Alors que j’étais posée dans la salle commune des Zeus, je reçu un message. Le nom affiché était celui de Jules… Mon cœur avait failli bondir hors de ma poitrine. C’était un message vide, auquel j’avais répondu par un simple point d’interrogation. Un point d’interrogation qui voulait dire bien plus qu’il n’en avait l’air. Si vous pouviez lire dans mes pensées, vous y verriez uniquement un tas de questions qui se bousculent et qui me donnent parfois mal au crâne. Il y a très peu de sujets qui me font me poser des questions, à vrai dire, je ne m’en pose que très rarement. La plupart des questions qui me torturaient l’esprit étaient souvent sur Jules, même si j’essayais de me convaincre que je savais parfaitement ce que je faisais avec lui, que je savais quoi lui répondre en toute circonstance et que je faisais bien de me comporter ainsi avec lui. Et honnêtement, j’avais très rarement, voire même jamais eut autant de mal a me convaincre de quelque chose. Peut-être parce que j’avais tout simplement tort d’agir ainsi ? Moi avoir tort… Décidément, ce Jules avait tout perturbé et tout chamboulé chez moi. Il ne le savait surement pas, il ignorait surement que lorsque je le vois avec les larmes aux yeux, j’ai envie de le serrer tellement fort dans mes bras qu’il en suffoquerait, et que si ses démons avaient une forme propre, je les aurais poignardés à mainte et mainte reprise, et j’en prendrais même certains. Je suis tellement plus forte que lui, rien ne me contrarie, rien ne m’atteint, personne ne peut me blesser que ce soit verbalement ou physiquement ; je finis toujours par me relever. Et pourtant, je garde mes distances avec les gens et je n’autorise personne à m’aimer, même pas Jules. Qui pourtant m’accepte comme je suis.

Vous voyez, comme je suis vulnérable en fin de compte… Il suffit de prononcer le nom de Jules pour me perturber. Je déteste ça. Pourquoi ?! Pourquoi est-ce-que ça m’arrive à moi… Parfois, je me demande si je n’aurais pas mieux fait d’ignorer la fois où il m’a bousculée accidentellement, mais en réfléchissant bien, je serai passée a côté de quelqu’un qui ayant besoin d’aide, et qui serait peut-être le seul que je pourrais soutenir, le seul qui pourrait me prouver que je pouvais être bonne avec quelqu’un d’autre que mon frère et ma petite personne. Je trouverais un moyen d’arranger tout ça, je vais me sortir de tout ça, je trouve toujours un moyen, et le meilleur pour me sortir des situations difficiles…. Mon Dieu j'espère que je suis dans le vrai.

Voilà dans quel état je me mettais, juste en recevant un message vide de la part de Jules. Je savais parfaitement que son message simple n’était pas juste un message vide… Il représentait autre chose, je le savais. Un genre de métaphore, vous voyez. Eleanor Callaghan sensible et fleur bleue, je suis bien contente que personne ne puisse entendre tout ce que je pense… Pour quoi je passerais : pour une fille trop gentille, qui ressent de l’empathie et qui se torture en pensant à quelqu’un. Quoi que, ça pourrait faire rire et on penserait à un canular… J’aimerais bien me dire pareil. En plein dans une conversation au moment même où ce message m’avait distraite, je ne répondais plus à mes amis, qui me demandaient en riant « Bah alors, t’as perdu ta langue Callaghan ? ». Je sortais de mes pensées, pour fusiller du regard le demeuré qui venait de dire ça. Il me fit un sourire niais… Je levais les yeux au ciel avant de quitter la salle, sortant en t-shirt par ce temps frais. J’inspirais profondément pour ensuite m’essuyer les yeux rapidement avant d’aller me promener un peu pour me changer les idées…

Une petite heure plus tard, j’étais revenue de ma promenade et installée dans mon dortoir, seule. Alors que je travaillais, une fille vint me déranger, pour m’annoncer avec sa voix de crécelle qu'un type bizarre me demandait. Je fronçais les sourcils pour ensuite l'envoyer promener. Puisqu'elle insistait, je jetais mon crayon avant de me lever brusquement pour traverser l’aile sud et me rendre à la porte d’entrée. Keith m’interpella « C’est pas trop tôt ! Il y a une tâche de chez Apollon qui veut te voir ! Le p’tit perturbé là ! ». Je poussais Becky qui m’empêchait de voir notre invité… « Jules ? », lançais-je un peu surprise. « Bon je fais quoi ?! », demandait Keith d’un air insolent. Je m’approchais en le fusillant du regard, contenant au maximum ma haine « Bah laisse le entrer espèce de crétin ! ». Il soupira en levant les yeux au ciel et fit un sourire mauvais à Jules avant de le laisser entrer. Je l’attrapais par le t-shirt « C’est la dernière fois que tu insultes un de mes invité, t’as compris !!?? La prochaine fois tu t’en prends une devant tout le monde ! Hors de ma vue, tous les deux, dégagez, VITE ! ». Il s’épousseta et quitta l’entrée avec Becky, qui me regardait avec un air effrayé. Moi qui m’étais enfin calmée, voilà qu’en traitant Jules de cette manière, ils m’avaient perturbé. Je regardais Jules, avant de dire d’une petite voix avec un petit sourire gêné « …Ils vont le payer. Désolée… ». Malencontreusement, son regard s’encra dans le mien un court instant, ce qui me laissa sans voix durant ce petit laps de temps. Reprenant mes esprits, je demandais, en levant un peu le menton pour me donner un peu d’assurance avec mon air hautain « Qu’est-ce-que tu fais ici ? ».

