Pour se retrouver en retenue, certains se battent, d'autres fument dans les toilettes, provoquent ouvertement les professeurs, tentent de dégrader le matériel... Moi, je n'avais pas besoin de faire tout ça. Il me suffisait d'ouvrir la bouche, de répliquer contre mon professeur arrogant qui avait l'habitude de me prendre pour une idiote, et il suffisait que je prenne un ton insolent pour me faire exclure et envoyer ici pour deux bonnes heures. Oui, je pense aussi que ce type ne peut pas me supporter et c'est réciproque. Je n'avais pas fermé l’œil de la nuit, j'avais oublié de faire un travail, je me sentais épuisée, triste, agacée... J'étais plus qu'irritable aujourd'hui, alors mon renvoi de cours était inévitable. J'étais encore tombée sur le même surveillant, celui qui a la grosse tête et qui se donne plus d'importance qu'il ne le devrait. J'aimais bien me retrouver avec lui, parce que c'était facile de le détruire verbalement, de le rembarrer. Nous passions notre temps à nous affronter, et cela nous amusait. Il aimait penser que j'étais une petite rebelle, qui aurait mérité sa place chez les Hadès, chose qui m'outrait à chaque fois. Je n'avais rien a faire avec ces gens là. Je ne suis pas mauvaise, pas manipulatrice, je n'écrase pas les autres, je ne suis pas de la mauvaise graine, j'ai juste un sale caractère. Pour éviter de m'énerver, je restais silencieuse à chaque fois qu'il me sortait cette réplique. Après tout, il pensait ce qu'il voulait, ce pion. Je vis le surveillant sortir rapidement après avoir été appelé, je me levais, profitant de l'occasion « Je peux m'en aller ?! ». Le surveillant me fit un signe me notifiant que je devais rester assise. Je soupirais, me laissant tomber sur ma chaise, n'insistant pas plus. Je préférais largement rester ici plutôt que d'aller en cours avec tout ces abrutis et coup de bol, j'étais seule aujourd'hui, magnifique.

Je mettais ma tête dans mes bras, n'ayant absolument pas l'intention de travailler. Une voix masculine me fit relever la tête... J'eus l'impression que mon coeur avait arrêté de battre une fraction de seconde. Je restais immobile, figée en découvrant Wade, en face de moi, après trois ans passés je ne sais où. Je le toisais longuement, me redressant lentement, serrant les dents pour ne pas lui vomir un flot d'insultes en pleine face. Passant ma main dans mes longs cheveux bruns, je demandais sèchement, après avoir difficilement avalé ma salive « Qu'est-ce-que tu fais là, toi ?! ». Je levais les yeux au ciel en entendant sa nouvelle remarque avant de répliquer, un sourire mauvais sur les lèvres « Tu vas adorer quand je vais te foutre mon poing sur la gueule et écraser ta cigarette sur ton front alors ! ». Ce n'était pas mon genre de dire ce genre de choses, mais peut-être aurais-je été légèrement moins agressive si Wade n'avait pas passé un pacte avec le diable il y a quelques jours de cela... Hmm, avec mon "père", autant pour moi. Je soufflais un peu, me levant en le voyant s'approcher « Tu ferais mieux de t'en aller. T'es la dernière personne que je souhaite voir, disparais encore trois ans, et on verra après. », terminais-je en rangeant mes affaires.

