C’est dans une maternité privée de Londres que je vins au monde en début du mois d’octobre de l’année dix-neuf cent quatre-vingt-trois. Mes parents décidèrent de me nommer William, qui est également le prénom de mon père. James, en l’honneur de mon grand-père mort quelques semaines plus tôt. Castiel est mon troisième prénom, et très franchement, je ne sais pas d’où il sort, mais c’était la lubie de ma mère et le seul prénom qu’elle ait choisi (d’ailleurs, c’est bien la première fois qu’elle avait son mot à dire). Enfin, je venais de rejoindre cette famille bourgeoise. Et ma naissance fut annoncée à tous les amis de la famille, c’était une vrai fierté. De là, tous s’imaginent à quel point ma vie sera merveilleuse et à quel point je vais être heureux parmi ces gens qui semblent être les plus aimant envers leur enfant. Et bien, malheureusement, je dois vous dire que c’est une grosse erreur. L’argent ne fait jamais le bonheur.

C’est dans un manoir du Kent que je passe la totalité de mon enfance, de mon adolescence et mon début de vie dans le monde adulte. Parlons un peu de mon enfance, tiens. Je voyais mes parents une fois dans la semaine, et encore ! Parfois, ils s’en allaient durant plusieurs semaines, et moi, je devais rester là. Je passais mon temps avec les domestiques et les nourrices qui avaient en charge mon éducation. Je dois dire que j’aimais être avec eux, ils avaient toujours des choses intéressantes à me dire. Ils parlaient souvent des endroits où ils vivaient, et j’étais comme fasciné. Moi, je vivais dans le luxe le plus complet et eux, ils vivaient dans de petits appartements qui ne faisaient pas toujours la taille de ma chambre. C’était fou et je comprenais à quel point j’étais privilégié. Néanmoins, malgré ma richesse, je m’en fichais. Pour moi, ces personnes que tous appelaient des « domestiques » étaient de ma famille. Ils ont été des pères et des mères durant des années, alors que les miens se fichaient bien de ce que je devenais. En fait, ils ne se souciaient que de mes résultats que mes professeurs particuliers leur donnait. Pour le reste... Le petit William était bien avec les « pauvres », comme ils disaient. Mais, cela ne me touchait pas le moins du monde. Mes plus belles années furent à leurs côtés et c’est ça qui comptait le plus. Malgré cet entourage, je me demeurais parfois être un garçon solitaire et distant. Après tout, je ne connaissais aucun enfant de mon âge avec qui jouais. De fait, je ne savais pas quoi faire. Malgré que mon terrain de jeu était grand, un manoir ne suffisait pas à combler mes désirs d’amitiés. Je connaissais chaque pièce et chaque couloir sur le bout des doigts. Je me cachais parfois pour que personne ne me retrouve. Et c’est ainsi que je découvris la salle de musique. Au milieu de celle-ci trônait fièrement un magnifique piano. Immédiatement, j’avais été attiré par les touches d’ébènes et d’ivoires. Bien évidemment, mes premières notes furent catastrophiques, mais j’eus la chance d’avoir une nourrice qui savait en jouer à la perfection. Grâce à elle, j’ai appris bon nombres de morceaux, les chanteurs d’époque, mais aussi, les grands compositeurs tels que Mozart, Bach ou encore, Beethoven. Ces souvenirs resteront à jamais gravés dans ma mémoire. Elle m’a transmit sa passion de la musique et celle-ci m’a aidé à de nombreuses reprises. Le piano et la guitare sont mes deux instruments fétiches.