Je lui en voulais. Ses paroles m'avaient touché droit au coeur; et bien que j'en étais amoureux, je ne pouvais pas laisser Eleanor me parler de la sorte. Elle avait dépassé les limites du raisonnable et je ne pouvais pas la laisser comme ça. Enfin, je voulais la laisser culpabiliser et revenir vers moi mais au final, c'est moi qui aie joué ce rôle. Je voulais lui téléphoner pour lui donner un rendez vous où nous pourrions discuter, mais au dernier moment, le lâche que je suis a pris le dessus et à la place d'un coup de téléphone, je lui ai envoyé un message. Un message vide. Un message vide de texte mais non vide de sens. Je savais qu'elle allait sûrement comprendre que je voulais lui parler et qu'elle allait me répondre. Justement, sa réponse ? Un simple point d'interrogation. Enfin, pas si simple que ça, car il signifiait peut être qu'elle se posait des questions; enfin, c'est ce que j'en ai compris mais il faut avouer que quand il s'agit d'Eleanor, je ne suis plus sûr de rien.
Je ne répondis pas à son message. J'avais déjà fais le premier pas et puis, j'en avais fait beaucoup trop. Je lui en voulais toujours.
Cependant, je ne sais par quels moyens, je me suis retrouvé une heure plus tard à la maison de Zeus. Je ne supportais pas cette maison et pourtant, pour Eleanor, je pouvais y aller encore et encore sans aucun soucis. Mais cette fois ci, je n'y étais pas pour Eleanor; j'y étais à cause d'Eleanor. Un étrange sentiment m'envahit en me dirigeant vers la porte d'entrée; je voulais à la fois la voir et l'avoir hors de ma vue; je voulais à la fois lui crier dessus et à la fois m'effondrer. Pour résumé, je ne savais pas du tout quoi faire et pourtant, j'y étais alors je devais trouver quelque chose.
Je me dirigeai alors vers la porte d'entrée et frappai. Un membre de la maison ouvrit la porte, me dévisagea pendant quelques secondes et me fixa, histoire de savoir ce que je venais faire ici et ce que je voulais. Je pris alors un air presque autoritaire et d'un ton froid et décidé, lui lançai :
« Je veux voir Eleanor. Appelle là. »
Là, il arqua un sourcil (lol) et semblait surpris de ma demande; ou du moins, comment je l'avais formulée. J'ajoutai alors, calmement et à voix basse :
« S'il te plait. »
Il s’exécuta alors péniblement, et appela une fille pour prévenir Eleanor. J'attendis quelques minutes sur le pas de porte; le garçon fit de même comme s'il ne me faisait pas confiance et préférait me surveiller plutôt que de me laisser seul à attendre. Les minutes défilèrent lentement et peu à peu, je commençais à regretter. J'étais sur le point de m'en aller quand j'entendis le garçon crier :
« C’est pas trop tôt ! Il y a une tâche de chez Apollon qui veut te voir ! Le p'tit perturbé là ! »
Je compris alors qu'Eleanor était dans les parages, sinon quoi, je lui aurais fait regretter ses paroles. Moi, le petit perturbé ? S'il y en avait bien un ici qui avait des soucis, c'était bien lui. Mais je n'avais pas de temps à perdre; ainsi, je ne répondis pas à sa provocation et me contentai de lui lancer un autre regard noir. Eleanor arriva au seuil de la porte, semblait étonnée de me voir mais aussi soulagée comme quand une personne attend impatiemment une autre. Elle me fit entrer puis elle se chamailla avec son camarade et s'excusa pour je ne sais trop quoi. A vrai dire, j'étais un peu dans la lune mais quand nous fûmes enfin seuls, elle posa une question qui vint briser mon silence :
« Qu'est-ce-que tu fais ici ? »
Je voulais lui répondre tant de choses à la fois, et pourtant, un seul mot s’échappa de ma bouche à ce moment là :
« Eleanor ... »
Je tournai la tête comme pour éviter son regard qui me mettait mal à l'aise. J'essayais de trouver les mots justes mais rien à faire, je n'y parvenais pas. Lassé par cette situation, j'abandonnai. D'une voix douce et calme, je finis par lui dire :
« En fait, tu sais quoi ... oublie. Ce n'est pas grave. »
Je tournai alors les talons et me dirigeai vers la porte d'entrée. Là, j'empoignai la poignée pour sortir, puis, au dernier moment, je m'arrêtai et revins à la charge. D'un pas pressé, je revins auprès d'Eleanor qui n'avait pas bougé :
« Et puis mince, si, au contraire, c'est grave ! Tu sais très bien pourquoi je suis là, et tu me le demandes comme si je devais encore faire un pas vers toi, comme si je n'en avais pas déjà fait assez ! Je ... Tu m'épuises Eleanor. Tu me traites comme un moins que rien et dès que j'essaye de faire le premier pas, tu ne fais que reculer. Au final, à quoi rime tout ça ? Hein, tu le sais ? »
Ma colère continua de plus belle et je continuai mon propos :
« Eh bien moi, je le sais ! Tout ceci ne rime rien à part que l'un de nous deux va s'en sortir indemne alors que l'autre va finir le coeur brisé. Et tu veux savoir Eleanor ? Tu es bien partie pour être celle qui en ressortira indemne. Mes félicitations ! »
J'étais hors de moi et pourtant, devant les beaux yeux verts d'Eleanor qui commençaient à se remplir de larmes, je ne pouvais rester dans cet état là. J'en étais incapable.
« Je .. Je t'en veux. »
Je baissai les yeux puis les relevèrent pour plonger mon regard dans les yeux d'Eleanor :
« ... Je t'en veux de me rendre fou amoureux de toi. »

