Une soirée. Avait-il réellement accepté d'y aller ? C'est bien ce qu'il semblait... Il avait un plutôt mauvais souvenir de la dernière soirée qu'il avait vue: celle qu'il considérait comme sa soeur jumelle -ou plus, il ne savait pas- totalement saoule, en plein délire et au bord du blackout. L'odeur de l'alcool présente absolument à toutes les fêtes le répugnait d'avance et il avait d'ors et déjà un mauvais pressentiment. Quelque chose allait déraper, il le savait. Il le sentait et son instinct ne le trompait pour ainsi dire jamais. Toute la journée, au lieu de se réjouir comme la plupart des gens qu'il croisait, il redouta la soirée. Son alcool, ses blackouts, ses fêtards et fêtardes,... Il n'aimait pas les fêtes, il aurait largement préféré passer la soirée à faire de la musculation devant la télévision ou, pourquoi pas, à dormir pour une fois... Le souvenir de Joséphine ivre l'avait poussé à accepter son invitation. Il le regrettait tout en sachant qu'il n'aurait finalement rien fait, assis à côté de son portable en attente d'un potentiel nouvel appel. Oui, ce serait ainsi à chaque fois qu'il apprendrait qu'elle sortait: il s'en ferait jusqu'à son retour. Il allait jouer les chaperons ce soir, ce qui taperait sans doute sur les nerfs de Jo mais il n'avait pas peur de devoir défendre son point de vue. Voyant l'heure approcher, il tenta de se convaincre que ce ne serait pas trop affreux. Ce n'est que deux minutes avant l'heure de son rendez-vous avec Jo qu'il songea à se préparer. Piochant le premier t-shirt venu et y ajoutant un jean noir des plus classique, il passa par la salle de bains. C'est là qu'il entendit la voix de Joséphine. Il retint un soupir en sentant son coeur s'emballer. Toujours pas fini avec ça... Il passa de l'eau sur son visage, remit du gel et enfila sa veste. Un coup d'oeil dans le miroir et il était paré. « C'est bon, c'est bon, calmos je suis là ! », s'exclama-t-il en souriant bien qu'il ne soit toujours pas très motivé à y aller. Il eut à peine le temps de l'apercevoir qu'elle lui sautait quasiment au cou. Lorsqu'elle se détacha de lui, il put constater que son esprit ne lui avait pas joué des tours, il avait bel et bien entendu le claquement de talons hauts et entrevu une robe. Sur Jo. Cela le laiss bouche bée. D'autant plus qu'elle était magnifique. Durant quelques secondes qui lui parurent une éternité entière, il ne trouva rien à dire. Maquillée, les cheveux légèrement bouclés, en robe et escarpins... Qu'avait-on fait de sa soeur ? Il finit par déclarer quelque chose, d'un ton très peu assuré. Bégeyant. « Wah... Tu es très... Changée. Ça te va bien. » Histoire de ne pas dire d'entrée de jeu qu'elle était absolument ravissante. Penser à fermer la bouche n'était pas une mauvaise idée, il devait avoir l'air subjugué. Il l'était. Par chance, le jeune hockeyeur avait le coeur solide et une très bonne santé. Autrement, bonjour la crise cardiaque ! Il eut un mal fou à retrouver ses esprits, le fil de ses pensées et une attitude normale. Sur ce, ils quittèrent côte à côte le dortoir, Winter faisant attention à ce que personne ne reliques trop Joséphine. Lui qui était déjà jaloux en temps normal... Et qui ne savait absolument déjà plus où il en était dans ses sentiments à l'égard de Jo... Elle ne l'aidait pas du tout. Elle ne devait pas en avoir pleinement conscience mais elle l'avait tout retourné. De ce fait, il n'avait pas encore dit un mot...

