« Fais pas de connerie Isaac, fais pas de connerie... » Le jeune homme se parlait souvent à lui-même, surtout dans ces moments où l'envie de se jeter du haut d'un toit se montrait plus forte que sa joie de vivre contagieuse. Accoudé au balcon de l'appartement qu'il partageait avec sa petite soeur, Eden, depuis maintenant huit mois, Zac observait le vide, à la fois attiré et repoussé à l'idée de sauter. Son être se déchirait en deux, une part lui dictant de se laisse tomber, d'en finir avec tout cela, de lâcher prise, d'être enfin libre. Durant plus d'un an, il était presque mort, physiquement mort, peut-être aurait-il dû y rester pour de bon. L'autre part de lui le poussait en arrière, lui assurant qu'il avait survécu pour une bonne raison, faisant défiler dans sa tête les personnes qu'il aimait. Et qui, elles l'aimaient. A qui il manquerait. Il fit un pas en arrière. Pour Riley. Un deuxième pas. Pour Seven. Un troisième. Pour Eden. Il se retourna et pénétra dans l'appartement, son coeur battant la chamade face à cet acte irrémédiable et totalement stupide qu'il avait été sur le point de commettre. « Calme toi... » Les paupières closes, il tenta de retrouver son souffle et d'apaiser les battement de son cœur. Peine perdue. Direction sa chambre pour se laisser tomber tout habillé dans son lit, remontant la couette au dessus de sa tête comme lorsqu'il était petit et craignait les monstres. Période dont il n'avait pas souvenir... Il allait mal. Très mal. Et dire que dans deux jours il devait partir à Londres, chercher son fils, accompagné de sa jumelle et de sa petite amie. Et si Adriel ne pouvait pas revenir avec lui ? Normalement, c'était le moment où ses yeux s'emplissaient de larmes et que son cœur se serrait si fort qu'il lui faisait mal. Mais non, rien de tout cela. Cela faisait tellement mal que la douleur n'en était même plus physique. Une véritable torture pour l'esprit déjà torturé du jeune Zeus.

Les cauchemars, depuis quelques jours je les multipliais dans les bras de Aiden. Cette nuit encore avait été perturbée bar un énième cauchemar absurde qui n’avait ni queue ni tête. Je ne comprenais pas pourquoi je dormais si mal la nuit, alors que je me portais parfaitement bien la journée. Ce n’était sans doute pas la première fois que je ressentais ce genre de sensations bizarre alors que tout allait pourtant pour le mieux dans ma vie. J’avais beau chercher encore et encore d’où me venaient ces sensations, une seule possibilité me venait en tête. Isaac. Depuis nos retrouvailles, nous étions devenus totalement inséparables, plus fusionnels que jamais. En le retrouvant, j’avais retrouvé une partie de moi-même arrachée à ma naissance. Je savais depuis peu qu’Isaac devait se rendre à Londres pour obtenir la garde d’Adriel, mon filleul. Cela devait faire deux jours que je n’avais pas de nouvelles, aucunes réponses à mes textos ou mes appels, plus rien, ce qui était bien loin de lui ressembler, lui qui m’appelait toujours pour me raconter une blague, juste pour m’entendre rire. Il était comme disparu. Persuadée que mon malaise ne venait pas de moi mais de lui, j’avais finalement décidé de consacrer mon samedi à rendre une petite visite à mon grand frère, afin de m’assurer que tout allait pour le mieux. Arrivée devant son logement, je m’imissa sans même frapper dans l’étroite entrée avant d’arriver devant la porte de sa chambre. Ouvrant doucement la porte, je l’appercu recroquevillé comme un bébé dans son lit. Isaac … Délaissant mon sac et ma petite veste, je grimpa à mon tour dans son lit avant de me coucher derrière lui en l’enlaçant avec tout mon amour. Le voir souffrir me faisait énormément de mal. Isaac était comme ma moitié, un peu l’homme de ma vie. Je refusais de le savoir dans un état pareil. « Eh.. Mon clown est à cours de blagues téléphoniques à faire à sa jumelle d’amour ? » Demandais-je en lui souriant pour essayer – en vain – de le faire sourire. « Isaac.. Qu’est-ce qui se passe ? Tu ne réponds pas à mes appels, mes textos.. Je fais des cauchemars alors que je vais bien. Je sais que quelque chose cloque chez toi. Parle moi. Fais moi des câlins comme d’habitude. Mon jumeau me manque.. »

