you know my name, not my story.
La Havane, 1999 - Est-ce que je vous avais déjà dit que ma mère avait été tué ? Non, bien sûr que non. Et officiellement, elle n'a pas été tué. Officieusement... Si. Je n'avais que huit ans mais j'étais parfaitement consciente de ce que j'avais vu. Alors que je dormais, je fus réveillé par des cris, ceux de ma mère. Elle se disputait encore avec mon père et ce, dans le couloir près de ma chambre dont la porte était légèrement ouverte. Encore un peu endormie, je me levais discrètement et allais espionner mes parents à la porte. Je voyais mon père frapper ma mère, ce qui n'était pas la première fois, mais cette fois je comprenais que ma mère se débattait autant qu'elle le pouvait... en vain. Elle criait, mon père criait plus fort jusqu'à... Un long silence. Mon père venait de pousser ma mère dans les escaliers. Les yeux grands ouverts, je n'arrivais pas à émettre un seul son, je n'arrivais même plus à bouger. Je serrais ma peluche contre moi, espérant du plus profond de mon être que j'étais en train de rêver, que j'allais me réveiller d'un moment à l'autre, que tout ce que je venais de voir n'était qu'un affreux cauchemar. Mon père descendit les marches à toute vitesse, et moi je restais planté là. Si il me voyait, j'allais certainement avoir la raclée du siècle.
« Merde ! » Et là, je compris que quelque chose d'extrêmement grave se passait. Je l'entendis alors remonter et je courrais rapidement dans mon lit, faisant semblant de dormir. Lorsque j'entendis la porte s'ouvrir, je serrais mon doudou fort contre moi et fermait les yeux, m'attendant à tout moment à ce qu'il me frappe à mon tour, comme il l'avait déjà fais plusieurs fois. Ce n'est qu'une heure plus tard qu'il me réveilla, m'annonçant que ma mère était morte en tombant dans les escaliers. Pas un geste affectueux, rien. Je venais de perdre ma maman, j'avais huit ans et lui tout ce qu'il fit c'était de me le dire comme ça, de but en blanc avant de partir et de me laisser pleurer seule.
La Havane, juillet 2009 - « Celle là tu la mérite, traînée ! » Si l'on m'avait donné un peso cubain à chaque fois que mon père m'avait frappé, je serais certainement millionnaire à l'heure qu'il est. Depuis la mort de ma mère il y a maintenant dix ans, j'étais devenu sa nouvelle cible. Il me frappait déjà avant mais ma mère était là pour me défendre et malheureusement elle prenait les coups à ma place. Aujourd'hui elle n'était plus là, il l'avait tué, je l'ai toujours su mais je n'ai jamais rien dit. Personne n'avait de preuve qu'il l'avait poussé, devant les policiers il jouait le mari désespéré, disant que sa femme, celle qu'il aimait, la mère de sa fille, était tombée dans les escaliers. Et moi, personne ne me demandait, car mon père disait que je dormais à poings fermés. Et puis qui aurait cru une petite fille de huit ans ? Même mon père ne savait pas que je savais. Et puis, peut-être que je n'avais rien dit car au fond de moi j'espérais qu'après cet « accident » mon père allait changer ? Et bien je m'étais trompé. En même temps je n'avais que huit ans, seule, je n'aurais pas pu faire grand chose. Et puis, devant tout le monde, il montrait toujours une belle image de notre « famille » et une fois à la maison, il n'arrêtait pas de boire, de crier et de me frapper. Jusqu'à aujourd'hui. Alors que je fêtais l'obtention de mon diplôme à la fin du lycée avec mes amis, mon père complètement saoul était venu me chercher m’entraînant dehors pour me traiter de traînée et me frapper, encore une fois. Mais cette fois je n'allais pas me laisser faire. J'avais, en quelque sorte tout prévu depuis le début de ma dernière année au lycée, mais je pensais pouvoir attendre la fin de l'été pour m'en aller. Partir faire mes études ailleurs était mon plan. Mais ce coup là, était le coup de trop. Par terre, je regardais l'homme qui était mon père avec mépris et haine.
« Je ne te laisserais plus jamais me toucher ! Je ne te laisserais pas me faire ce que tu as fait à maman. Oui papa j'ai tout vu cette nuit là, je sais parfaitement que maman n'est pas tombée dans les escaliers, tu l'as tué. » Mon père me regardait, ahuri, ne s'attendant certainement pas à ce que je lui tienne tête. Je me relevais et lui fit totalement face.
« T'as de la chance que je n'aille rien dire aux flics. Je préfère te laisser crever dans l'alcool et dans tes conneries. Moi je m'en vais. » L'alcool me donnant certainement beaucoup de courage, je giflais mon père avant de rentrer rapidement chez moi, prendre toutes les affaires dont j'aurais besoin et l'argent que j'avais mis de côté, tout ce dont j'avais aussi hérité de ma mère, avant que mon père ne rentre.
Jersey, septembre 2009 à aujourd'hui - Cette nuit là, je prenais l'avion en direction de Jersey. J'avais entendu parler de cette île, et je devais avouer que j'avais eu un coup de cœur.
« C'est là que j'irais » : voilà ce que j'avais dit en la voyant. Et puis, j'avais commencé à économiser. Petit à petit, j'allais chercher l'argent que ma mère m'avait laissé, et je le cachais dans un endroit où mon père ne le trouverait jamais. Je m'étais inscrite à l'université, afin d'étudier les relations internationales et par chance, j'avais été accepté. J'avais tout prévu, pensant que j'allais pouvoir quitter Cuba à la fin de l'été. Mais mon père avait dépassé les bornes, alors j'étais donc partit beaucoup plus tôt, sans rien dire à personne. Mais je n'avais pas eu de la chance tout de suite, car le prochain vol pour Jersey n'était que... Quarante huit heures après ma fugue. Mais heureusement, il restait des billets.
« Un aller retour ? » « Un aller suffira. » Je ne comptais pas revenir sur cette île, du moins pas avant des années. En attendant, je me trouvais un hôtel juste à côté de l'aéroport et y restais pour les deux prochains jours. Quand, enfin, l'heure arriva. L'avion avait décollé à 21h32 de Cuba, le 18 juillet 2009. C'était là que ma liberté commençait.
Une fois à Jersey, je vivais une fois là, une fois ici, changeant constamment d'endroit jusqu'au jour de la rentrée. En septembre 2009, j'entrais donc à l'université. J'allais étudier le droit international, mais j'avais aussi été accepté dans l'équipe de natation. Depuis toute petite, j'étais passionnée de sport, je m'y cachais en quelque sorte, afin d'échapper à mon père. J'aimais toute sorte de sport, une fois j'avais même joué au hockey et j'avais adoré, mais avec le beau soleil de Cuba, ma véritable passion se tourna vers la natation. Alors croyez moi si faire partie d'une équipe était devenu un rêve. Toute cette île était devenu un rêve, et encore aujourd'hui je savais que je n'allais pas la quitter avant longtemps. Loin de mon père, de mon ancienne vie, ici je pouvais être qui je voulais et vivre ma vie comme je l'entendais.