Le silence qui s'était installé entre nous était assez pesant, et je ne savais même pas si Jules allait m'adresser la parole en fin de compte. Et enfin, lorsque le premier mot qu'il m'adressa se trouvait être mon prénom, j'eus des frissons. Sa voix avait difficilement laissé échappé celui-ci, et je le comprenais, moi même je n'arrivais pas a parler. Je le fixais avec insistance, tandis qu'il cherchait a éviter mon regard. Je fis une mine déconfite lorsqu'il finit par dire « En fait, tu sais quoi ... oublie. Ce n'est pas grave. », comme une idiote, je le laissais se diriger vers la porte, avant de dire d'une petite voix « Jules attends... ». Je n'osais pas bouger, alors je restais plantée là, en me demandant s'il m'avait entendu. Et soudainement, Jules revint rapidement vers moi pour me dire tout ce qu'il avait sur le cœur... Ou du moins, une grande partie. Il entrait dans une colère noire, et son regard noir se faisait dur et oppressant pendant qu'il déballait le fond de ses pensées. Deux battements de cils et voilà que ma vue devenait floue à cause des larmes qui montaient. Je croisais les bras, avant de répondre, la voix étranglée par les sanglots « Non, j'en sais rien Jules ! ». Je me raclais doucement la gorge, tentant de me ressaisir. A peine avais-je terminé qu'il reprenait de plus belle, je lâchais un petit rire nerveux en entendant ses propos. Je passais ma main dans mes cheveux, je sentais que j'étais à cran, ce qui me prouvait que je ne contrôlais plus rien du tout « Qu... Quoi ?! Parce que j'ai l'air d'une fille qui va ressortir indemne de tout ça ?! », lançais-je en posant mon index sur ma poitrine « Est-ce-que pour toi, de nous deux, je semble être celle qui vit le mieux cette situation ? NON JULES ! ». Je laissais une larme couler le long de ma joue, avant de l'essuyer rapidement, détournant le regard pour essayer de me calmer. Sa voix se faisant un peu plus douche, je reposais mon regard sur lui. Secouant doucement la tête, je soutenais son regard noir qu'il venait d'encrer dans le mien « Et moi... Je m'en veux d'être entrée dans ta vie... », je baissais la tête quelques secondes pour ensuite la relever, laissant apparaître un visage fermé et un regard vide « ... Pas pour tout les bons moments qu'on a vécu, mais pour ceux-ci... Je voulais t'aider, et finalement, regardes comment ça se passe... A quel point notre amitié a changée... ». Je me mordais violemment la lèvre, en m'appuyant contre le mur je rajoutais dans un soupir « Je comprends pas comment tu fais pour être amoureux de moi, Jules. Et je ne le comprendrais surement jamais... Tu fais la plus grosse erreur de ta vie... »

« Et moi... Je m'en veux d'être entrée dans ta vie... »
Les mots d'Eleanor me fendirent le coeur. C'était donc le fond de sa pensée; c'était donc la vérité de toute notre relation. Une larme perla immédiatement sur ma joue lorsqu'elle prononça ces mots. Je baissai la tête comme pour empêcher d'autres larmes de couler, quand elle continua :
« ... Pas pour tout les bons moments qu'on a vécu, mais pour ceux-ci... Je voulais t'aider, et finalement, regardes comment ça se passe... A quel point notre amitié a changée... »
Je relevai à nouveau la tête. Je l'observais, j'observais sa réaction et les moindres sons de sa bouche retentissaient dans ma tête.
« Je comprends pas comment tu fais pour être amoureux de moi, Jules. Et je ne le comprendrais surement jamais... Tu fais la plus grosse erreur de ta vie... »
Il y eut un énième silence après ses paroles. Eleanor reprenait son souffle tandis que j'essayais de comprendre où elle venait en venir. Après quelques secondes sans un mot, je levai la tête doucement, plongeant mon regard dans le sien avant de m'exclamer :
« Notre amitié ? ... NOTRE AMITIÉ ? Mais tu te rends compte de ce que t'es en train d'insinuer, Eleanor ? Tu ... Tu nies la réalité ! Tu mens aussi bien à moi qu'à toi même ! Tu ... »
Je m'approchai vers elle, prit sa tête entre mes deux mains et lui dit d'une voix à nouveau calme et douce contrastant avec mon ton précédent :
« Arrête ça, Eleanor. Arrête de ... d'agir comme si ça ne venait que de moi; comme si j'étais le seul à être amoureux. Je sais ... Je sais qu'au fond ... tu m'aimes aussi. Tu es amoureuse de moi Eleanor. Tu es juste trop fière pour l'avouer ... »
Des larmes coulèrent alors sur mes joues; des larmes de tristesse, d'épuisement et ... de colère. Je voulais ... qu'elle soit honnête pour une fois.
Nous étions tout près l'un de l'autre; chacun reprenant son souffle et les larmes aux yeux. Quelques secondes après, je baissai la tête vers le sol et attrapai la main chaude et douce d'Eleanor et la serrai très fort.
« Tu cherches tes réponses au mauvais endroit, Eleanor Callaghan. »
Eleanor avait elle aussi baissé machinalement sa tête, comme pour voir où mon regard s'était posé.
Une fois avoir pris la main d'Eleanor, je la posai contre ma poitrine contre laquelle mon coeur battait à toute allure.
« Est-ce que ... Est-ce que ce que tu sens a l'air d'être la plus grosse erreur de ma vie, Eleanor ... ? »
Je plongeai à nouveau mon regard noir dans ses yeux verts qui me fixaient. J'attendis quelques secondes avant de continuer en hochant la tête très lentement :
« Non ... Non ... C'est ce que je ressens pour toi. Ce n'est pas une erreur, c'est sans doute la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie. C'est ce qu'il y a de plus vrai et de plus réel. »
Je pris une longue inspiration avant de finir :
« L'amour ... »
Je clignai des yeux et une autre larme vint perler mes joues. Je serrai à nouveau la main d'Eleanor et la ramenai vers sa poitrine. Je la posai dessus délicatement et vint déposé la mienne juste au dessus. Sur le même ton, je continuai :
« Si ce que tu ressens pour moi n'est qu'uniquement de l'amitié ... pourquoi ton coeur bats-t-il aussi vite que le mien, Eleanor ? »