Et s'il n'avait pas le droit de voir Adriel ? Si, un mot qui ne revenait que trop souvent lorsqu'il était question de sa vie. S'il n'avait pas eu cet accident, ses parents seraient-ils toujours en vie ? S'il n'avait pas été là, Seven aurait-elle pu grandir avec leur famille ? Si ceci, si cela... Isaac n'était jamais sûr de rien, et l'amnésie ne l'aidant en rien il était constamment au bord de la crise de nerfs. Il avait souvent pensé au suicide depuis son réveil neuf mois plus tôt, au début Eden était vingt quatre heures sur vingt quatre avec lui, craignant qu'il fasse une bêtise si elle le laissait seul ne serais-ce qu'une minute. Ça aurait pu, il était totalement instable. Cela lui était finalement passé, mais il n'avait toujours pas retrouvé une stabilité totale, il lui arrivait encore de tomber en dépression sévère. D'avoir envie de tout lâcher du jour au lendemain. De s'énerver sans raison apparente. Parfois, il se mettait carrément à pleurer sans que lui-même ne comprenne le pourquoi du comment. Cela tombait vraiment mal, dans deux jours il était censé montrer le meilleur de lui-même pour convaincre tout le monde de sa capacité à s'occuper de son fils. En même temps, le jeune homme n'était pas sûr lui-même de cette capacité... Pour tout dire, il était du genre à encore douter de lui après avoir fait ses preuves. De ceux qui n'ont absolument aucune confiance en eux, jouant simplement la comédie à merveille. Le léger grincement de la porte d'entrée le tira de ses pensées. Surement Eden qui rentrait... La porte de sa chambre s'ouvrit, il ne prit pas la peine de bouger ou de se retourner sur la nouvelle arrivante. Celle-ci s'installa derrière lui et l'enlaça. Seven. Il ne tenta même pas d'esquisser un sourire à ses paroles, trop épuisé, trop déprimé, cela n'aurait rien donné. Son cœur se serra lorsqu'elle évoqua des cauchemars. Super. En plus de se faire du mal à lui-même il faisait souffrir sa soeur jumelle. Il aurait dû s'y attendre. Ils étaient exactement comme on décrit les jumeaux, fusionnels, complémentaires,... Ils partageaient tout, impossible de se mentir entre eux, ils devinaient tout en un regard. Par exemple, cela faisait quelques jours qu'Isaac avait compris que sa jumelle avait à nouveau quelqu'un dans sa vie. Mais il ne se sentait pas d'humeur à en discuter avec elle. Et puis cela ne le regardait pas. « Ton jumeau pète un câble, ma puce... » Pivotant vers elle, il planta son regard sombre dans le sien, identique. « Je suis vraiment désolé...  » Pour tout, pour rien, il ne savait plus vraiment où il en était.

Se serrant contre la jumelle, il fermant les yeux un moment, lui adressant un vague sourire avant de répondre. « Merci, t'es mignonne... » Il aurait évidemment fait de même pour elle, mais elle n'avait encore jamais été dans un tel état. En même temps, elle n'avait jamais été renversée par une voiture, perdu son fils, eu une commotion cérébrale, et n'avait pas non plus plongé dans un profond coma de plus d'un an. Qu'il ne soit pas désolée ? Impossible. Purement et simplement impossible. Ne serais-ce parce qu'il portait naturellement tout le malheurs du monde sur ses épaule... « Je veux pas que t'ailles mal par ma faute, mon rôle est de te protéger, de faire en sorte que tu ailles bien, c'est ça un grand frère. Mais je suis un boulet plus qu'autre chose... » C'est l'image qu'il avait de lui-même, le boulet de service. « Merci... » Bien que peu enthousiaste, il en prit un peu faire plaisir à Seven. Il la regarda et haussa les épaules. « Je me rends malade tout seul, je suis pas stable psychologiquement, comment tu peux être sure qu'ils vont pas refuser ? J'ai un vrai problème. Et si je ne suis pas un danger pour les autres, je le suis pour moi... Et pour toi. » Culpabilité quand tu nous tiens... Et il haussa à nouveau les épaules à sa question. « Non... D'abord il y a Zander et Coleen, ça me bouffe cette histoire. Et puis il y a toi. » Il ne poursuivit pas, sachant d'avance de qu'elle lui dirait, que ce n'était pas de sa faute et cetera...

