes parents, que j’avais un grand bol d’affection vide et que je devais le remplir à tout prix pour me sentir bien. Peu m’importait, tout ce que je voulais moi, c’était être bien, alors je faisais ce que je devais pour l’être. Mon adolescence fut… folklorique, on peut le dire. Vlad était toujours fourré dans ses bouquins, toujours avec ses bonnes notes. Moi j’avais besoin de plus, pas que je ne veuille pas me contenter de ça, que je ne veuille pas être comme lui, mais je n’y arrivais pas. J’avais besoin de plus. Je faisais de la m**** et je savais que je fais de la m**** , mais pourtant je continuais à en faire. Il est où le psy pour expliquer ça ? « Tu n’es pas mon père Vlad fou moi la paix » « Je suis pas ton père mais tu es la seule famille qui me reste si je te perds je sais pas ce que je deviendrais. » « Arrête ton cinéma on est pas de la même famille on a pas de famille ouvres les yeux bordel, on a grandi ici dans ce trou et moi je veux m’en sortir comparé à toi. Je ne suis pas naïve je crois pas au compte de fée. Alors maintenant laisses moi passer » La colère me dirigeait, je sentais mon sang battre dans mes veines, partout sur mon corps. J’avais besoin de tester mes limites, besoin de me sentir plus vivante, besoin de me sentir en danger, de sentir que je comptais. Au fond, peut-être que j’avais juste besoin qu’on me dise que je ne pouvais pas sécher, qu’on me dise que je ne pouvais pas foutre ma vie en l’air, parce que je comptais, parce que j’avais une place dans ce monde. C’était peut-être juste ça que je cherchais une place dans ce foutu monde.

« Ce mec est louche tu mérites beaucoup mieux que lui quittes le » « Tu le connais même pas j’ai aucune leçon à recevoir de personnes je sors avec qui je veux. » « Tu as pris de la drogue Ed’ ? C’est lui qui te force à faire ça ? Et tes bleues que tu as c’est pas en tombant avoues le moi » « Je.. » Oui, il fallait que je le quitte. Oui, j’étais trop naïve, je n’avais pas la force, pas la force de revenir à tout ça. J’étais différente, jesentais le danger, je vivais le danger. Il était violent, il était dangereux, mais je ne pouvais pas m’empêcher de le vouloir. Je faisais tout pour lui plaire, pour qu’il la sorte de là. Un type de la mafia. J’en payais le prix. Mais comment s’en sortir quand on est les deux pieds dedans ? Ma plus grande frayeur germait petit à petit, je ne voulais pas le laisser, je ne voulais pas être seule, je voulais être aimée, entourée. A n’importe quel prix . Et, je l’étais, il l’aimait et l’entourait plus que quiconque, Alex, mais j’étais trop aveugle, trop bête pour le voir, ou peut-être que j’en voulais plus. Je ne sais pas, mais lui le savais, il m’a protégé, à n’importe quel prix. Ce gars de la mafia je ne le revis plus jamais, et Vlad, non plus d’ailleurs … « Je vais le tuer »

«On m'a proposé un contrat de mannequin aux USA en plus comme je parle bien anglais je suis la personne idéal pour ça. Je pars demain Eden » « Quoi ? C'est une blague dit moi que c'est une blague. Car c'est pas drôle tu n'as pas le droit de partir » « Je suis désolé »« Tu n'es qu'un lâcheur et un égoïste tu n'as pas le droit de partir sans moi et me laisser. J'ai que toi comment tu peux faire ça je pensais que tu tenais à moi j'étais stupide»« J'ai tué un homme pour toi Eden ne vient pas me dire que je ne tiens pas à toi. Je t'écrirais tous les jours et je t'appellerai aussi puis on se verra de temps en temps tu viendras me voir » « Je te déteste casses toi » J’étais abandonné, j’étais seule. Plus de parents, plus de Vlad, plus personne. Je le savais, je savais que si il partait, plus rien ne pourrait plus marcher. Non, on ne s’écrirait pas tous les jours, non on ne s’appellerait pas tous les jours, on se perdrait de vue, juste comme ça. Toute ma vie, j’ai vécu sans modèle mais ça, je l’avais assez vu à la télé pour le savoir, on se perdrait de vue. Je ne pensais pas un mot de ce que j'avais dit, mais je lui en voulais de s'en sortir, sans moi... J’ai toujours été régie par mes peurs, la colère montait à chaque fois, parce que j’avais si peur d’être seul, d’être abandonné. Je l’envoyais balader à chaque fois qu’il faisait un pas vers moi. Et cet fois-là, j’aurais mieux fait de ravaler cette frayeur. Il partit. Plus jamais, je ne ré-entendis sa voix. Et chaque nuit, je rêvais qu’il était là, et qu’il me disait à nouveau « pourquoi tu pleures ? »

« et quoi tu l’as plus jamais revu ? » « non… mais il est ici. C’est pour ça que je suis venu jusqu’ici. » « et moi qui croyez que tu rêvais de cet école la nuit » j’avais fait un bout de chemin depuis cinq ans. Bien sûr on ne s’était jamais reparlés, bien sûr c’était de ma faute. Mais être à nouveau seule, m’a permis de me reprendre en main. J’ai commencé à être plus sérieuse dans les études, j’ai arrêté de fréquenter les garçons, spécialement les mauvais. Bon, il ne faut pas croire qu’il eut un brusque retournement de situation. J’ai toujours soif de danger, je sors souvent, bois souvent, et j’ai toujours pas su abandonner la cigarette, mais au moins j’ai réussi à entrer à l’université en criminologie. Pourquoi la crimino ? c’est pas clair ? mes histoires en Russie, … et puis une criminologue qui fait de temps en temps des écarts c’est pas classe ? aujourd’hui je me retrouve dans la même université que Vlad, et je compte bien retrouver le seul … ami… qui n’est jamais vraiment compté à mes yeux. Seul problème ? J’ai peur de sa réaction, j’ai peur encore et encore…