Je m'efforçais d'ignorer les réactions de Jules à mes propos, afin de pouvoir au moins aller au bout de ma pensée. J'avais envie de le prendre dans mes bras lorsque je vis la première larme qu'il versa, mais je me retenais. Je ne pouvais pas lui dire des choses pareilles et me jeter sur lui pour l'enlacer, ça n'aurait aucun sens. Plus un bruit, plus un mot... Encore un silence pensant, qui me faisait peur. Je ne savais pas si Jules allait s'énerver, pleurer, s'en aller... J'appréhendais sa réaction. Je fixais Jules lorsqu'il prit la parole. Je me sentais terriblement mal d'entendre la vérité sur la situation sortir de sa bouche. Je ne savais que répondre, alors je préférais me taire. Malgré mon silence, il s'approcha, pour prendre mon visage entre ses mains. Cette proximité fit accélérer les battements de mon cœur. Il avait déjà tout compris, il savait quelque chose que je m'efforçais de nier, que je refusais de ressentir. Personne ne m'a jamais réellement aimée, sauf peut-être mon frère, mais d'un amour différent. C'est tellement bizarre, d'être aimée à ce point, et de se rendre compte qu'on est faible au point de ressentir la même chose alors que toute sa vie on n'a éprouvé de l'amour que pour sa moitié. J'avalais difficilement ma salive; j'avais l'impression d'avoir des lames de rasoir dans la gorge. En plongeant mon regard dans le sien, et en écoutant sa voix douce, je me sentais comme... hypnotisée, je crois que c'est le mot. Et ça me faisait peur... Je détournais une fois de plus le regard, laissant mes larmes couler. Qu'allais-je pouvoir lui répondre, comment les mots allaient-ils sortir de ma bouche... Rien, pour l'instant, je ne pouvais plus parler. C'était la première fois que j'étais sans voix en face de lui, et en face de quelqu'un d'ailleurs. Il lisait en moi comme dans un livre ouvert, ce qui était assez étonnant.

J'allais essuyer mes larmes quand Jules me prit la main, pour ensuite la serrer, je fis de même, pour lui montrer que j'étais présente, que je l'écoutais. Après avoir baissé la tête pour observer où son regard s'était posé, je la relevais en même temps que lui, accentuant cette proximité qui me troublait. Ma main se fit tremblante lorsque Jules la posa sur sa poitrine. Je la retirais doucement en le regardant d'un air surpris pour répondre assez froidement « Oui... ». Je sentais de nouveau la Eleanor glaciale, qui devant autant d'humanité et d'amour à son égard, décidait de se braquer comme une idiote. « Non ... Non ... C'est ce que je ressens pour toi. Ce n'est pas une erreur, c'est sans doute la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie. C'est ce qu'il y a de plus vrai et de plus réel. L'amour ... », je soupirais tout en lâchant un petit rire nerveux « La meilleure chose... L'amour, cette chose qui te fait pleurer, qui te met dans tout tes états ? Qui te transforme en fou et l'instant d'après en homme brisé ? Je suis la complice de cet amour que tu me portes, cet amour qui te fait du mal, et c'est pour toi la plus belle chose qui te soit jamais arrivée ? Je... je pourrais pas supporter ça, si c'est ça l'amour... ». Je secouais légèrement la tête, regardant dans tous les sens, totalement perturbée par tout ça. Pour moi, ce que je ressentais pour Jules était fort, spécial, compliqué, parfois même douloureux, comme dans ce genre de moment et surtout... Nouveau. Je ne suis pas prête, ou du moins, je ne crois pas.. Je n'en sais rien. Je lançais, d'une petite voix, fronçant les sourcils « Tu sais quoi, laisse tomber Jules... ». Je n'avais qu'une envie: sortir, prendre l'air, pleurer tant que je le pouvais, et réfléchir, rester seule surtout. Je regardais Jules d'un air interrogateur lorsqu'il posa ma main sur ma poitrine, et ensuite la sienne. Mon cœur semblait manifester sa présence assez violemment, tellement il tambourinait contre ma poitrine, je me sentais prise au piège, sachant que Jules pouvait, avec sa main sur la mienne, sentir l'emballement de mon cœur. Je baissais les yeux pour regarder nos mains, et pleurer... Je restais silencieuse un long moment avant de répondre, toujours la tête baissée, me laissant un peu aller, tentant tout de même, une fois de plus, de dévier et de ne pas parler de mes réels sentiments « Tout simplement parce que je... j'ai peur... », je me laissais aller à quelques sanglots « Personne ne m'a jamais aimé comme toi, et ça me fait peur que ce soit si soudain, autant d'amour... ». Je relevais la tête, posant ensuite mon autre main sur sa joue « Je ne sais pas quoi faire Jules, je perds le contrôle... ». Voilà que je pleurais autant que lui la première fois qu'il s'était confié à la bibliothèque. Une pulsion fit que je me jetais presque dans ses bras...