Comment Winter pouvait-il oublier le malentendu du jour précédent si Joséphine venait le voir vêtue ainsi, son plus beau sourire aux lèvres et tactile comme jamais... Ils s'étaient vus la veille mais, entre temps, ils s'étaient tout de même manqué. Ils restaient constamment en contact, par Twitter, sms ou en se donnant rendez-vous pour n'importe quelle raison. Depuis quelques jours cela avait changé, comme si, sans le savoir, ils avaient anticipé la dispute à venir. Mais, depuis hier où le règlement de compte avait commencé -sans s'achever et, à vrai dire, le jeune homme doutait que l'histoire se règle véritablement un jour- il semblait qu'ils tentent de se rapprocher le plus possible l'un de l'autre. C'était étrange, ils tentaient de refouler des sentiments trop forts et trop proches mais se rapprochaient encore plus. Une façon de ne pas se sentir abandonné malgré l'impossibilité d'une relation autre qu'amicale... A moins que ce ne soit une manière pour Jo de le faire céder. Il ne savait pas. Il ne chercha pas trop à comprendre afin de ne pas tout gâcher dès le début de la soirée. Coleen, ce prénom le fit sourire. Elle était, elle aussi, une sorte de soeur pour Winter. Beaucoup moins proche de lui que ne l'était Jo mais tout de même, depuis qu'il l'avait emmenée à l’hôpital à cause de douloureuses contractions en pleine rue et qu'il lavait ensuite veillé sur elle toute une journée, il se considérait comme responsable de ce qui pouvait lui arriver et estimait avoir le devoir de la protéger. « Elle a bien fait. », réussit-il à articuler, toujours d'un ton peu assuré et un peu fuyant mais très sincèrement. Il l'entendit lui parler une première fois, mais l'information sembla se perdre sur le chemin entre ses oreilles et son cerveau, de sorte qu'il ne bougea toujours pas. Jusqu'à ce qu'elle ne le tire par la main, ce qui l'arracha à ses songes et le fit réagir à ses paroles. « Ouais ouais, on y va, désolé... » Il finit donc par se bouger, emboîtant le pas à Jo il marcha machinalement vers la sortie de l'université. Perdu dans des pensées qui se mêlaient à d'autres et formaient un fouillis monstre dans son cerveau, il ne disait rien, concentré sur le démêlage d'informations qu'il tentait vainement d'effectuer. C'est le moment que Jo choisit pour se stopper net juste devant lui, ce qui le fit s'arrêter aussi. De justesse. L'appellation de Chaton le surprit, mais moins que le reste. Elle n'avait absolument rien fait de mal, qu'est-ce qui lui faisait croire ça ? Ah, oui, le fait qu'il n'ait plus dit un mot depuis qu'ils avaient quitté le dortoir. « Fait... ? Non, tu n'as rien fait du tout. Je réfléchissais, c'est tout. Désolé, j'étais ailleurs. » Il lui décocha un sourire pour prouver sa bonne foi. Baissant les yeux sur sa main, il la caressa du pouce avant de la relâcher et de se décaler un peu pour pouvoir reprendre leur chemin. « Allez, on bouge. On va être au retard. », sourit-il en reprenant ses paroles.

Bien sûr qu'il se comportait bizarrement, pour la simple et bonne raison qu'il ne savait plus où se mettre. Il pesait constamment ses mots, tournait sa langue sept fois dans sa bouche avant de dire quoi que ce soit et mesurait chacun de ses actes, même les plus anodins. Winter ne voyait pas d'autre manière d'agir pour éviter tout problème ou malentendu entre Jo et lui... Ils avaient l'un comme l'autre suffisamment souffert de la soudaine perte de leur complicité fraternelle au profit d'un sentiment beaucoup moins simple et innocent. Il agissait effectivement comme si elle avait fait quelque chose de mal mais il n'en avait pas conscience. « Mais oui, je te dis toujours tout tu sais bien...  » C'était vrai jusqu'à hier... Mais il se voyait mal lui avouer que sa beauté l'avait laissé sans voix et qu'il se rendait compte à quel point ses sentiments à son égard étaient forts et totalement irrévocables. Il ne voulait pas tout gâcher. D'autant plus que cela aurait été inutile puisqu'il se refusait à faire endurer une relation sérieuse avec quelqu'un comme lui à Joséphine. Il se remit donc en route sans rien ajouter de plus, bien que sachant pertinemment que son mensonge ne passerait pas. Il devait se détendre mais cela lui était impossible... Il ne prit conscience du fait qu'il allait beaucoup trop vite que lorsque Jo le lui fit remarquant en ralant, il ralentit et lui jeta un regard désolé. À agir ainsi, il risquait vraiment de tout faire capoter. Encore. Il était hors de question que la soirée tourne à un drame pareil à celui de la veille ! Win' ne dit mot du reste du chemin, constatant qu'elle s'était à son tour perdue dans ses pensées et songeant que ce n'était pas plus mal ainsi... Ils arrivèrent relativement rapidement à la fête organisée sur la plage et le hockeyeur professionnel se sentit comme venu d'un autre monde. Il aurait tellement préféré rester au lit avec son pitbull. Jo partit se chercher un verre et il prit énormément sur lui pour ne rien dire. Ne pas commencer à l'embêter, la laisser s'amuser tant qu'ellene risquait pas de se retrouver dans le même état qu'au Mimosa Bar. « Il y a plutôt intérêt à ce que tu ne m'abandonnes pas, c'est toi qui m'a traîné ici ! » , sourit-il pour cacher son malaise et oublier à quel point les paroles de Joséphine étaient équivoques. À peine avait-il prononcé le souhait qu'ellereste avec lui, elle disparaissait dans la foule. Serrant les dents, prenant une fois de plus sur lui, il se força à la quitter des yeux et s'isola, enfilant les coca au bar en évitant de se retourner. Il refusa de nombreuses invitations à danser, il n'avait qu'une seule envie: rentrer. Il en devenait carrément antipathique. Alors qu'il jetait un coup d'oeil à la foule pour voir où en était Jo, il s'aperçut qu'elle fumait et dansait avec un Hadès. Elle l'avait lâché pour ce type ? Se levant brusquement, il alla s'asseoir à l'écart de la fête, sur le sable qui lui fila entre les doigts, lui rappelant douloureusement que c'était également le cas pour sa relation avec Joséphine... La voir se jeter à l'eau avec une bande essentiellement constituée de garçons fut la goutte qui fit déborder le vase. Se levant d'un bond, il se rapprocha de la fête et de la mer pour crier à la jeune femme pas trop éloignée de la plage: « T'as visiblement trouvé de quoi t'occuper, moi j'me tire Jo. » Son ton se voulait moins agressif, mais il ne se contrôlait plus et sa voix trahissait toute sa hargne. Et sa jalousie. Quelqu'un lui dit d'arrêter de jouer les rabats joie et Winter lui adressa un beau doigt d'honneur accompagné d'un regard noir avant de tourner les talons, mains dans les poches.

Seul, abandonné à lui-même à une fête dont il aurait préféré ne jamais entendre parler, Winter sentait très clairement que les choses allaient mal se passer. Il avait déjà un très mauvais pressentiment en acceptant d'accompagner Joséphine et, maintenant qu'il y était, ce sentiment ne faisait qu’amplifier. Il se rendait peu à peu compte que sa relation avec Jo, au début si fusionnelle, devenait destructrice. En tout cas, lui, cela le détruisait. Ça lui brisait le moral et il avait perdu toute motivation. Il n'avait même plus envie de se battre pour sauver ce qui restait de leur amitié. Jamais il n'avait été à ce point déprimé et mal. S'éloignant à grandes enjambées de la fête, il se sentit tiré en arrière mais voulut continuer son chemin. Elle le força à se retourner et il croisa les bras sur son torse, son regard assombri plongé dans le sien qu'il voyait sincèrement désolé. Mais cela ne lui faisait plus rien. Il était trop blessé, énervé. Il était trop tard pour s'excuser. « C'est bon, j'ai compris le truc Jo, tu m'en veux, t'essaye de me faire réagir. Voilà, t'es contente ? Tu te sens peut-être mieux maintenant ? Parce que moi pas. » Il avait perdu son agressivité au profit d'une sorte de douleur voilée. Il serra à nouveau les mâchoires lorsque d'autres s’emmêlèrent. Cela ne les regardait pas, c'était entre Joséphine et lui, ils n'avaient rien à faire là. « Putain mais ta gueule ! », siffla-t-il a l'intention du type qui les exhorta le premier à s'embrasser. Cela ne l'arrêta pas, bien au contraire, et bientôt sa voix et celle de Jo furent couvertes par celles des  fêtards bien décidés à les faire s'embrasser. Il n'avait pas l'intention de céder. Joséphine le fit pour lui... Dès qu'elle eut posé ses lèvres sur les siennes, il sut que c'était une mauvaise idée. Que cela ne ferait qu'empirer les choses, envenimer leur relation. Il allait la perdre... Pourtant, il ne parvint pas à se décider à s'éloigner. Se détacher d'elle semblait désormais bien trop difficile. C'est pourquoi, au lieu de la repousser, il passa une main au creux de son dos et l'autre dans sa nuque. Il répondit à son baiser comme s'ils avaient l'habitude de s'embrasser, tout naturellement. A vrai dire, Winter n'avait plus envie de quitter ses lèvres. D'une part car cela lui était plus qu'agréable, de l'autre parce qu'il savait pertinemment qu'une fois leur baiser achevé il faudrait rendre des comptes et que cela lui faisait peur...