Puis, l’adolescence fit son apparition. Je ne savais plus vraiment qui j’étais ou ce que je devais être. Bien que mes papiers indiquaient clairement que mon nom était Kennedy, j’avais plus l’impression d’être un mélange culturel qui me provenait de toutes ces personnes qui vivaient à mes côtés. J’avais un peu de tous ces gens, mais rien de mes parents que je ne connaissais guère. Ils étaient toujours aussi absent, et ne faisaient que m’offrir des cadeaux et de l’argent. Je me fichais bien de toutes ces choses matérielles ! Qu’allais-je faire de cet argent ? J’avais déjà un compte bancaire à ma naissance où m’attendait plusieurs millions de livres sterling à ma majorité. Cela ne servirait qu’à le gonfler encore et encore. Du coup, j’envoyais toujours cet argent à divers associations qui étaient dans le besoin, cela me paraissait plus juste. Et puis, après ces années de solitude à avoir des cours avec des professeurs à domicile, mes parents m’avaient enfin inscrit dans un lycée. Oui, mais pas n’importe lequel. Un lycée privé, le mieux réputé et surtout, le plus sélectif. De part mon nom et mes résultats, j’avais été pris... Quelle chance. Malheureusement, je pensais que ce serait bien d’être au lycée, au milieu d’autres personnes de mon âge, mais ce n’était pas le cas. En vivant qu’avec des adultes, j’avais déjà acquis une certaine maturité qu’ils n’avaient pas encore, et je me sentais hors du temps. Du coup, de nouveau, je restais seul, et d’un côté, cela ne me faisait plus rien. Néanmoins, c’est en développant un caractère plus « rebelle » que j’obtiens mon diplôme de fin de lycée, une fierté pour deux personnes qui ne juraient que par la réussite de leur fils.

Aussi, je suis entré à l’université pour entreprendre des études de droit. Seulement, cela ne me plaisait pas. Mon père voulait que je sois avocat, mais ce n’était absolument pas mon désir. Je commençais à être différent, et cela ne convenait pas à la bonne image de la famille Kennedy. J’étais tatoué, habillé à ma façon, bien que je restais un adorateur des beaux costumes que je portais souvent avec classe. Je ne supportais plus mes parents, la pression et mes études. Alors, du jour au lendemain, j’ai mis un terme à tout ce manège et lorsque je l’ai dis à mes parents, bien évidemment, ils ne l’ont pas pris avec le sourire. Mais peu m’importait, je voulais être moi-même et non pas la personne qu’ils voulaient que je sois. Et quelques semaines plus tard, mes parents ont péris dans le crash de leur jet privé. Je ne sais plus exactement ce que j’avais ressenti à cette époque. Mais, c’est comme si on m’avait annoncé la mort de deux étrangers. Bien sûr, j’avais eu une pointe de tristesse, mais elle n’avait pas duré très longtemps.

Puisque j’étais dès lors, maître de mon destin, je pris la décision de tout quitter. J’offris le manoir à une association qui accueillait les orphelins et je contribue toujours à son bon fonctionnement. Je ne fais pas cela pour la reconnaissance, mais j’estime qu’il est important d’agir pour le bien d’autrui. Ceux qui avaient été ma famille continuent d’exercer dans ce manoir. Ce fut ma condition sine qua non pour donner ce manoir de mon enfance. De mon côté, je suis entré à l’université pour entreprendre des études qui allaient me permettre d’être professeur de musique. Pour une fois dans ma vie, je me sentais libre, heureux et dans mon élément. Je ne devais pas apprendre des lois débiles ou autre connerie qui ne m’intéressait clairement pas. Enfin, je vivais. À la fin de mes études, j’eus mon diplôme et obtint mon premier poste dans un lycée de Londres. Cette première expérience professionnelle avait été enrichissante et j’adorais apprendre à ces jeunes la musique, ce qu’elle apportait, et surtout, ce qu’elle pouvait représenter. Durant cette période, j’avais également eu une histoire avec une collègue, mais je savais par avance que celle-ci ne mènerait à rien. Je ne suis pas de ces hommes qui font des promesses qu’ils ne tiennent jamais.

Après plusieurs années de service, j’ai quitté ma belle Angleterre pour rejoindre l’île de Jersey où j’enseigne depuis une dizaine de mois déjà. Je dois dire que cet endroit me plaît et que je ne regrette pas mon choix.