« Je ne sais pas quoi faire Jules, je perds le contrôle... »
Enfin. Elle venait enfin de dire quelque chose de vrai, de réel, de sincère ... Elle venait enfin de laisser tomber son masque et dire ce qu'elle ressentait ...
Je souris à ces mots, bien que ce fut totalement déplacé vu la situation. Mais je ne sais pas, quelque part, ça m'avait fait sourire de voir qu'elle n'était pas si forte et invulnérable qu'elle n'y paraissait. Je saisis sa main posée sur ma joue et fermai les yeux. Sa main était si douce comme elle mais aussi tremblotante. Je rouvris les yeux et lui dis en esquissant un léger sourire :
« Ne dis pas ça Eleanor ... Tu sais ce que tu dois faire ... Tu dois juste te laisser vivre et te laisser ... aimer. »
Je fis une pause avant de reprendre :
« Je ne m'y connais pas très bien en amour; mais une chose que j'ai apprise à tes côtés, c'est qu'en amour, il ne faut pas réfléchir. Il faut juste se laisser aller ... »
Puis, me remémorant ses paroles de l'autre nuit; la nuit où elle m'avait jeté dehors et traité " d'instable"; je retirai sa main de ma joue et m'éloignai d'elle lentement. Je ... je lui en voulais toujours; et je ne pouvais oublier si facilement. Mon côté rancunier prenait à nouveau le dessus et, les larmes aux yeux, je commençai à lui crier dessus :
« Je veux juste savoir ... Pourquoi m'as tu jeté l'autre nuit ? Je veux dire, tu ne sais plus quoi faire, tu perds le contrôle et je suis l'instable de l'histoire ? Tu sais à quel point tu m'as fait du mal ce soir là ? J'ai ... »
Les mots étaient désormais trop difficiles à prononcer. Les sons se bloquaient dans ma gorge et je n'arrivais plus à parler correctement. Je sentais que j'allais m’effondrer en sanglots une fois de plus, dans ses bras. Mais passer pour le faible de l'histoire était mon dernier désir à ce moment là. Je n'allais pas lâcher l'affaire si facilement. Je voulais des excuses, je voulais des explications, je voulais ... un baiser. Je n'en sais trop rien; je voulais tant de choses à la fois que je commençais à perdre contrôle, moi aussi. J'étais confus et la manière dont Eleanor me regardait semblait indiquer qu'elle comprenait ce qu'il se passait. J'essayais tant bien que mal de me calmer, histoire de ne pas passer pour le déséquilibré, le taré encore une fois. J'avais l'habitude et pourtant; je détestais quand Eleanor pensait de telles choses à mon sujet, car même si elle le niait, je voyais parfois dans ses yeux qu'elle avait ... peur. Peur de ma réaction; peur de mes émotions; peur de moi tout simplement. Et ça, je ne pouvais pas le supporter.
Je repris, sur le même ton colérique et insolant que précédemment :
« La vérité c'est que ... Tu m'épuises Eleanor ! Je consacre trop d'énergie pour toi et pour notre relation; relation que tu n'es même pas déniée reconnaître ! Tu sais ... Moi aussi j'en peux plus; moi aussi je suis fatigué et moi aussi je perds le contrôle. Je TE perds et j'en viens presque à penser que... Que tu n'aurais jamais du venir me voir, ce soir là, à la bibliothèque ! »
Puis, je continuai, un sourire presque machiavélique affiché sur le visage; sur un ton ironique :
« Ah mais oui ! C'est vrai ! J'oubliais presque que je suis le pauvre Jules ! Celui qui n'a pas d'amis, celui que personne n'aime, pas même son père ! Celui qui a besoin d'aide et qui n'est même pas capable d'aider les autres ! Celui dont tout le monde s'en fiche ! Le taré, le fou, le psychopathe, celui qu'il faut interner ! Celui ... Celui dont il faut avoir PITIÉ ! »
Je me rapprochai à nouveau du visage d'Eleanor et repris, toujours violemment :
« Mais oui ! Tu connais ça, la pitié! Ce sentiment que tu n'as pas cessé d'éprouver à mon égard ! Celui qui fait que tu ne vois notre relation uniquement comme de l'amitié ! Celle qui t'empêche de me faire du mal ! Mais tu sais quoi, c'est raté. »
J'attendis quelques secondes, affichant cette fois ci une espèce de sourire niais :
« Tu es la personne qui m'a et me fait le plus de mal dans ma vie, Eleanor. Si tu savais comme des fois j'ai des envies de ... de ... »
Je serrais les poings, sentant peu à peu la haine montée à moi; cette même haine qui me poussait à devenir violent et à frapper tout ce qui bouge. J'approchais mes poings de son visage comme pour la frapper; mais comme j'étais incapable de lui faire du mal; sans même réaliser ce que je faisais, je posais mes mains violemment sur ses joues et ... l'embrassai. Le baiser fut très bref puisque je me retirai de ses lèvres quelques millièmes de secondes après y avoir déposé les miennes. Puis, les yeux empli de larmes, je lui lançai un autre regard noir; le genre de regard presque ... pétrifiant et déstabilisant.
« Tu me dégoûtes, Eleanor ... »
Enfin, comme à mon habitude, à la seconde même où je finis de prononcer ces mots,je commençais à regretter. Alors, d'une voix calme et douce, tellement en contraste avec celle que j'avais juste avant qu'on aurait presque dit qu'une autre personne parlait, je lui dis :
« Je ... Pardonne moi Eleanor. Je ... Je ne voulais pas dire ça comme ça ... »