Il aurait dû la repousser, demeurer sur ses positions et partir en jouant la carte de l'indifférence. Il ne pouvait pas, il ne s'écoutait même plus lui-même. C'était un peu comme si les ordres ne passaient plus de son cerveau à ses muscles, une force supérieure avait pris les commandes. Lorsque le baiser s'acheva, il ne savait plus ce qu'il ressentait exactement. Non, il ne regrettait pas ce geste. Il aurait peut-être dû, mais il ne pouvait regretter quelque chose qui lui avait été tellement agréable, même en sachant que c'était "mal". A bout de souffle et perdu, il acquiesça simplement à sa question et attendit un peu plus loin qu'elle rassemble ses affaires. Ils reprirent leur chemin, séparés par seulement quelques centimètres et pourtant soudainement si loin l'un de l'autre. Pensif, il allait là où ses pas le guidaient sans trop regarder où ils se trouvaient. C’est pourquoi, perdu dans les méandres de son esprit si complexe et apparemment supérieurement intelligent, il ne vit pas arriver la suite: Joséphine lui sauta presque dessus et le plaqua au mur. Il s'attendait presque à ce qu'elle l'embrasse à nouveau. Collés l'un à l'autre dans une ruelle sombre, l'eau toujours présente sur Jo commençant à percer à travers le t-shirt du jeune homme, ils étaient dans une impasse relationnelle. Il la poussa légèrement, échangeant les rôles en la plaquant au mur face à lui. Proche, très proche, trop proche d'elle... Winter tenta de répondre, mais sa voix n'était que faible murmure: « Jo... » C'est tout ce qu'il parvint à dire, le reste refusait de franchir la barrière de ses lèvres. Il ne savait plus où il en étaient, où ils en étaient. Il se refusait toujours à approfondir ce sentiment étrange qu'il avait à l'égard de Joséphine, mais ce baiser, cette nouvelle proximité avec elle... Cela lui plaisait. Il savait que, désormais, il aurait plus de mal encore à oublier ce qu'il ressentait pour elle. « Tu sais... » Il hésita, puis se détacha d'elle en secouant la tête pour lui-même. « Non, rien... Viens, on rentre. Tu préfères ton dortoir ou le mien ? » Il retira sa veste et la posa sur les épaules de Jo qui devait mourir de froid ainsi vêtue. Il ne put s'en empêcher, le jeune Poséidon la prit par la main, espérant qu'elle ne se dégagerait pas et accepterait ce contact. C'était minime par rapport à leur baiser.

