12 mai 1989, Venise, Italie, dans une petite clinique. Des bruits de pas qui martèlent le sol d'un air pressé. Des murs plus blancs les uns que les autres qui défilent. Des portes fermées. Des numéros de chambres et des couloirs qui sentent le désinfectant. Une petite clinique comme une autre en Italie. Enfin, pas pour toi. Car pour toi, ce n'est pas qu'un simple hôpital. Cet endroit, tu le connais par coeur. Surtout le service d'urgence dans lequel tu travailles en tant qu'infirmier. Mais aujourd'hui, tu n'es pas ici pour le travail, ni même pour une urgence. Enfin, en quelque sorte, c'est quand même un évènement que tu attendais avec une certaine impatience. 2 ans, pour être plus précis. Depuis que tu l'avais rencontrée et qu'elle avait transformé ta vie. Pourtant, entre elle et toi, rien n'avait été simple. Pourtant, votre rencontre avait été des plus banales. Une soirée entre amis, des regards échangés, des sourires. Tu avais pris ton courage à deux mains pour l'accoster, elle ne t'avait pas repoussé. Tout semblait parfait. Tu n'étais pourtant pas du genre à croire au coup de foudre mais tu qualifiais pourtant votre coup de coeur ainsi. Après tout, dès cet instant, tu avais su. Tu avais su que c'était elle qui partagerait ta vie, dans les meilleurs moments comme dans les pires. Malheureusement, le pire arrivait souvent bien trop tôt. Pour toi, cela arriva quelques mois plus tard, quand tu présentas Jezzalyn à tes parents. Coiffeuse, fille de coiffeurs, et anglaise. Trois petits détails qui firent de suite tiquer ta famille. Elle ne venait pas de chez vous, elle semblait ne pas accorder une grande importance à la religion. Et surtout, elle n'avait certainement pas votre éducation, ni les manières adéquates pour vivre en haute société. Sans prendre la peine de la connaître, les Nizanni l'avait donc rejetée. Mais toi, tu t'étais battu. Par amour, tu aurais tout fait. Jusqu'à renier les tiens. Jeune infirmier, tu avais loué un petit appartement et tu avais pris ton indépendance. Très vite, vous aviez parlé d'avenir. Et une partie de cet avenir se tenait dans ce couloir, service de maternité, chambre 392. Un adorable petit garçon venait de voir le jour. Ton fils: Andrea Davide. Tu affichais un sourire heureux alors que tu pénétrais dans la chambre et que tu te dirigeais vers le lit afin de déposer un doux baiser sur le front de Jezzalyn.

Février 1990. Un sourire pour une photo. Toujours des sourires. Pourtant, ils n'avaient plus le goût du bonheur. Ce n'était qu'une façade. Une façade pour cacher ta tristesse. Pour cacher ta vie qui avait viré au cauchemar depuis presque 9 mois. Rien n'aurait du se passer comme ça. Mais cela faisait longtemps que tu avais enlevé le bracelet où il était gravé Jezzalyn&Guiseppe. Elle était partie. Partie sans aucune explication, te laissant Andrea pour seul cadeau. Tes parents étaient revenu vers toi quand ils avaient appris la nouvelle. Mais le fait que tu ais un enfant à présent salissait leur image qu'ils voulaient nette et sans bavure. Alors, comme pour racheter une faute que tu aurais commise, ils t'avaient proposé de tout effacer. Les personnes oublieraient l'histoire Jezzalyn à une seule condition: que tu épouses Sara, cette jeune femme de ton âge, future avocate, qui t'étais promise. Si tu n'avais pas fait l'idiot, elle aurait déjà été ta femme. Tu te sentais manipulé mais complètement perdu. Alors tu avais dit oui. Sara était tout le contraire de Jezzalyn: c'était une jeune femme calme, posée et timide mais qui avait des convictions. Et une famille tout aussi riche que la tienne. Elle avait très vite adopté Andrea et dans sa profonde gentillesse, l'avait tout de suite considéré comme son propre fils. Alors, tu te tenais là, à ses côtés, ton fils dans ses bras pour la photo de vacances. Tu avais tout pour être heureux mais tu ne l'étais pas. Jezzalyn te manquait et tu ne comprenais pas les raisons de son acte. Tu avais donc pensé qu'elle avait fuit ses responsabilités. Sans te douter une seule seconde qu'elle avait obéit à tes parents et qu'elle avait accepté de rentrer chez elle et de vous abandonner pour une grosse somme d'argent. Achetée. Tu en aurais été dégoûté si tu l'avais su. L'ignorance avait peut-être du bon.