« Tu as peut-être raison... », répondis-je simplement. Alors que j'allais de nouveau prendre la parole, je le vis reculer lentement, changeant d'expression faciale. Je demandais alors d'une petite voix, un peu inquiète « Jules, est-ce-que ça va ? ». Je pris un petit air surpris, ne pensant pas l'avoir autant blessé, sachant que j'étais moi même en colère la dernière fois « Je suis désolée Jules, je ne pensais pas ce que j'ai dis, j'étais énervée pour un tas de raisons. J'ai parlé et agit n'importe comment... ». Mes excuses étaient sincères, surtout après avoir réalisé, grâce à ses larmes et cette montée de colère soudaine, qu'il avait sérieusement été touché par mes propos. Alors que je l'observais, je voyais son regard scruter un peu partout... Il avait l'air perdu, dans un drôle d'état, et complètement chamboulé. Je m'approchais alors de lui, pour le calmer et peut-être encore m'excuser si cela était nécessaire, et bien sûr le convaincre que je ne pensais pas de mal de lui, même si c'est vrai qu'il était plutôt lunatique. Son ton insolent me fit me stopper net, n'appréciant pas du tout la façon dont il s'adressait à moi. En entendant la fin de sa phrase, je le toisais avant de répondre « Calme toi Jules, j'ai l'impression que c'est toi que je suis en train de perdre là !». Il semblait emporté par la colère, ne contrôlant plus ses propos. Cependant, en colère ou pas, je ne tolérais pas ce genre de comportement. Surtout lorsqu'il se modifiait aussi brusquement, c'était bien trop inquiétant. Son sourire machiavélique transformait son visage qui quelques minutes auparavant, était presque angélique. J'eus des frissons dans tout le corps en le voyant m'adresser ce genre de sourire. Je secouais lentement la tête, les larmes aux yeux, collant ma tête au mur en le voyant se rapprocher autant, et carrément me cracher ses paroles au visage « Ca suffit, arrête de dire des conneries maintenant !!! Il n'a jamais été question de pitié ! Si c'était le cas, ça ferait bien longtemps qu'on ne se parlerait plus ! Je suis pas ce genre de fille, tu devrais pourtant le savoir non ?! ». Je pouvais bien être sincère, me défendre, dire quelque chose de censé, cela passait inaperçu. Jules était méconnaissable et ne répondait plus de rien.

J'avais l'impression de m'adresser à une autre personne, et si je n'avais pas été aussi effrayée, je l'aurais fichu rapidement à la porte. Mais la vérité, c'est que j'étais tétanisée. Les propos suivant furent les plus difficiles à avaler... « Tu es la personne qui m'a et me fait le plus de mal dans ma vie, Eleanor. Si tu savais comme des fois j'ai des envies de ... de ... ». Je dus cligner plusieurs fois des yeux pour y voir clair, tellement les larmes étaient montées rapidement suite à cela. Je n'avais même pas le temps de répondre... Et je ne le pouvais pas de toute manière. Les mots ne venaient plus tellement ce que je vivais était stressant et effrayant. En baissant le regard, je le vis serrer les poings... Relevant rapidement mon regard, la bouche entre-ouverte, choquée, je fis de grands yeux, qui le suppliaient presque de ne rien faire. Il approcha son poing près de mon visage, je lançais presque dans un couinement « Non, Jules, stop ! », mettant mes mains près de mon visage pour me protéger. S'arrêtant brusquement, il posa ses mains violemment sur mes joues, ce qui me fit sursauter en sentant un quelconque contact entre lui et moi. Le baiser qui suivit fut l'un des pires de toute ma vie. Il tût mes sanglots un très court instant, alors que mes larmes ruisselaient sur mes joues. Je le regardais, horrifiée, serrant les dents pour retenir mes sanglots insupportables.

J'avais l'impression d'être en plein cauchemar, mais la douleur que j'éprouvais me ramenait à la réalité... Jamais je n'aurais pensé, en le traitant involontairement d'instable, qu'un jour, cela s’avérerait être probablement vrai. Je détournais mon regard, et après sa dernière réplique assassine, je le poussais violemment pour qu'il se tienne loin de moi. Je glissais le long du mur, sentant que mes jambes flanchaient. Jamais je n'avais eut aussi peur... Je lâchais, la main sur ma poitrine « Pourquoi Jules ?! Comm... comment tu... tu peux me faire ça ?! A MOI ?! ». J'avais particulièrement lutté pour sortir ces quelques mots. J'avais le souffle presque coupé. La tête baissée, je ne vis pas le nouveau changement d'expression de Jules, et c'est en entendant sa voix douce et calme que je relevais brusquement la tête, pensant qu'on venait de planter quelqu'un d'autre devant moi, l'ancien Jules. J'essuyais mes larmes, en vain, car je ne faisais plus que pleurer « Te pardonner ?! Après ce que tu viens de me faire subir ?! ». Je me redressais difficilement avant de m'approcher de lui « Comment j'ai pu l'espace d'un instant... env... envisager quelque chose avec toi... Je veux que t'en ailles... Maintenant... Tu sais quoi ? T'avais raison, peut-être que j'aurais jamais du venir te voir à la bibliothèque. La prochaine fois que je veux être sympa avec quelqu'un, je m'abstiendrais, j'ai pas envie de me faire planter pour avoir été humaine avec une personne. ». Je croisais les bras, reprenant doucement mes esprits, même si je continuais a avoir peur de lui. D'un signe de tête je lui montrais la sortie, tripotant mes mains plus que tremblantes...