J'étais agacée par son comportement et sa réponse. Le voir lever les yeux au ciel m'insupportait, clairement. J'arquais un sourcil, répondant rapidement, de manière agressive « Une grosse connerie, en effet. ». Je rangeais mes affaires, décidant que j'avais parfaitement le droit de fuir moi aussi après tout, surtout que je n'étais pas dans un bon jour, et que je souhaitais simplement reporter la discussion. Mais apparemment, Wade n'était pas de cet avis. Je m'arrêtais, et détournais mon regard en sentant sa main sur mon épaule « 'Me touche pas... », lançais-je en dégageant brusquement mon épaule en arrière afin de pousser sa main. Je me retournais donc pour lui faire face, le regardant de haut en bas avant de répondre « Parce que tu penses vraiment que j'ai eu que ça a faire, durant toutes ces années ? Imaginer quelles saloperies j'allais pouvoir te faire le jour où on se reverrait ?! », je secouais légèrement la tête en croisant les bras « Certainement pas, à vrai dire, j'espérais ne plus jamais te revoir après ça. ». Cette proximité me mettait mal à l'aise, mais je tentais de le cacher du mieux que je le pouvais. Il ne manquait plus qu'il s'en rende compte... Wade se sentirait avantagé, et serait d'autant plus insupportable. Je soupirais, exaspérée « Eh bien, fais ce que tu veux après tout, j'en ai rien à faire. Mais ne comptes pas sur moi pour te tenir compagnie sur le campus. ». Oui, je ne comptais pas le revoir, le saluer, ou passer plus de temps avec lui pour essayer de recoller les morceaux. Non... Certainement pas. Peut-être allait-il m'être utile pour récupérer mon fils, mais rien d'autre. J'étouffais un rire en entendant les propos de Wade, il était ridicule, vraiment. D'un geste las, je balayais ses paroles « Une sorte d'Eden, tu te fous de moi ? Pitié, arrête de dire n'importe quoi Wade. ». Je marquais une brève pause avant de reprendre « Moi je vois tout ça comme un cauchemar, j'ai l'impression d'être en enfer ! Tous mes démons resurgissent, et toi avec, je suis maudite ou quelque chose dans le genre, c'est pas possible... », terminais-je en levant les yeux au ciel. C'est vrai, je me demandais bien ce que j'avais pu faire dans une vie antérieure pour mériter tout ça... Passant ma main dans mes cheveux, je le dévisageais « Et qu'est-ce-que tu as vécu de si horrible, hein ? Dis moi tout, je suis curieuse de savoir dans quelle merde tu t'es fourré, tout seul surtout, pendant que j'essayais de survivre avec NOTRE FILS, que tu as abandonné comme un sale lâche ! ». Je m'appuyais contre le bureau où le surveillant était installé juste avant qu'il ne sorte, puis je croisais les bras, fixant Wade « Vas-y, expliques toi ». De toute manière, ses explications n'allaient rien changer, je le savais d'avance. Après tout le mal qu'il a causé, je n'allais certainement pas passer l'éponge aussi facilement. Nous n'aurions pas eut un enfant en plus, cela aurait été différent, mais là...

Je répondais rapidement en le dévisageant « J'en ai parfaitement le droit. ». Oui, j'estimais avoir le droit de me considérer comme la victime de l'histoire car après tout, ce n'était pas lui qu'on avait abandonné avec un enfant à charge, et qui avait tout simplement sombré. Et si je voulais le faire autant culpabiliser, ce n'était pas pour moi, mais pour lui rappeler qu'il y avait une troisième personne dans toute cette histoire, et la plus importante: notre fils. Je le fixais avec un regard noir, les bras croisés, le visage figé. Si je n'avais pas prévu de le maltraiter physique durant toutes ces années, j'avais en revanche pensé à tout ce que j'allais lui dire, j'avais presque tout calculé, même si je savais que si un jour je le recroisais, j'allais être perturbée. Et le fait de le voir ici, aussi déterminé à s'expliquer, me prenant totalement de court, je dois avouer que cela m'agaçait encore plus. Je secouais la tête, en le dévisageant « Tu t'es foutu seul dans cette merde, si je peux me permettre ! Et moi aussi je pensais te connaître, Wade. ». C'est vrai ! Personne ne l'a forcé à dealer. Il avait juste cherché à se démarquer des jeunes friqués, et il avait merdé. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui même. Je n'allais certainement pas compatir, ou le plaindre, et puis quoi encore. J'ai rarement été aussi dure avec quelqu'un mais Wade le mérite. J'écoutais ses aveux en fronçant les sourcils « Bien sûr que je m'en souviens, ça ne s'oublie pas, une soirée comme celle-ci, surtout que c'était la dernière qu'on a passé ensemble. Honnêtement, je ne sais pas... Je ne sais plus de quoi tu es capable, ou pas. Quand tu es sincère, ou quand tu mens... T'as tout foutu en l'air... », répondis-je en soupirant... Je détournais le regard, sentant les larmes monter. Du coin de l'oeil, je le voyais se rapprocher, et je restais immobile, totalement déboussolée. Je passais ma main dans mes cheveux, fixant le mur en face, respirant profondément afin de ne pas craquer. Je me mordais violemment la lèvre en reposant mon regard sur lui pour m'exclamer, laissant éclater ma rage et mes sanglots « Et tu n'aurais pas pu m'en parler ?! M'expliquer ça, me laisser quelque chose pour que je puisse me barrer ?! Au lieu de NOUS laisser crever comme ça, comme des chiens ! J'aurais préféré me faire humilier par des connards de flics qui me pensaient complice d'un dealer, plutôt que de passer pour une mauvaise mère, incapable de nourrir son fils ! Aller en taule, cavaler aurait été moins humiliant, moins tragique que de me faire retirer mon fils comme ça ! ». Je passais mes mains sur mon visage avant de reprendre « Tu aurais vu la manière dont on m'a retiré Quentin, la façon dont on me regardait... On m'a interdit de le revoir, parce que je fumais de la beuh pour garder le moral et oublier que je ne pouvais même pas offrir une vie descente à mon enfant !!! Je n'avais QUE TOI, Wade ! Et tu m'as abandonnée, soit disant pour m'épargner tout ça... Et au final, regardes où j'en suis !!! ». Je m'arrêtais brusquement, mettant ma main sur ma bouche, pour me laisser glisser contre le mur, en pleurant. Parler de tout ça, avec Wade qui plus est, me retournait littéralement. Je me sentais faible, trahie... Je le détestais, je me détestais... Je posais ma tête sur mes genoux que j'avais replié vers moi, tentant de retrouver mes esprits, ne voulant pas qu'il vienne me réconforter. Tout sauf ça...

