Il y avait de ces jours où Roxie croyait dur comme fer en la malchance, sans pour autant croire en la chance. De même, il lui arrivait de croire de ne jamais croire aux coïncidences, tout en pensant pertinemment qu'un sujet aisément être le bouc-émissaire de la poisse. Aujourd'hui c'était le cas. L'humeur n'était pas vraiment au rendez-vous. Une simple chose suffisait à la mettre dans tous ces états. Basculant ses cheveux en arrière, elle pressa le pas un moment pour fuir et éviter qu'on ne lui propose une quelconque invitation à boire un café, traîner dans le coin ou encore faire du shopping. Non, en fait, elle voulait simplement rejoindre sa chambre et se la couler douce. Mais non, naturellement quand on parle de poisse, ce n'est jamais pour rien. Sans trop savoir d'où cette silhouette sortait, Roxie percuta un homme très certainement, une tête et demi de plus qu'elle. « Arf ! » N'ayant même pas remarqué de qui il s'agissait elle se mit accouprie pour récupérer son téléphone qui gisait au sol, sortait même un poil de sa pochette protectrice. Et alors qu'elle se redressait pour s'excuser brièvement et continuer ses pas, elle ne manqua pas de remarquer qu'il s'agissait de Louis. Un léger rire nerveux s'empara d'elle. « Okay.. faut avouer que plus cliché que ça.. tu meurs. » Dit-elle en le regardant. Gênée ? Non jamais ! Quoique peut-être un peu, enfin c'était spécial. En attendant c'était tellement banal, et vu et revu. Tomber sur la personne que vous vous amusez à éviter sans trop pouvoir fuir. Elle se retrouvait un peu au pieds du mur c'est vrai, mais n'avaient-ils pas tout deux l'habitude ?!

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Qui a dit que le hasard faisait bien les choses? Quel est l’imbécile qui a pu nous pondre pareille idiotie?! Le problème avec les proverbes c’est qu’ils sont un peu comme les plantes vertes: sur le papier ils sont bien jolis, mais en réalité ils ne servent à rien. Sauf peut-être à vous mettre en rogne, comme aujourd’hui. J’ai les yeux fixés sur Inaya et une bonne centaine de saloperies à lui balancer au visage, mais tout ce qui me vient à l’esprit c’est ce dicton débile. Je me le passe en boucle depuis que je l’ai percutée et ça commence à me donner mal au crâne. Certes, c’est de circonstances étant donné que j’ai parlé de la jeune femme avec une connaissance que nous avons en commun pas plus tard que ce matin, mais le moins qu’on puisse dire c’est que je ne suis pas ravi de la voir. Tout bien considérer, la formulation est un peu rude -disons plutôt que le moment n’est pas opportun.

J’étais en route pour aller prendre un café avec ma sœur jumelle (fraîchement revenue de Paris) quand je l’ai percutée de plein fouet. La jolie brune ne regardait pas où elle allait (sans doute était-elle distraite), quant à moi je marchais un peu trop vite et mes yeux se sont subitement perdus dans le décolleté d’une mystérieuse inconnue… Une rencontre d’une incroyable banalité en somme, si ce n’est qu’on s’en serait bien passé. « Okay.. faut avouer que plus cliché que ça.. tu meurs » constate-t-elle en levant les yeux vers moi. Haussant les épaules, j’acquiesce d’un signe de la tête, sans pour autant lui adresser le moindre sourire. Si je suis en colère contre elle? Pas plus que n’importe qui. Seulement, je ne tolère pas son comportement. Inaya souffle constamment le chaud et le froid avec les gens et je fais partie de ceux que cela agace. Autant elle peut être adorable, pétillante et amusante, l’instant d’après elle se transforme en reine des glaces. J’ai un peu de mal à la suivre par moment et je déteste ça. Je suis un garçon qui aime avoir le contrôle et qui a besoin de savoir où il en est dans ses relations - et ce qu’elles soient amicales, ambiguës ou amoureuses. « Tu m’excuseras de ne pas te sauter dans les bras ou de ne pas m’étonner du fait que tu me fuis, mais je commence à avoir l’habitude maintenant et… écouter tes justifications ne m’amuse plus » je lâche avec une pointe de cynisme, bien que je n’avais, au départ, aucune intention de me montrer désagréable.