« Te pardonner ?! Après ce que tu viens de me faire subir ?! »
C'est ce que je craignais. Je lui avais fait peur et par conséquent, il était presque évident qu'elle n'allait pas me pardonner de si tôt. Mais pourquoi avais-je agi ainsi ? Alors que je calmai, je redoutais les paroles d'Eleanor ainsi que sa réaction. J'eus un sorte d'absence pendant laquelle je la revis à la bibliothèque me parler, me mettant en confiance, m'écouter me confier ... Je revis son sourire, j'entendis à nouveau son rire ... Et je ressentis ce vide, à nouveau. Ce vide qui me faisait si peur; ce vide qui était si destructeur et qui m'effrayait plus que tout ... Eleanor continua ses propos :
« Comment j'ai pu l'espace d'un instant... env... envisager quelque chose avec toi... Je veux que t'en ailles... Maintenant... Tu sais quoi ? T'avais raison, peut-être que j'aurais jamais du venir te voir à la bibliothèque. La prochaine fois que je veux être sympa avec quelqu'un, je m'abstiendrais, j'ai pas envie de me faire planter pour avoir été humaine avec une personne. »
Je ne pus m'empêcher de pleurer. C'en était trop; c'était tout simplement insupportable et beaucoup trop douloureux. Je sais que je n'avais pas été des plus doux avec elle mais ... mais comment une personne comme elle ne pouvait pas s'attendre à ça ? Comment une personne comme elle puisse penser naïvement qu'un garçon comme moi soit gentil, doux, droit et juste ? Peut être que c'est vrai ce que l'on raconte; peut être que les happy endings n'existent pas.
Alors qu'Eleanor me montrait la porte, je me retins de pousser un cri de douleur. C'était donc ça, notre fin ? Je me dirigeai vers la porte sans chercher d'histoires puis revins sur mes talons vers Eleanor. Je la vis se tourner, le visage inquiet comme si elle avait peur que je puisse lui faire du mal. Elle me tournait le dos à présent; je ne pouvais la prendre pour la retourner ou insister davantage. Ainsi, je me collai à elle, lui chuchotant à l'oreille :
« Tout ça aurait été différent si tu l'avais avoué ... Si tu avais avoué que tu es amoureuse de moi ... que tu m'aimes, tout simplement. Mais ne t'en fais pas; je ne suis pas un lâche et je n'ai pas peur de le dire. Je t'aime, Eleanor. Quoi qu'il se passera entre nous, n'importe quand et n'importe où, mon amour pour toi sera le même. On ne peut rien y faire. »
Je m'éloignai à nouveau d'elle et parti vers la porte d'entrée, que j'ouvris. Sur le seuil de la porte, je me retournai et jetai un regard à Eleanor tout en précisant :
« Peut être ... Peut être que je ne suis pas fait pour aimer et être aimé. Je ne te mérite pas et pourtant ... Je sais pour je ne sais quelle raison que ... Que tu es mienne et que notre histoire ne fait que commencer. Quelque chose me dit que ... nous deux, ce n'est pas du vent. Si tu n'y crois pas, je ne vais pas te forcer, Eleanor. Je suis juste déçu de ne pas t'avoir fait croire en l'amour ... »
Je commençai à partir, bouleversé par la situation, au bout du rouleau. Tant de questions se bousculèrent dans ma tête. Une fois dehors, je me retournai une nouvelle fois vers la fille que j'aimais, vers Eleanor et criai à plein poumons :
« Personne ne t'aimeras comme moi je t'aime Eleanor ! Tu m'entends ! Personne ! »
Je me mis à avancer d'un pas déterminé, bien décidé à la laisser tranquille et retourner à ma maison, quand soudain, je refis demi tour. Je m'assis sur les escaliers extérieurs de l'entrée et ... ne bougeai plus pendant de longues minutes. Après un long silence où aucun de nous d'eux ne bougea, je fondis en larmes; c'était sans doute la première fois en 12 ans que je pleurais de cette manière; la première fois depuis que ma mère était décédée.

Je le regardais pleurer, sans aucune empathie. J'étais dégoutée, et complètement sonnée par ce qui venait de se produire. Encore heureux qu'il ne m'ait pas frappé. En le voyant se diriger vers la porte, je me retins de fondre en larmes, tentant tant bien que mal de rester droite, et de lui montrer que je lui en voulais. Le voyant sur le pas de la porte, je soufflais, soulagée. Puis il revint se coller à moi, pour me chuchoter quelques mots à l'oreille. Je l'apercevais du coin de l’œil seulement, et je baissais la tête en entendant ses propos. Était-ce quelque chose de bien, que son amour persiste malgré tout, ou était-ce mauvais... Je n'en savais rien... Je voulais juste qu'il sorte, pour que toute cette tension disparaisse et que je puisse retrouver mes esprits. En entendant Jules s'éloigner, je me tournais pour le regarder et lorsqu'il reposa son regard sur moi, je détournais le mien, regardant juste à côté. Non, je ne pouvais pas le regarder en face. Je roulais des yeux, et je le vis enfin s'en aller.

Je m'appuyais contre le montant de la porte après son départ. Je le regardais s'éloigner, sans bouger. Maintenant qu'il était redevenu lui-même, je ne savais plus comment agir. Je pense que n'importe qui aurait été perturbé, non, j'en suis même sure. Je sentis mon cœur faire des siennes lorsque Jules se retourna pour s'égosiller. C'était tellement... touchant. J'avais l'impression que de nous deux, c'était moi qui avait un réel problème. A vouloir tout intérioriser, tout contrôler, j'en oublie presque mes sentiments, j'en oublie de vivre sans me poser de questions, alors que lui, ne fait qu'extérioriser. Puis son enfance a fait de lui ce jeune homme au caractère particulier. Mais qu'est-ce-que je raconte... Il m'a fichu la peur de ma vie quand même... Les quelques personnes qui passaient pour rentrer chez eux tournèrent la tête vers nous après avoir entendu Jules crier ainsi. Enfin, il se dirigeait vers sa maison. Je me disais qu'il fallait peut-être que je le retienne... Mais d'un côté, j'avais peur qu'en discutant, les choses tournent mal. J'avançais un peu, descendant presque les quelques marches, avant de m'arrêter brusquement en le voyant revenir. Jules décida de s'asseoir sur les marches, puis se mit a pleurer. Je l'observais, sans dire un mot pendant un très long moment... Le voir dans cet état me fendait le cœur, alors, oubliant l'espace d'un instant le moment effrayant que j'avais vécu, je m'asseyais près de lui, puis pour le réconforter, je lui caressais le dos tout en restant muette. Je ne pouvais pas le laisser seul, bouleversé comme il l'était. Je demandais alors, après m'être raclée la gorge « Tu... tu veux pas rentrer ? On sera... mieux à l'intérieur... ». Je gardais ma main dans son dos, en attendant une réponse. Maintenant qu'il était calmé, j'espérais que nous pourrions discuter plus calmement, comme on le faisait juste avant cette crise. Je ne voulais pas terminer aussi mal la soirée, sachant que malgré tout, je tenais énormément à lui, ce qui, sans doute, justifiait le fait que je lui pardonnais beaucoup de choses... Je me devais ensuite d'ajouter, un peu hésitante « Il n'y a personne dans mon dortoir ce soir et... on... faut qu'on parle... et pas... pas comme ça Jules... ».

