Ses paupières papillonnèrent alors que, autour de lui, toutes et tous s'activaient. Tout ce qu'il détestait: un hôpital, l'immobilité, le retour à la vie normale. Adrian se saisit de la télécommande et alluma la télévision sans daigner accorder un regard ou une parole aux infirmières. Oui, il venait à peine de se réveiller et déjà il se la jouait asocial et je m'en foutiste. C'est ce qu'il était. Ou plutôt, ce qu'il était devenu. Il fit le tour de toutes les chaînes de télévision à la recherche d'une information sur les combats en Syrie. Tout ce qu'il trouva fut un listing de soldats morts, près lequel s'affichèrent différentes photographies de ceux qui avaient été rapatriés. Lorsque son portrait s'afficha, il éteint instantanément le poste. Un homme fit son entrée, une arme au côté, et l'ex-militaire l'ignora lors que, sans un mot, il se plaçait près de son lit. Génial, en plus il avait un super garde. Une infirmière pénétra dans la chambre avec son repas... et une aiguille. Il leva les yeux au ciel mais se redressa gentiment. La jeune femme lui adressa un sourire, l'air de s'excuser. Bon, d'accord, ce serait apparemment douloureux. Il haussa les épaules. « J'en ai vu d'autres... » Instantanément, les souvenirs affluèrent, et il serra les dents. Alors qu'elle allait planter l'aiguille dans son bras, quelqu'un déboula dans la chambre d’hôpital, captant l'attention des trois personnes présentes. Une jeune femme dont le "garde" s'approcha pour la faire sortir. Adrian le stoppa net en lui saisissant le bras. « Kendra ? »

La télévision, je ne la regardais presque jamais. Parfois je pouvais passer des semaines entières sans l'allumer et comme si je m'étais doutée que quelque chose d'intéressant passerait à la télé, je l'avais allumée. Effectivement, je ne m'étais pas trompée et l'information diffusée à la télévision retentit dans mon coeur comme une bombe. Adrian. Son prénom, sa photo affichée sur la télévision me laissait bouche bée. Mort ? Vivant ? Je paniquais littéralement à l'idée de l'avoir perdu de cette façon. Lorsque je compris qu'il avait été rapatrié, je soupira, les larmes inondant mes yeux. Il était en vie, grièvement blessé peut-être mais en vie, et à Jersey. Sans attendre une seconde de plus, attrapant ma veste, je partis en Jogging au lieu de rapatriement indiqué par les médias. Courant dans les couloirs, je cherchais moi même mon chemin avant de le voir derrière une vitre coulissante. Mon amour, l'homme de ma vie.. Accélérant le pas, je fus rattrapée par un garde Lâchez moi espèce de brute ! Lâchez moi je vous dis ! Je vais vous mettre mon pied dans les c.. Stoppant net mes paroles lorsqu'il prononça mon prénom, le garde finit par me lâcher avant que je ne le dévisage. Je repris ma course jusqu'Adrian, avant de le prendre dans mes bras et de le couvrir de baisers, cédant quelques peu à mes larmes. Adrian.. Tu es vivant.. Tu m'as fais peur ! J'ai cru que tu étais.. Et tu es en vie !!! Caressant sa joue, je restais plantée devant lui avant de l'embrasser goulument.

Lorsque Kendra apparut, un sentiment nouveau naquit en Adrian: l'incertitude totale. Alors qu'il la regardait se débattre contre le garde, il ne savait toujours pas s'il l'aimait encore. Il ne savait pas non plus ce qu'il allait faire, jouer l'indifférence ou faire comme si de rien n'était et reprendre leur relation là où elle s'était interrompue deux ns plus tôt ? Il n'eut ps le temps d'y réfléchir plus longtemps, elle se rua sur lui pour l'enlacer et, machinalement, il referma ses bras sur elle sans un mot. « Je... » Ne lui laissant pas le temps de répondre, elle l'embrassa à nouveau. Si elle lui avait manqué ? C'était un point discutable étant donné que son caractère, sa façon d'être, son regard sur le monde, tout en lui avait changé en deux ans. Elle avait été comme une encre le reliant à la réalité, à son départ forcé il n'avait plus rien d'autre en vue que les combats, et une seule issue semblait possible: la mort. Pourtant il était resté, encore et encore, jusqu'à en perdre la tête. Clairement. Il en avait parfaitement conscience, c'était déjà cela de gagné d'ailleurs, mais il n'y pouvait pas grand chose. Si, il aurait pu améliorer son comportement, mais il aurait fallut qu'il en ait la volonté. Et le courage. La force. Tout cela, il ne l'avait que trop dépensé en presque onze ans de service militaire. Il avait assez donné. Et puis pour ce que cela faisait ! A qui l'ancien Adrian pourrait-il manquer sur cette île ? Kendra mise à part, personne ne le connaissait. Et surement que personne ne voudrait le connaitre... Il répondit à son baiser malgré de nombreuses questions sans réponses. Au fond, une jolie fille se jetait sur lui, pourquoi la repousser ? Il était clair qu'ils auraient à parler par la suite, mais pour l'instant...