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Le proverbe connu de tous ne dit-il pas : « on récolte ce que l'on sème » ? Elle avait sûrement mérité cette attitude de la part de Louis. Dans le fond, elle n'aurait pas dit à une accolade amicale, et quand on y pense il lui arrivait parfois même de les provoquer ces accolades dans les moments de faiblesse. Mais à cet instant précis, forcée de reconnaître qu'elle était légèrement perplexe, peut-être même gênée sans vouloir le reconnaître. « Ça tombe bien. Je pense avoir épuisé mon stock de bonnes excuses ; et l'inspiration me manque ces temps-ci. » C'était ce qu'il voulait entendre sûrement. Elle allait dans son sens, et même si le cynisme, le sarcasme s'étaient épris de sa nature à certains moments, bizarrement, à ce moment précis, cela venait presque du cœur. Elle ne disait pas faux. Elle était incapable de se justifier. Elle tenait à Louis, et ne plus l'avoir dans les environs à la maison n'était en fait qu'un signe parmi tant d'autres pour elle. « On va pas en faire un mélodrame non plus hun ? » Fourrant son téléphone au plus profond de sa pochette pour simplement occuper ses mains, elle releva son regard vers Montgomery un court instant. Elle n'osait pas lui dire qu'elle merdait à chaque fois, pourtant elle le pensait, mais ce n'était pas une raison pour reconnaître ses torts. La jolie brunette, rebelle, se disait qu'elle avait ses raisons, et cela lui suffisait amplement. « Alors comment ça va en ce moment ?» Oui, ça l'importait. Mal à l'aise, et à mi-voix mais elle prit la peine de lui demander en espérant qu'il prendrait la peine de lui répondre. Il est vrai qu'on pourrait aisément croire qu'elle n'en avait que faire mais non. Il était là, et elle voulait savoir comment gérait-il son nouveau quotidien, bien qu'elle se doutait qu'il devait sûrement s'y être habitué maintenant.

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Contrairement à ce que à quoi je m'attendais, Inaya choisit d'aller dans mon sens et ne me provoque pas. Sa réaction, quoi que mature et appréciable, ne manque pas de me faire sourciller et me déstabilise même un cours instant. L'idéal aurait été qu'elle reconnaissance qu'elle a eu tort, mais il ne fallait pas trop lui en demander non plus. En soit, le fait qu'elle n'est pas prétexté quelque chose de stupide pour m'éviter est un grand pas. « On va pas en faire un mélodrame non plus hun ? » lâche-t-elle d'une voix nasillarde en commençant à jouer avec son portable, dans le but j'imagine, de cacher son malaise. « Alors comment ça va en ce moment ?» Bien que l'agacement n'ait plus aucune incidence sur mon humeur, je manque de lever les yeux au ciel, tant sa question me semble dérisoire sur le moment. Après avoir mis autant de soin à m'éviter, j'ai tout de même du mal à croire que ma vie l'intéresse, ne serait-ce qu'un tant soit peu. D'un autre côté, à quoi bon jouer les têtes de mules? « On fait aller. Je ne te cacherai pas qu'élever un enfant à mon âge n'est pas simple, mais je me débrouille. Mes parents m'aident et pour l'instant, j'arrive à suivre les cours. Je trouve même le temps de sortir draguer, donc tout va bien! » je lâche sous le ton de la plaisanterie, avant d'ajouter « Et toi? Quoi de neuf depuis la dernière fois? »