1992. 'Andrea, descends de cette table' 'Mais pourquoi papa?' 'Tu risques de te faire mal. Combien de fois te l'ai-je déjà expliqué?' Le petit garçon sauta à terre, la mine boudeuse et Guiseppe poussa un soupir de lassitude. Andrea était un petit garçon bourré d'énergie. Hyperactif même. Il ne tenait pas en place plus de deux minutes. Et cela épuisait énormément Guiseppe. Il fallait dire qu'il essayait tant bien que mal de combiner son travail et l'éducation de son enfant. Parce que c'était ainsi que l'homme voyait les choses: Andrea était son fils et Sara, bien qu'elle soit une parfaite mère aimante, n'était rien pour le petit. Alors il prenait les décisions seul. C'était du moins ce qu'il croyait mais avec tout le tact qu'elle avait, Sara arrivait souvent à rendre un peu moins strict le papa qu'il était. 'Chéri, laisse-le s'amuser' 'Sara, tu sais bien qu'il monte sur tout! Si on le laisse faire, il va finir sur le toit de la maison dans quelques semaines' Sara avait sourit tendrement. De l'amour était passé dans ses yeux. Bien qu'elle savait pertinemment bien que Guiseppe ne l'aimerait jamais aussi fort qu'il avait aimé Jezzalyn , elle n'avait pu s'empêcher de tomber sous le charme de cet homme qui était devenu son mari par mariage arrangé. Elle l'aimait certainement plus que lui en tout cas. Sara avait pris la main du petit garçon, l'entraînant vers le salon. 'Et dis-moi Dréa, tu es content d'avoir bientôt un petit frère' Le petit garçon hocha la tête, un sourire sur les lèvres. 'Mais pourquoi il est pas déjà là maman?' Inutile de préciser que le mot pourquoi était un des préférés d'Andrea. Avec beaucoup de douceur, Sara répéta les mêmes informations qu'elle avait déjà dites au petit garçon quelques jours plus tôt. Ce dernier écouta d'une oreille avant d'entraîner celle qu'il croyait être sa maman dans le jardin pour jouer au ballon.

1997. 'Dréa, mais qu'est-ce que tu fiches?' Le jeune garçon de huit ans observa son copain d'un air défait. Aujourd'hui, ce n'était pas son jour et Alessio l'avait bien remarqué. Depuis quelques minutes, ils participaient à leur entraînement de basket de la semaine mais Andrea ne semblait pas dans son assiette. A chaque fois qu'il avait le ballon et qu'il voulait marquer, ce dernier passait à côté du panier. Mauvais tir, pas assez de précision. Le pire? Ce fut ce ballon lancé par Alessio et qu'il rattrapa en pleine tête. C'était à ce moment même que son ami avait commencé à s'inquiéter. Que se passait-il exactement? Andrea ne l'avait jamais habitué à ça. Le jeune garçon se frottait à présent la tête, énergiquement. Ce qui se passait? Il ne savait pas vraiment. En fait si, il savait mais il avait peur de l'expliquer. Peur de se couvrir de ridicule et de voir les autres se moquer gentiment de lui. 'Si je te le dis, tu me jures de ne rien répéter?' 'Juré!' 'Je... Je ne vois plus... Enfin, je veux dire, je suis pas aveugle mais... C'est flou devant moi. C'est comme si tu avais la télé en hachuré.' Andrea avait baissé la tête, s'attendant à ce que son ami rigole. Mais contre toute attente, il n'en fit rien. 'Je sais ce que c'est. Ma soeur a eu pareil. Il te faut des lunettes' Alors là pour le coup, le jeune garçon avait laissé échapper un sourire. Des lunettes? Il se voyait déjà affublé d'une grosse monture à la Harry Potter. Très beau, vraiment. Andrea avait donc haussé les épaules, avait repris le ballon des mains d'Alessio et comme pour lui prouver que tout allait déjà mieux, se dirigea vers le panier et marqua. Un coup de chance. Quelques jours plus tard, Andrea fut conduit chez l'ophtalmologue par Sara et le diagnostic fut posé: myopie. Les lunettes furent donc une obligation pour le jeune garçon, bien qu'il n'en fut pas enchanté.