Les choses devenaient bien trop étranges, en fin de compte Winter n'était plus trop sûr de savoir si leur relation se deteriorait ou allait en s'améliorant. En un sens c'était plutôt positif qu'ils ressentent la même chose, certes. Mais le fait que le jeune homme s'obstine à s'y refuser compliquait nettement leur histoire. Il perdait le contrôle, un coup très réfléchi et déterminé, l'autre se laissant aller à la plaquer contre le mur à son tour. Il commença une phrase, des explications, une confidence... Et se stoppa avant d'en dire trop. Les mots restèrent comme bloqués dans sa gorge et il les ravala, s'éloignant de Joséphine pour reprendre le chemin. « Aucun doute là-dessus, il est constamment vide. Je suis seul au monde ! », glissa-t-il, tentative d'humour pour détendre l'atmosphère... Ne pouvant s'en empêcher et estimant que ce n'était pas trop déplacé étant donné qu'il le faisait tout le temps, il lui prit la main. Il ne s'attendait pas à avoir à ce point tort ! Surpris au possible qu'elle réitère l'expérience, il ne prit réellement conscience du fait qu'elle l'avait à nouveau embrassé que lorsqu'elle se détacha de lui en s'excusant. Cela lui faisait de la peine de la voir ainsi... « C'est rien Jo, t'en fais pas, je comprends. J'aurai pas dû. » Ça jetait un énième froid entre les anciens jumeaux de coeur... Ils marchèrent en silence vers l'université, Winter légèrement en retrait, avançant machinalement, les mains fourrées dans les poches de son jean et le regard dans le vague. Ils parvinrent finalement au dortoir et le jeune homme s'affala sur son lit. Il jeta ses chaussures au pied du lit, balança sa veste demeurée sur le matelas dans un coin de la pièce et siffla pour appeler Callum. Le chien, trop heureux, lui sauta sur le ventre, lui coupant le souffle. Il attendit là que Jo ait terminé sa douche et, lorsqu'elle sortit, se leva. Il s'arrêta face à elle et, ni une ni deux, l'embrassa sur le front en la serrant doucement contre lui. Avant qu'elle ne puisse réagir, il disparut à son tour dans la salle de bains. Il avait besoin de réfléchir en s'isolant un peu, prendre une douche froide l'avait toujours aidé à faire le tri dans son esprit.

Il l'avait vexée, blessée et énervée, une fois de plus Winter battait un reccord. Il aurait préféré ne pas le faire. Ils rentrèrent au dortoir, séparés par un ou deux mètres pour éviter de se prendre la tête, bien qu'ils ne fassent là que retarder l'échéance. Lorsque Jo sortit finalement de la salle de bains, il s'aperçut qu'elle avait pleuré et cela lui brisa le coeur. Il la prit dans ses bras mais elle le repoussa dès qu'il se détacha un peu. Blessé mais pouvant encore le comprendre, il échangea avec elle et partit sous la douche. Il laissa l'eau devenir parfaitement glaciale, commençant enfin à se détendre et à relâcher la pression et toutes les tensions. Mais en entendant Joséphine lui dire qu'elle retournait à son dortoir, il prit un sacré coup. Il hésita un centième de seconde entre rester sous la douche ou aller la retenir. Le choix fut des plus simple ! Il coupa l'eau et sortit de la cabine de douche au plus vite, manquant au passage de s'étaler de tout son long sur le carrelage glissant de la salle de bains. Se rattrapant de justesse au lavabo et évitant ainsi une commotion cérébrale, il prit à peine le temps de souffler et de se réjouir d'être encore en vie. Il enfila son boxer en deux temps trois mouvements sur son corps toujours trempé et ouvrit vivement la porte. Il fut plus que soulagé de constater qu'elle était toujours là. « Reste. Je t'en prie Jo, je veux pas rester là-dessus. Je veux pas que tu m'en veuilles et qu'on se voit plus pendant des jours. J'ai pas envie que tu partes... Je... J'ai gâché ta soirée, je suis désolé. Laisse moi  une chance de me rattraper, dis moi ce que je peux faire... » Il était essoufflé, trempé et vêtu seulement de son boxer pour supplier la jeune femme de rester. Le tableau devait être absolument hilarant, et il n'était sans doute pas très crédible, l'eau ruisselant de ses cheveux sur son visage et ses abdominaux superbement sculptés par des heures de sport.