Cet air de défi, affiché sur mon visage face à ce garde qui m'empêchait de rejoindre l'homme que j'aimais, j'en étais plutôt fière. Ses mains repliées sur mes poignets me faisaient souffrir le martyr mais mon visage ne laissait rien passer d'autre que de l'impatience à retrouver Adrian. Lâchant mes mains, je le poussa finalement avant de me ruer sur Adrian sans vraiment lui laisser le droit de parler. L'embrassant à pleine  bouche, je ne le lâcha qu'une fois en manque d'oxygène et enchaina sur quelques baisers dispersés sur son visage que je caressais du bout des doigts. Tu es en vie... Seigneur, je n'en reviens pas.. Tu m'as tellement manqué mon amour.. Cette fois, je ne te laisse plus filer ! Assise sur son lit, je lui caressais le visage, émerveillée par sa beauté qui m'avait tant de fois manqué. Tu dois être crevé.. J'ai entendu dire que tu avais des soins à faire. Je te les ferai. Tu seras chouchouté mon amour, comme j'aurais du le faire en deux longues années. Ajoutais-je en souriant. J'avais appris à connaitre Adrian par coeur en vivant à ses cotés en Syrie. Je savais qu'il détestais les soins, même si je les dispensais moi même. Je ne voulais pas le laisser plus longtemps dans un milieu qu'il détestait Je vais te faire sortir d'ici, rapidement. Je sais que tu détestes les hôpitaux, mais tu vas quand même devoir rester quelques jours pour observation. Je préfère être sure que tu sois parfaitement en vie... Finis les pâtes, le riz et les boites de conserves, tu vas pouvoir manger de vrais repas.. Et quoi ? Tu as aussi perdu ta langue ?

Ne sachant sur quel pied danser, Adrian jouait la carte du tout va bien il ne s'est jamais rien passé. Le problème étant qu'il était loin d'être le même jeune soldat qu’elle avait rencontré. Loin d'aller bien. Loin d'être normal. Pour le dernier, c'était clair et net. Alors qu’elle déballait des longues tirades auxquelles il ne prêtait pas plus attention que cela, l'infirmière en profita pour faire cette fameuse piqûre et filer. « Ecoute-moi deux minutes tu veux... » Comme il avait capté son attention, il attendit que le garde censé le surveiller veuille bien dégager. « Je ne peux pas rentrer avec toi Kendra. Ni maintenant ni jamais. Après ce que je vais te dire tu va sans aucune doute me détester mais tant pis parce que j'ai changé, que tu le vois ou non. J'ai... J'ai tué, beaucoup. Trop. Je ne suis plus le même, je ne le serai plus jamais, et je ne pourrai être bien ni avec toi ni avec personne. Crois-moi, tu seras bien mieux sans moi... » Il planta son regard clair dans le sien en attente d'une réaction, n'importe laquelle. Presque à coup sur, il penchait pour une belle gifle. Méritée.

L’euphorie prenait le pas sur les années de solitude que je venais de vivre à l’attendre désespérément, espérant chaque jour que les bombes tombent ailleurs que sur son campement. Même s’il était blessé, il était au moins en vie, lui et quelques-uns de ses collègues de guerres. Je ne m’étais pas imaginée qu’en deux ans ses sentiments auraient pu changer à ce point. Sans doute la distance avait-elle eu raison de notre amour, de son coté, tandis que du mien, je l’aimais d’avantage désormais. Coupée dans mes paroles, je le regarda, le laissant finalement placer quelques mots dans la conversation que je monopolisais. Désolée, je suis juste heureuse que tu sois en vie.. Dis-je en souriant avant de lui laisser la parole, chose que je n’aurais pas du. L’entendre parler me fit l’effet de recevoir cette bombe sur le crâne. De quoi parlait-il ? ou voulait il en venir au juste ? Il avait changé ? Comme tout le monde, moi aussi j’avais changé, mais mes sentiments restaient intacts. Ecarquillant les yeux, je le regardais me larguer littéralement, bouche entre ouverte et la douleur coulant dans les veines. Tu. Tu veux dire que c’est fini ? T’es entrain de me dire, après deux ans à t’attendre que tu te fous éperdument de ma gueule et que je ne représente plus rien pour toi ? Murmurais-je, la voix brisée par la douleur et l’émotion débordant déjà de mes yeux. Le retour de l’infirmière dans la chambre me permis de quitter les lieux un moment, le temps qu’elle réfectionne ses pansement et que je me laisse aller à ma souffrance. Sans un mot de plus, je lui laissa ma place pour quitter la chambre, m’adossant contre le mur face à la baie vitrée à travers laquelle tu pouvais m’apercevoir fondre littéralement en larmes, recroquevillée sur mon corps frêle. Le regard dans le vague, je m’étais calmée durant la demi-heure qu’avait duré le soin. Le collier qu’il m’avait offert décroché et posé dans ma main, j’attendis la sortie de l’infirmière pour pouvoir retourner dans la chambre. Attrapant le sac de vêtement que je lui avais apporté, je le posa sur la chaise et je lui rendis son pendentif en le coupant avant qu’il ne parle. Puisque tout est terminé, je ne vois pas l’intérêt de garder ça. Je t’ai apporté des affaires. Tu demanderas à une gentille infirmière de t’aider, puisque tu n’as plus de compagne. Bonne et heureuse vie.