On reconnaîtrait aisément à Inaya, dite Roxie, une fâcheuse tendance à manquer de tact. Elle en était consciente par moment, mais c'était sorti comme ça était et c'est d'ailleurs l'argument dont elle userait. Elle était le genre très spontané tant dans ses qualités que ses défauts. « Je trouve même le temps de sortir draguer, donc tout va bien! » En voilà une bonne nouvelle s'était-elle dite silencieusement. Oui, cela ne s'était pas entendu. Et comme souvent Roxie était partagé entre deux sentiments. Elle était d'une part comme soulagée et heureuse d'entendre que ça allait bien pour lui, et d'un autre côté elle était tentée de lui en vouloir. Mais pauvre fille, crois-tu mériter le temps du jeune papa après tes comportements irrationnels ? « Tu m'étonnes ; je suis sure que 'le jeune papa célibataire les faisant toutes craquer' n'est pas qu'un mythe ! » Ajouta-t-elle, le sourire aux lèvres. Seuls les humbles saints savaient tout venait ce sourire. Elle était sûrement comme amusée. Elle avait toujours détesté les généralités, et les banalités mais malheureusement il fallait avouer ça dominait beaucoup. « Trois fois rien, comme d'habitude. » Finit-elle par dire. Ce n'était pas faux, mais pas totalement vrai non plus. Mais comme souvent elle ne voyait peut-être pas l'intérêt de lui conter des choses sans intérêts justement, et puis elle avait comme l'impression que ce n'était clairement pas le moment opportun, et lâche qu'elle était, elle aurait tendance à penser que c'était tant mieux. En bref, elle espérait entendre qu'il était attendu par quelqu'un ou qu'il avait cours tiens ; mais au fond, et ce, bien au fond, une part d'elle espérait quand même qu'il ne lui en voulait pas trop non plus.

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« Tu m'étonnes ; je suis sure que 'le jeune papa célibataire les faisant toutes craquer' n'est pas qu'un mythe ! » Amusé par sa remarque, je laisse échapper un petit rire. Si seulement les choses étaient aussi simples… « J’ai bien peur que ce genre de tactiques ne fonctionnent pas dans la réalité. Ou bien je ne m’intéresse pas à des filles suffisamment mûres… Quoi qu’il en soit, je n’ai pas besoin d’utiliser mon fils pour arriver à mes fins. Tu sais probablement mieux que quiconque que j’ai toujours su y faire et ce, même avant de découvrir que j’étais papa » je lâche avec un sourire en coin, faisant clairement allusion à la nuit que nous avons passé ensemble. Rebondissant sur la suite de sa réponse, je lance avec une pointe d’ironie « C’est fou ce que ta vie est passionnante ! Tu sais, si tu n’as pas envie de parler avec moi, tu peux passer ton chemin, je ne t’en voudrais pas. » Je n’ai aucune envie de me montrer désagréable, mais j’ai clairement l’impression de parler tout seul et ça ne me plaît pas du tout. Il fut un temps où nous étions relativement proches Roxie et moi. Nous arrivions même à avoir des conversations très intéressantes – alors qu’aujourd’hui, j’ai juste l’impression de parler à une inconnue, voire même de perdre mon temps.

Inaya avait toujours eu horreur des clichés, mais en attendant il lui arrivait parfois d'être contrainte d'y croire. C'était absurde mais tant elle imaginait qu'une mère célibataire pourrait faire fuir, tant elle avait cette certitude selon laquelle un père célibataire avec du charme attirait. Pas pour rien qu'elle en a vu défiler des femmes durant son adolescence, sauf la dernière en date, et fidèle au poste depuis déjà quelques années. Un exploit vous dira-t-elle ! Manque de bol, elle ne la supporte pas. « Non pas du tout, je n'vois pas de quoi tu veux parler. » Le regard accusateur, elle tentait une fois de plus de nier. Pourtant ce n'était pas un mauvais souvenir, non loin de là ; mais ça restait le truc en plus à cette amitié, ce truc qui rendait parmi d'autres trucs leur lien spécial. « Non.. » Elle haussa légèrement une épaule et hésitante, elle vint à ajouter. « .. c'est pas ça. Au contraire, je suis même contente de te voir. » Elle aurait dû sourire mais elle ne le fit. Un étirement de lèvres rapide s'y exposa seulement. Elle était gênée, et frustrée. Sentant que le silence commençait à se faire pesant sans compter qu'il allait sûrement prendre ses jambes à cou après l'avoir bousculé par agacement de son comportement, elle finit par dire. « Je me suis coupé le doigt hier en faisant une salade de poivrons ! » Stupide ; tu es ! Se disait-elle en montrant le bout de son index au jeune homme, mais elle assumait, et là était toute la folie de la demoiselle. Elle rit légèrement, l'air de se moquer d'elle-même et ajouta. « Je suis en pleine période d'examens, et je me tâte à l'idée de retourner en Australie pour les vacances.. mais à part ça faut avouer que ma vie est plutôt passionnante comme tu le disais. » Et là, enfin elle se décida à sourire, un joli petit sourire, presque désolée de voir que sa vie était si fade ces temps-ci.