Je m'éclipse. La musique me broient les oreilles, j'ai trop longtemps été habituée au silence. Et puis, la forêt, c'est un endroit qui me fascine. Un endroit où je vais souvent, parce que ça me fascine. L'étendue, les arbres, l'atmosphère qui y règne en-dessous.. Tant de choses qui m'ont sérieusement manquée pendant ces cinq putain d'années. J'observe les flocons qui se déposent sur les branches, puis qui se laissent tomber dans le vide lorsque le poids devient trop conséquent. Émerveillée bêtement – peut-être également sous l'effet de l'héroïne qui pulse dans mes veines – avec le nez levé en l'air vers le ciel d'encre où germent des cristaux blancs à intervalles réguliers. Je soupire; mon air se transforme de suite en buée opaque. Un sourire démoniaque s'affiche sur mes lèvres, parce que j'aime cette ambiance. Parce que je suis plus à l'aise dans l'ombre que dans la lumière. Soudain, j'entends une brindille craquer. Croyez-moi, quand on a passé un quart de sa vie dans un cachot, on apprend à tout entendre, à tout appréhender. Comme un animal sur le qui-vive, je me fige, avant de pouvoir identifier la silhouette qui s'approche. Mes muscles se détendent. Nul besoin de frapper. Quoique.. Un sourire sournois déguise mes lèvres, et je m'approche à pas feutrés, mes pieds crissant légèrement dans la poudreuse qui se dépose au sol. « Je rêve où serait-ce ce bon vieux Hatfields qui m'a suivi ? »

Je l'observe fixement. C'est vrai qu'il est plutôt beau garçon, ce Ciaràn. Y a qu'à voir le nombre de filles qu'il décime sur son passage comme un bûcheron abat tous les arbres d'une forêt. Ça me choquerait pas s'il me disait avoir eu dans son lit la moitié des étudiantes de la JIU. Et j'me demande encore comment il m'y a attiré, bordel. Je l'observe coincer une cigarette entre ses lèvres. J'ai soudain la furieuse envie de fumer. Ou bien d'être à la place de cette foutue clope. Pour me reprendre, je sors à mon tour une cigarette de ma poche, l'allumant sans le lâcher des yeux. « Ouh ! Ça tu vois.. je suis certain que ça t'aurais plu barbie girl. » Je déteste qu'il m'appelle comme ça. Il le sait, cette enflure ! Mais je crois qu'il aime me voir enrager. Qu'il aime quand je me mets en colère. J'crois que moi aussi, j'aime bien quand on s'engueule, qu'on en vient même aux mains. J'crois qu'on est un peu masochistes sur les bords, lui et moi. « Oh oui, j'aurai tué de t'entendre dire que je te manquais. » fais-je alors, avec un rire moqueur sur le bout des lèvres, le fixant toujours de mes deux yeux bleus, brillants dans l'obscurité claire de la nuit avec la puissance de deux projecteurs braqués sur la star de ce soir : Ciaràn. Je tire sur ma clope et m'approche de lui d'une démarche un peu féline. C'est plus fort que moi. Avec lui, j'ai besoin d'être provocatrice. J'ai besoin de m'avancer vers lui, de le chercher. Je ne suis plus qu'à un petit pas de lui, mais je m'arrête. Je lui crache ma fumée au visage, chose que j'ai toujours détesté qu'on me fasse, à moi. « Mais qu'est-ce que t'es venu faire des ces bois, alors que la fête se passe là-bas ? »