Voilà que Winter manquait de se tuer en sortant précipitamment de sa douche, il n'aurait vraiment plus manqué qu'une belle commotion cérébrale due à une chute pour que al soirée soit un véritable désastre. En plus de cela, imaginez, Joséphine aurait dû entrer dans la salle de bains alors qu'il était nu pour le sauver. Un, ridicule. Deux, embarrassant. Ils n'avaient pas du tout besoin de ça ! Il entendit Joséphine lui demander si tout allait bien, il ne répondit pas, s'empressant de se vêtir un minimum. A vrai dire, le strict minimum: simplement un boxer. Il se mit à la supplier de rester, ne prenant conscience du fait qu’elle le fixait, bouche bée, que lorsqu'il se tut enfin. Un autre jour, cela l’aurait fait sourire, mais là... Il comprenait ce qui se passait dans sa tête, il avait ressenti la même chose en la voyant arriver en robe et talons plus tôt dans la soirée. Il la regarda s'asseoir et se relever, l'écoutant sans l’interrompre bien que l'envie ne manque pas. Amoureuse, si on lui avait dit qu'un jour Jo lui dirait cela à lui, il aurait bien ri... Ne prenant pas la peine de se sécher ni de s’habiller un peu plus, il la rejoint et se mit à sa hauteur afin de croiser son regard. « Jo... Tu sais que je t'aime. Crois-moi, j'aimerais vraiment pouvoir rendre les choses plus faciles, mais j'ai bien peur que, quoi qu'on fasse, il finira toujours par y avoir un problème. On ne peut pas simplement oublier ce qui s'est passé, parce qu'on sera jamais vraiment sûrs que c'est fini, que c'est bel et bien enterré, et on retrouvera jamais notre ancienne relation... On peut pas non plus en rester là, ça rime à rien. » Il se leva afin de s'asseoir à côté de Joséphine et prit ses mains dans les siennes. Il hésita quelques secondes à reprendre, ce qu'il avait à dire était un peu compliqué, mais il avait démêlé tout ses sentiments et pensait vraiment avoir trouvé les bons mots pour exprimer sa vision des choses. Cette soirée n'avait, au fond, pas que des aspects négatifs, elle l'avait aidé à y voir plus clair. « Je vais t'expliquer un truc, promets-moi d'essayer de comprendre... » Son regard plongé dans celui de son interlocutrice, il attendit qu’elle lui fasse cette promesse aux allures puériles et stupides mais qui était réellement importante à ses yeux.

Au fond, Winter savait que son discours serait difficile. Il se doutait qu’elle risquait de mal le prendre et qu'elle déciderait peut-être de partir pour de bon. Il ne voyait pas sa vie sans elle. Il hésitait à se lancer. Mais il ne pouvait plus reculer, il en avait soit trop dit, soit pas assez. Quoi qu'il en soit, il lui fallait désormais poursuivre. Jusqu'au bout. Les paroles de Joséphine finirent de le persuader de parler, il lui jeta un regard signifiant clairement qu’elle se trompait. C'était faux, et il avait déjà essayé de le lui dire. Bien sûr qu'il l'aimait, il l'aimait de la même manière qu'elle l'aimait. Et c'était le plus difficile. Il s'efforçait de la repousser et brisait à chaque fois son propre cœur par la même occasion... Les mots lui vinrent facilement, son esprit enfin clair après cette soirée mouvementée. « Je suis amoureux de toi Jo. Il faut arrêter de se voiler la face, je pense que tu l'as très bien compris tout à l'heure sur la plage... On a cessé d'être amis il y a déjà un moment, on s'en rendait simplement pas compte. J’aurai tellement aimé qu'on ne comprenne jamais... Ça me tue de perdre notre amitié. Tout comme ça me tue de te voir avec d'autres types, même si je m'en veux toujours terriblement d'être maladivement jaloux. Mais c'est loin d'être le pire. Je sais que je vais te décevoir, et qu'après ce que je viens de te dire tu ne comprendras pas, ou ne voudras pas comprendre. Je sais aussi que tu vas surement m'en vouloir et c'est tout ce que j'aimerais éviter, parce que je tiens bien trop à toi et je ne supporterai pas que tu m'en veuilles mais... » Il fit une pause, reprenant son souffle et prenant son courage à deux mains pour se lancer dans la partie la plus compliquée. Il reprit avant qu’elle ne dise quoi que ce soit: « Mais, et je te l'ai dit l'autre jour, j'estime ne pas pouvoir te faire ça... Je suis pas comme tout le monde, je suis pas ce Zeus de tout à l'heure ou l'un de tes potes Hadès. Je suis pas fait pour toi. Je suis pas fait pour ça. J'ai déjà essayé, et comme tu vois je suis toujours tout seul. Ça marche un temps, puis plus rien ne fonctionne. Je l'ai vécu, je sais que je suis le vilain petit canard et que je détruis tout ce que je touche. Tu mérites un gars normal, avec une vie normale, un cerveau normal, et surtout pas de TDAH. Tu me connais mieux que personne Jo, tu sais au fond de toi que j'ai raison et que si mon père est parti c'est parce que lui aussi il l'avait compris. » Son regard s'embua et il se leva pour cacher les larmes qui lui montaient aux yeux à Joséphine. Il n'avait plus parlé de son père à personne depuis tellement longtemps... Dans sa tête, tout se mélangeait à nouveau. Il avait peur que son discours fasse fuir Jo, qu’elle le déteste de ne pas lui laisser une chance, qu'elle lui en veuille. Il avait besoin d'elle, il ne supportait pas la simple idée de la perdre. Il rejoint la fenêtre et perdit son regard dans le lointain, ravalant ses larmes il observa les lumières toujours visibles sur la plage qu'ils avaient quittée si précipitamment.