Sous tension, je hurlais presque « C'EST BON JE T’ÉCOUTE ! ». Comme-ci j'en avais envie... Mais pas le choix. Pour Quentin, je me devais d'écouter ce qu'il avait à me dire. Et je me servirais de ses propos pour lui mettre le nez dans la merde... Je l'écoutais, ayant presque une nausée en l'entendant dire qu'il m'avait aimé, et qu'il m'aimerait toujours. Je le fixais attentivement lorsque Wade me fit la remarque à propos de sa sincérité. Cependant, je ne disais rien, absolument rien. Les mots ne voulaient pas sortir, et c'était tant mieux. Il ne valait mieux pas que je le coupe, que je lui laisse au moins une chance de dire ce qu'il a sur le cœur. La suite me fit légèrement rire.. Je répondais, froidement, « Eh bien au moins, ça aura eut le mérite de te faire réfléchir un peu, cette cavale. ». Je reprenais ensuite, en croisant les bras « On basait tout sur l'honnêteté dans notre relation. Tu m'as caché le plus gros, tu ne m'as rien dit. Tu m'as laissé, pendant je ne sais combien de temps je cherchais ce que j'avais bien pu faire pour mériter que tu m'abandonnes sans le moindre mot alors que tu m'avais tant apporté quand j'en avais besoin. Ce retournement de situation si soudain... Ca m'a déboussolée, et après... Voilà où ça m'a mené ! Plus d'enfant. Alors qu'un PUTAIN de mot pour tout expliquer aurait pu éviter ça !!! J'pense que vu notre relation, tu aurais pu me le dire... Ou alors j'sais pas, je l'ai rêvé cette confiance aveugle et ces confidences qu'on se faisait sans arrêt.. ! ». Je passais ma main dans mes cheveux en soupirant, intériorisant au maximum ce que je ressentais. Je voulais absolument parvenir à me contrôler afin de pouvoir dire ce que j'avais à dire, et ne pas être déboussolée en face de lui. Je n'allais pas lui faciliter la tâche, lui sauter dans les bras, faire comme-ci de rien n'était... Je pouvais être compréhensive, j'appréciais le fait qu'il ait voulu épargner notre fils, mais il s'y était mal prit, et si les conséquences n'avaient pas été aussi grave, j'aurais été certainement plus indulgente. Je me relevais, marchant un peu... Je le laissais se rapprocher, ne baissant pas le regard une seule seconde, le fixant d'une manière bien particulière afin de le rendre mal à l'aise. « Ouais, ouais ! Tu m'as aimé, tu m'aimeras toujours... C'est formidable, c'est la solution à tout nos problèmes ! tu veux que je te dise quoi ?! Ouais, je sais, tu m'as aimé, c'était un véritable amour, moi aussi je t'ai aimé... Mais c'est terminé tout ça. Je ferais pas deux fois la même erreur. », répondis-je la voix légèrement étranglée par les sanglots. Posant son front contre le mien, je fermais un court instant les yeux, incapable de le repousser automatiquement. Puis il a de nouveau ouvert la bouche. Je tournais la tête, pour m'éloigner un peu, le laissant seul, le regard soudainement plongé dans le vide. La colère m'envahit « Bah t'avais raison d'avoir peur, quand tu vois toute la merde qu'on a vécu pendant que tu payais le prix de tes conneries de gamin ! Parlons-en, de Quentin. De notre fils ! Comment tu vas me le ramener, hein ?! Sachant que t'es allé voir mon père, et que tu comptes lui donner la garde du petit, HEIN ?! Tu te fous de ma gueule, tu vois, tu continues !!! ». J'avais terminé ma phrase en criant, avant de reprendre « Pourquoi tu joues à un double-jeu comme ça... »