2003.L'adolescence n'était pas le moment le plus facile à vivre. En général, beaucoup de jeunes essayaient de passer outre les règles qu'on leur imposait, avec plus ou moins de succès. Andrea n'échappait pas à la règle. Il venait d'avoir 14 ans et pour lui, c'était comme si tout lui était permis. Ce fut le moment des cap ou pas cap, avec sa bande de potes. Le moment aussi où il fit les 400 coups avec son frère Pietro, deux ans plus jeune que lui. Et dès fois on se demandait lequel des deux entraînait l'autre dans ses délires. 'Allez Andrea! Te dégonfle pas. On avait dit qu'on sortait ce soir' Difficile d'imaginer que cette phrase sortait de la bouche d'un garçon de 12 ans, n'est-ce pas? Et pourtant Pietro avait déjà pris goût aux sorties entre amis devant un verre -de coca, pour l'instant- Cette soirée là, Andrea avait haussé les épaules. Son père était de service à l'hôpital et Sara avait un rendez-vous professionnel avec l'un de ses clients. L'occasion était juste trop belle. C'était en effet trop facile de faire croire du n'importe quoi à leur nounou. Le jeune adolescent finit par céder à son jeune frère quand celui-ci lui spécifia qu'il y allait, avec ou sans lui. Trop protecteur, jamais Andrea n'aurait laissé partir Pietro seul le soir. C'était un peu comme un devoir. Alors ce soir là, il prit sa guitare et se rendit chez l'un de leur ami. Une petite soirée, guitare à la main, une bande de potes rassemblés autour d'un feu de bois. Et du tabac. Andrea n'y avait jamais touché. Mais à cet instant, quand Alessio lui tendit une cigarette à moitié fumée, le jeune adolescent l'avait pris. Il l'avait fait tourné entre ses doigts, l'observant d'un air si suspect qu'Alessio en avait rit. 'Elle va pas te bouffer mon pote!' Un peu vexé dans son amour propre, Andrea avait porté la cigarette à ses lèvres et avait tiré une longue bouffée. Il s'était alors senti mal. Il avait toussé à s'en arracher les poumons, avait fini par en rire avant de reporter la cigarette à sa bouche. A 14 ans, il venait de mettre un pied dans la dépendance. Ce qu'il ne savait pas encore, c'était qu'il allait fumer de plus en plus. Que ses parents allaient bientôt le savoir, qu'il allait se faire sermonner. Mais que rien ne l'empêcherait de continuer. Pas même un beau discours.

2005. On n'avait pas 20 ans. On ne savait pas que l'amour était un sentiment qui allait nous déchirer le coeur. 'Andrea? Le guitariste à lunettes? Non, aucun talent' 'Arrête dis pas ça... Moi je trouve qu'il se débrouille très bien' 'Hoooo. Tu serais pas un peu amoureuse toi?'Chiara avait baissé les yeux sur son chocolat chaud, ses joues avaient rougi. Si elle craquait pour Andrea? La réponse était oui. Si il le savait et si elle pensait que c'était réciproque? La réponse était non. Andrea ne devait la considérer que comme sa bonne amie. Et c'était pour ça qu'elle n'avait rien dit. Pourtant, elle n'avait pas su le cacher à sa meilleure amie et elle s'était vue obligée de tout lui avouer, en espérant qu'elle n'ai rien répété au jeune homme. Qu'on parle de lui, il venait d'arriver. Il avait posé ses mains sur les épaules de Chiara, lui avait administré un bisou sur la joue, ce qui avait augmenté la confusion de la demoiselle. 'Alors, on m'attends pas pour déjeuner?' Andrea avait lancé un clin d'oeil à Chiara mais, intimidée elle avait tourné la tête. Le jeune homme avait haussé un sourcil. A 16 ans, il ne savait pas encore son pouvoir de séduction. Il avait alors porté son regard sur la meilleure amie de Chiara, mais cette dernière était restée muette comme une tombe avant de le planter là. En tête à tête avec la belle demoiselle. Comme si de rien n'était, Andrea avait attrapé un croissant et avait mordu dedans à pleine dents. 'Au fait, tu fais quoi samedi? Parce que j'ai des places pour le match de basket de l'année. Et je me disais que tu pourrais peut-être m'accompagner' Andrea savait pertinemment bien que Chiara préférait le surf. C'était d'ailleurs sur une de ses plages qu'ils s'étaient rencontrés. Il avait d'abord sympathisé avec ses amis. Son groupe et celui de Chiara était devenu un grand groupe, soudé. Et il devait avouer qu'il s'entendait bien avec la belle demoiselle. L'idée de lui proposer de l'accompagner était donc venue tout naturellement. Elle était une bonne amie après tout. 'Euh... D'accord' Chiara semblait évasive aujourd'hui, ce qui laissait le jeune homme perplexe. Elle semblait éviter son regard, ne parlait pas. Loin de savoir ce à quoi elle pensait, il continua. 'Détends-toi, c'est juste une soirée entre potes. C'est pas comme si je te demandais de m'épouser' Andrea lui avait lancé un clin d'oeil et Chiara avait souri. Le sourire était forcé. Elle, elle n'aurait voulu que ça, qu'il se décide à sortir avec. Mais de toute évidence, Andrea ne semblait pas prêt. Pourtant, ce fut à cette soirée sportive que tout se déclencha. Chiara avait été approchée par un autre homme. Cela avait été l'électrochoc pour Andrea. Il n'avait donc pas hésité à se faire passer pour son petit ami. Et il avait fini par l'embrasser sur le pas de sa porte alors qu'il la raccompagnait. Une belle histoire débutait.