Comment se faire du mal à plusieurs reprises en à peine quelques mots, leçon donnée par monsieur Winter Forks. Il se blessait en la blessant. Se faisait du mal en se refusant ce que son cœur et son âme se tuaient à réclamer. Se brisait le cœur en évoquant son père. Lui qui détestait faire du mal aux autres ne se ménageait pas... Toujours en simple boxer, sa peau commençant doucement à sécher bien que demeurent quelques gouttelettes dans son dos et que ses cheveux soient trempés, il se leva finalement pour cacher les larmes qui embuaient son regard sombre. Avait-il jamais pleuré en présence de Joséphine auparavant. Sans doute que non. Il ne pleurait jamais, premièrement car il n'en avait pas la moindre raison, secondement parce qu'il détestait cela, troisièmement il était un homme et tout le monde sait que les hommes ne pleurent pas. Cette dernière affirmation était évidemment fausse, la preuve était là. Il sentit les bras de la jeune femme se refermer autour de sa taille peu après que son lit ait grincé lorsqu'elle s'était levée. Il frissonna légèrement, et parce qu'elle avait la peau froide, et parce qu'il ne s'y attendait pas alors que son contact le faisait désormais à chaque fois ressentir un sentiment très étrange. Comme des papillons dans le ventre, si on prend le cliché habituel... Il respira profondément, calquant sa respiration sur celle de Jo dont il sentait la respiration dans son dos, et dont le cœur battait contre son omoplate. Il l'écouta parler et se mordilla la joue sans rien répondre, pensif, analysant ses paroles, pesant le pour et le contre. Et cherchant sans le trouver le courage de dire quelque chose. D'accepter de tenter, peut-être... Il sentit son étreinte se resserrer, cela le soulageait. Un peu. Il s'imprégnait de ce sentiment de plénitude qu'il ne ressentait qu'en présence de Joséphine. Sa moitié, depuis cinq ans, même si ce n'était pas, auparavant, dans ce sens là. Elle lui parla de son père et il sentit un larme rouler sur sa joue. Il n'avait que de vagues souvenirs de lui, et cela le déchirait d'autant plus de savoir qu'ils avaient été très heureux tout les deux. Les meilleurs amis du monde. Il s'entendait même lui chuchoter à l'oreille qu'il était le meilleur papa du monde. Tu parles... Il souffrait de son départ, quoi qu'il en dise. C’est là, surtout, qu'il en prenait conscience. Il avait tenté de le bannir de sa vie mais rien n'y faisait, c'était son père. Il se retourna à contre cœur, n'ayant pas essuyé la larme afin de ne pas lui montrer qu'il pleurait mais se trahissant tout de même au final. Arrête de te faire du mal, elle n'imaginait même pas à quel point elle avait raison ! Il ne répondit toujours pas, se contenant de refermer ses bras sur elle tout en contenant ses émotions qui menaçaient d'exploser en un tsunami de larmes de crocodile. Rien ne se passa. Les minutes s’égrenèrent, il la serrait toujours contre lui. Il tenta un sourire en réponse au sien puis, sans réfléchir, approcha son visage du sien, ses lèvres des siennes, et l'embrassa. Il céda. Après un long baiser, il plongea son regard dans le sien. « Je t'aime... »