Sentir Isaac se serrer un peu plus contre moi me faisait du bien. Glissant sous sa couverture, je me coucha dans ses bras en posant mon visage dans son cou. Ce geste aurait pu paraitre extrêmement ambigu si nous n'avions pas le même sang dans nos veines. Souriant légèrement, je caressa sa joue du bout des doigts  en esquissant à mon tour un demi sourire. T'es mignon aussi, Nielsen, tu sais ça ? Si j'étais pas ta jumelle, je serai amoureuse. Dis-je pour le taquiner. Isaac n'avait pas eu la vie la plus facile, je n'avais peut -être pas vécu aux cotés de mes parents, mais moi au moins ma mémoire restait intacte et je n'avais pas perdu une année de ma vie dans le coma. J'avais eu ma famille, j'avais été aimée moi aussi, alors n'étais contente, bien que j'aurais aimé rencontrer mes véritables parents. Isaac, tu ne peux rien faire, je suis ta jumelle, je ressens naturellement ce que tu ressens, c'est comme ça, on est liés on est fusionnels et je t'interdis formellement de t'éloigner de moi pour me protéger. Sinon je te botte le cul. T'es pas un boulet, Ok ? T'es l'amour de ma vie, t'es ma moitié, t'es mon sang. Et je t'aime plus que tout au monde, t'as compris ? Alors remonte la pente pour tes deux petites soeurs. Je t'aime et je t'aimerai toujours. murmura t'elle avant de déposer un long baiser sur sa joue. Grignotant un cookie avec envie pour me nourrir moi et mon bébé, je le regarda d'un coup lorsqu'il se disait être psychologiquement instable. La bouche pleine, je lui répondis aussitôt. Arrête Isaac. C'est normal, tu as vu ce que tu as traversé ? A ta place, je serai déjà à la morgue pour suicide. Tu es le mec le plus fort que je connaisse. Tu vas etre un super papa, et quoi qu'il arrive tu as le droit de demander une période d'essai. Tu as le droit et je t'oblige à le faire. Quand tu auras ton bébé tu seras persuadé que tu seras un papa parfait et ça se verra. Je crois en toi. Et je vais le couvrir de cadeau ce bébé !! J'ai vraiment hâte de l'avoir ! Allez, positive. Je veux voir le beau sourire de mon frère, et puis si tu continues, je vais faire une dépression avec toi et crois moi à 100%, c'est VRAIMENT pas le moment ! Dis-je en riant légèrement. Isaac était le même que moi. Touché par le malheur des autres en plus que notre propre malheur, on avait tendence à s'en faire pour tout sauf pour nous même. Je savais parfaitement qu'il serait mal pour Coleen et Zander qui venaient de se séparer suite à l'infidélité du jeune homme. Zac, c'est pas ton problème. Zander a fait le con, ils se sont séparés d'un commun accord. Coleen est pas au top de sa forme mais elle s'accroche, elle est forte. Pense à toi. Et puis quoi moi ? Tu ne vas pas me dire que tu t'en veux encore d'avoir eu maman et  papa et pas moi ? Et alors ? J'ai eu des parents qui m'aiment moi aussi. J'ai été heureuse aussi ! Et quoi qu'il arrive, j'ai hérité du meilleur des jumeaux du monde, un homme parfait, que j'aime plus que tout. J'aurais pas pu rêver mieux que toi. Alors arrête Isaac. Je t'aime, je t'ai toi et rien que toi, c'est déjà tout pour moi. Tu es tout ce dont j'ai besoin, d'accord ? lui dis-je. Je ne supportais pas qu'il s'en veuille ainsi pour moi. J'étais heureuse, j'étais tellement plus heureuse depuis qu'il était dans ma vie. Alors a quoi bon revenir sur le passé ?