2007 'Andrea, tu peux t'asseoir 30 secondes?' 'J'suis pressé pa'. J'ai rendez-vous avec Chiara. On va faire une partie de beach-volley avec des potes' 'Andrea, ne me force pas à me répéter' Le jeune homme poussa un long soupir avant de s'exécuter et de poser ses fesses sur le sofa. Il n'avait jamais vécu ce genre de situation. Jamais son père n'avait voulu lui parler en plein milieu d'une après-midi. Jamais son père n'avait paru si fatigué aussi. Andrea était donc curieux de savoir. Mais cela ne l'empêcha pas de jeter un coup d'oeil à sa montre. Il ne supportait pas être en retard, et si cela continuait, il le serait. Andrea avait donc posé le regard sur son père, attentivement. Ce que ce dernier lui avoua eu le don de le scotcher sur place. Sara n'était pas sa mère biologique. Sa mère était anglaise, s'appelait Jezzalyn et habitait Jersey. Cette révélation étonna au plus haut point le jeune homme, qui au départ, avait cru à une blague. Mais à voir le sérieux de son père, le sérieux de la situation, il déchanta. Effondré par cette nouvelle, il avait pris sa tête entre ses mains. Pourquoi lui avoir caché cela pendant autant de temps? Si son père avait été capable de lui mentir, l'avait-il fait sur d'autres sujets? 'Pourquoi maintenant? Pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt?' 'Tu es en âge de comprendre maintenant Andrea. Tu as 18 ans, tu vas rentrer à l'université, tu as toute la vie devant toi. Je voulais que tu le saches, c'est tout' 'J'aurais préféré ne rien savoir!' Andrea s'était levé d'un seul coup et était parti, claquant la porte violemment. Guiseppe versa une larme pour la première fois depuis très longtemps.
Les tensions entre le père et le fils continuèrent pendant quelques mois. Andrea était entré en 1ère année bac médecine mais il semblait ailleurs. Depuis cette révélation, le jeune homme ne rêvait que d'une chose: retrouver sa mère et comprendre. Comprendre pourquoi elle les avait abandonné, lui et son père. Andrea avait beau en vouloir à ce dernier de ne rien lui avoir avoué, il l'aimait et il se rendait compte du mal que sa mère biologique avait du lui faire. 'Tu vas OU? Et tu crois que je vais le prendre comment Andrea? COMMENT dois-je le prendre? TU PEUX ME LE DIRE?' Un an venait de passer depuis cette révélation. Je venais d'échouer ma première année de médecine pour seulement quelques points. A vrai dire, je m'en doutais, j'avais plus passé mon temps à faire la fête qu'à être au cours. Chiara me l'avait pourtant dit de travailler plus, mais je pensais que mon excellente mémoire me suffirait. De toute évidence, elle avait raison. Et en cet instant, elle se trouvait devant moi, telle une furie. Je venais de lui annoncer mon départ pour Jersey, l'année scolaire prochaine. Un dépaysement pour essayer de retrouver ma mère biologique. Mais de toute évidence Chiara ne comprenait pas. 'Je reviendrais à chaque vacances' 'Et tu crois que ça va me suffire, Andrea Davide Nizanni? Réponds-moi!' Non, je ne le pensais pas. Cela ne serait pas suffisant mais j'avais fait un choix. Si elle ne comprenait pas, je ne pouvais rien y faire. Ma décision était prise, personne ne pourrait me faire changer d'avis. Même pas la femme que j'aimais. Chiara m'annonça alors que c'était fini. Je pensais qu'elle avait dit ça sur un coup de colère. Et j'étais sorti fumé une cigarette. C'est seulement une fois arrivé à Jersey que je compris. Chiara ne répondait pas à mes sms, ni à mes appels. Je me retrouvais seul et bel et bien célibataire, le coeur réduit en milles morceaux.

2013 Dans quelques mois, cela fera 6 ans qu'Andrea est arrivé à Jersey. Il était arrivé ici dans le but de retrouver sa mère biologique, Jezzalyn. Malheureusement, il pensait que ce serait beaucoup plus facile que ça. Depuis ces 6 ans, il n'a pas réussi à en savoir beaucoup plus sur elle. Il faut dire qu'il n'a pas énormément de temps à consacrer à ses recherches, entre ses études, ses stages à l'hôpital, son travail dans une bibliothèque et ses soirées entre amis.