Cédant finalement à la tentation, Winter captura les lèvres de Jo pour un long, très long baiser. Cela voulait-il dire qu'ils étaient ensemble ? Peut-être, à vrai dire il ne savait pas trop. Ils s'étaient torturés durant deux jours pour en arriver là... Cela semblait presque trop rapide maintenant qu'ils y étaient. Mais il préférait cela à la véritable torture mentale qu'ils s'étaient mutuellement infligée la veille et en cette soirée. Il avait finalement accepté d'écouter ce qu'elle tenait tant à lui mettre en tête. Pas au point d'être d'accord avec tout ce qui avait été dit mais, au moins, il admettait peu à peu qu'il n'avait pas que des défauts et que, peut-être, le Trouble De l'Attention avec Hyperactivite le rendait différent mais pas forcement anormal. La prenant dans ses bras, il cessa de penser à autre chose, se concentrant sur le fait que sa présence ici, avec lui, contre lui, était incroyablement agréable. Il avait l'impression de redécouvrir Joséphine... « Chuuut, bien sûr que c'est ce que je veux. » Elle le connaissait par cœur, elle devait bien se souvenir que jamais on ne pouvait le forcer à quoi que ce soit, soit il le voulait soit cela ne se faisait pas. Têtu comme il était ! C'est Jo qui lui rappela qu'il était trempé lorsqu'il était sorti de la salle de bains et qu'il n'était toujours pas correctement séché. « Je file. » Se détachant d'elle, il disparut dans la pièce voisine où il passa un peu d'eau sur son visage afin d'effacer toute trace de larmes avant de mettre un pantalon. Comme à son habitude, pas de t-shirt pour dormir. Il sécha ses cheveux, les décoiffant totalement au passage, et la rejoint enfin. S'asseyant sur son lit, il se joignit à elle pour caresser Callum. « C'est fou. Regarde tout ce qu'on a dû traverser en deux jours pour en arriver là... »

Tout ça pour ça, se disait-il encore. Ils étaient passés par un peu toutes les émotions possibles en à peine deux jours, Winter s'était même dit qu'ils ne verraient jamais le bout du tunnel et que leur lien si fort et si précieux était définitivement brisé. Volatilisé pour son plus grand malheur. Au final, la relation avait évolué, ils en étaient... Où, exactement ? Il ne savait pas trop, mettre des mots là-dessus lui semblait trop précoce, il préférait s'abandonner à l'euphorie du moment et réfléchir ensuite. Ces derniers jours, il n'avait que trop réfléchi et c'est ce qui avait causé toutes ces discordes. Il avait décidé de faire confiance à Joséphine, elle le connaissait suffisamment bien que pour savoir qu'il était, au fond, quelqu'un de sensible. Elle ne ferait pas l'erreur de lui faire du mal... C'est, du moins, ce qu'il pensait. Il lui faisait confiance, il pensait sincèrement qu'avec quelqu'un qui le connaissait si bien son cœur était entre de bonnes mains. S'allongeant finalement sous la couette, Jo contre lui et Callum ne se gênant pas pour s'installer au pied du lit, il  bailla lourdement. « Bonne nuit Jo », fit-il entre deux bâillements, sombrant rapidement dans un profond sommeil, chose étrange pour un hyperactif tel que lui. C'était l'émotion. Toutes les émotions mélangées, accumulées, et le peu de sommeil de ces derniers jours. Il ne se réveilla pas, ne bougea même pas, lorsque Joséphine quitta le dortoir sur la pointe des pieds telle une voleuse. Ce n'est que vers six heures du matin qu'il ouvrit enfin les yeux, heure habituelle de son jogging matinal. Il s'attendait à la voir à ses côtés, mais non. Plus aucune trace d'elle. Il tenta de l'appeler mais tomba sur la messagerie. Il ne laissa pas de message, se disant qu’elle était occupée, voir rendormie. Habillé et coiffé, il passa sa laisse à Callum, tout heureux, et s'apprêta à sortir. C’est là que la réalité lui apparut brutalement: elle ne voulait plus de cela. Il lâcha la laisse de son chien et s'assit afin de ne pas tomber sur les fesses. Il le savait...