Introuvable. Tout bonnement introuvable. Il l'a chercher partout. Dans les couloirs, dans les salles de cours, jusqu'à retourner le dortoir. Mais visiblement, ils n'ont fait que se croiser, sans jamais qu'il ne réussisse à la voir réellement depuis son retour. Trois misérables jours, où il avait été jusqu'à l'hôpital pour la dénicher, et où il n'y avait trouvé que son orgueil blessé. Finalement, il s'était dit que le meilleur endroit où il pouvait espérer la croiser, c'était là. Devant la porte de sa chambre, qu'il fallait bien qu'elle franchisse le soir et le matin. Lui en voudrait-elle ? Certainement. Quel homme juste et confiant s'enfuit en courant, loin d'ici, sans prévenir personne ? Sans prévenir sa jumelle ? Sans prévenir ses plus proches amis ? Sans prévenir... celle qu'il aimait. Torturé par des angoisses sournoises, il s'assit dos à la porte, fixant le mur d'en face. Mais au bout d'une heure et demie, c'est la fatigue qui le vainquit, et Charles s'endormit, ses traits paisibles camouflant bien ce qui le hantait de l'intérieur. (...) Il ne sait pas si c'est un bruit qui le tire de son sommeil. Mais il ouvre les yeux d'un seul coup, et croise son regard. Ce regard... Tant espéré, tant cherché, invisible au sien depuis si longtemps. Maladroit, il se redresse, mais ses muscles tout engourdis – combien de temps est-il resté comme ça ? – le trahissent et il chancèle légèrement. C'est en claudiquant qu'il se traîne vers elle, sans plus aucune dignité que d'avouer avoir échoué. « Candace... » murmure-t-il doucement, cherchant dans son regard de la colère, de la haine, de la rancoeur. Espérant pourtant ne pas en trouver beaucoup. Il baisse la tête. Coupable. Coupable d'avoir eu peur. Coupable d'avoir fui. Coupable de l'aimer à en crever ? De l'aimer au point d'être revenu, la tête baissée ? Il avait juste eu besoin d'air. De recul. De temps, pour accepter tout ça. « Je.. J-Je suis désolé.. »

Incapable de deviner ce à quoi elle pense, il la fixe, attendant n'importe quelle réaction. Même si elle est en colère contre lui, même si elle lui en veut, même si elle aurait ses raisons de l'être.. Il veut tout affronter. Mais la colère attendue ne vient pas, et la larme qui roule plutôt sur la joue de Candace lui broie le coeur bien mieux qu'une phrase haineuse. Avant qu'il ne puisse bouger, elle pose une main sur sa joue et il tressaille, figé, incapable de faire un mouvement, comme s'il ne savait plus. Un long mois d'absence, presque deux... Je vous assure que ça fait long. Il sent sa gorge se nouer d'avantage, sa trachée s'enrouler, ses émotions se percuter à l'intérieur. « J'aurai juste voulu que tu m'en parles.. de ton départ. » Elle retire sa main ; il baisse la tête. Il ne sait pas quoi répondre. Il n'a aucune excuse à part le « tu m'aurais retenu ici » et il n'a pas envie de lui faire de peine. Il avait besoin de partir seul. De faire le point avec lui-même. « Si tu veux t'enfuir, je viens avec toi.. tu le sais. » Surpris d'entendre sa voix de nouveau, il relève brusquement la tête, croisant son regard si bleu. Son regard si beau. Il se rapproche timidement, comme un adolescent qui ne saurait plus comment se comporter face à la fille qui lui plait. Pourtant, ils n'en sont plus là. Depuis longtemps. « J-Je ne m'enfuirai pas, Candace. » Il se mord l'intérieur de la joue. Lui fait-elle seulement encore confiance..? Sa main encadre son doux visage, y gommant du pouce les traces laissées par sa larme, qui creusent ses joues de sillons qu'il refuse d'affronter. « J-Je suis revenu pour toi. Pour nous.. » fait-il doucement en laissant sa main glisser sur son ventre, le coeur battant. Il finit par fermer les yeux, venant appuyer doucement son visage contre le sien, front contre front, respirant son parfum, son odeur, son contact. La respirant, elle. Comme un nouvel oxygène. « Et si on rentrait pour discuter..? » demande-t-il alors, en rouvrant ses yeux pluvieux pour désigner la porte d'entrée de la chambre devant laquelle il l'attendait. Il tente d'esquisser un petit sourire, convaincu qu'il ne se rachètera jamais de l'avoir laissée là. Il a tant à lui dire.

Peut-être ne lui fait-elle plus confiance. Lui non plus, il ne se fait plus confiance. Il a déjà commis le pas de trop. Celui de s'enfuir sans l'avertir, de l'abandonner sans même la rassurer. Lâche. Un minable lâche. Elle semble surprise à chaque mouvement. S'attendait-elle à ce qu'il ne veuille plus d'elle en revenant ? L'idée lui traverse l'esprit. Pourtant, il la trouve incrédible. Il faut qu'il lui dise. Il l'accompagne doucement jusqu'à sa chambre, massant sa nuque endolorie d'être resté courbé, appuyé contre la porte. Elle s'assoit sur le lit et il l'y rejoint. Son coeur, lui aussi, bat la chamade. Comme un adolescent devant la plus belle fille du lycée. « J.. Je t'écoute. » Il ouvre la bouche. La referme. Trouve l'air âcre. Le recrache. Puis affronte son regard. S'y accroche, y trouve un appui, un réconfort. N'importe quoi, mais il y trouve de quoi le faire rester. Le faire parler. « Je me suis conduit comme le pire des abrutis. Enfin.. pour être franc avec toi, j'ai simplement flippé. J'ai pas eu des parents super présents, être père était pas du tout dans mon programme et ça m'a fait.. paniqué, d'un seul coup. Et j'avais trop honte pour oser te le dire. Je suis désolé, t-tu sais.. » Il baisse les yeux. Des yeux bordés d'un fin liserai de larmes. Oui, ému, le Callaghan. Il inspire. Attrape la main de Candace doucement dans la sienne et la caresse avec tendresse. « Je me suis exilé, j'ai bien réfléchi, tu sais.. Je n'ai pas cessé une seule seconde de penser à toi. À nous. Et je me suis rendu compte que.. que j'pouvais pas te laisser, parce que.. » Il relève les yeux. Son air se bloque, ses poumons prennent feu, sa cage thoracique brule, s'embrase, s'enflamme. « ... parce que je t'aime, Candace. » Il a relevé les yeux. Mais si cette constatation lui avait fait peur, il y a quelques temps, elle lui donne à cet instant une force inouïe et inespérée. « Et j'affronterai tout avec toi, pour toi. Même un.. bébé. »