Je ne remarquai même pas la présence d'Eleanor à mes côtés. J'étais bien trop occupé à m’apitoyer sur mon sort et à me demander ce qu'il ne tournait pas rond chez moi. C'est vrai, il devait sûrement y avoir quelque chose d'anormal en moi, quelque chose qui me poussait d'une certaine manière à agir ainsi et à finir par toujours faire du mal à ceux que j'aime. Ce n'est qu'en sentant une main me caressait le dos que je compris qu'Eleanor n'avait pas refermé la porte derrière moi et s'était installée tout près de moi. Aucun mot ne sortit de sa bouche pendant un long instant; instant pendant lequel je ne cessai de pleurer bien que sa main sur mon dos me faisait un des plus grands biens du monde. Je ne méritai clairement pas une fille comme elle, alors à quoi bon m'y attacher ? A quoi bon essayer tant bien que mal de l'avoir ? Je ne pouvais pas être aussi égoïste que ça et la forcer à m'aimer. Et même si cela me tuait de l'avouer, il fallait la laisser partir. Au moment où j'allais me relever pour enfin retourner à ma maison; Eleanor me lança :
« Tu... tu veux pas rentrer ? On sera... mieux à l'intérieur... »
Elle semblait hésitante et avait toutes les raisons au monde de l'être. Après tout, je venais tout juste de lui faire une crise de colère qui l'avait sûrement ... quelque peu secouée. Et pourtant, elle venait tout juste de m'inviter à retourner à l'intérieur, comme si rien ne s'était passé. Je savais que cette invitation voulait plutôt dire : Tu m'as fait peur, mais je n'aime pas te voir dans cet état là, alors viens te calmer à l'intérieur. Je ne lui répondis pas et me contentai de lever la tête vers elle, de la regarder dans les yeux et de rebaisser la tête une nouvelle fois. Mais sa voix vint une nouvelle fois à se faire entendre :
« Il n'y a personne dans mon dortoir ce soir et... on... faut qu'on parle... et pas... pas comme ça Jules... »
Je fus très surpris - une fois de plus - par ses paroles mais machinalement, je me levai à ses mots, lui tendis ma main qu'elle serra, la fis lever puis l'emmenai par la main dans la maison. Aucun de nous deux n'ouvrit la bouche; et une fois arrivé devant la porte de son dortoir, je lâchai sa main et ralentis le pas afin de la laisser marcher devant. Elle entra dans la pièce et se retourna pour voir si je la suivais bien. D'un geste de la main, elle m'invita à m'asseoir sur son lit en esquissant un sourire, un très léger sourire qui était presque ... forcé. Je la fixai alors, mes yeux noirs plongés dans les siens, et restai le visage figé comme pour lui faire comprendre que je ne voulais pas m'asseoir. Elle s'assit sur son lit, les yeux rivés sur le sol tandis que je me plaçai en face d'elle, debout, les bras croisés. De longues secondes défilèrent avant qu'un de nous deux prit la parole.
« Tu ... Tu voulais parler ... Alors, je t'écoute Eleanor. Dis moi ce que tu veux me dire et ... qu'on en finisse. »
Lui dis-je en essuyant les quelques larmes qui avaient coulées sur mon visage tout en soupirant. Cela semblait presque arrogant de ma part de lui parler sur ce ton mais j'étais réellement épuisé par la situation. Nous l'étions tous les deux.
Eleanor leva alors la tête vers moi, comme étonnée par mes propos; elle ne s'attendait sûrement pas à ce que je parle en lui demandant à son tour ... de parler. Lorsqu'elle leva la tête et me plongea ses yeux verts dans les miens; je poursuivis :
« Je ... Pour ma part, j'estime avoir beaucoup trop parlé. J'en ai trop dis, Eleanor. C'est ton tour. Je t'écoute. »
Eleanor semblait de plus en plus hésitante et n'osait rien dire. J'hésitais à mon tour à me mettre à ses côtés et à la serrer très fort dans mes bras tout en l'embrassement passionnément ou à ne rien faire, et resté planté là. Mais j'attendais sa réaction avant de faire quoi que ce soit. Tout dépendait d'elle; et quelque chose me disait qu'elle ne voulait pas réellement ... discuter, ce qui, je l'avoue, ne m'enchantait pas non plus.

Jules ne répondait pas à ma question, et je me disais qu'il allait sécher ses larmes et finir par s'en aller, ignorant mon invitation. Un sentiment de déception me frappa lorsque je le vis se lever. Je pensais vraiment qu'il allait partir, puis finalement, Jules me tendit la main, que je saisissais rapidement pour ensuite entrer dans la maison. Le chemin jusqu'au dortoir fut marqué par un énième silence... A vrai dire, je commençais tout juste a réaliser ce que je venais de faire. Je venais d'inviter Jules, dans mon dortoir, pour que nous puissions discuter calmement. Mais en réalité, je savais parfaitement que c'était à moi de m'exprimer, d'expliquer mon comportement et malheureusement, j'allais devoir révéler mes sentiments. Jules, lui, avait déjà courageusement tout dit, même le plus déplaisant. Je me devais de faire pareil. J'ouvrais donc la porte, me tournant pour vérifier si Jules me suivait bien, puis je refermais la porte une fois entrés. Poliment, je lui proposais d'un signe de la main de s'asseoir sur le lit à mes côtés, mais il refusa. Je baissais la tête, terriblement mal à l'aise. Jules venait de se planter devant moi, je le voyais mais j'étais incapable de le regarder. Le ton qu'il emprunta en rompant le silence me fit relever la tête, un air étonné affiché sur mon visage. En levant la tête, je découvrais un visage figé, un regard dur et une moue sérieuse... C'était la première fois que je le voyais aussi sérieux, sans être en plus effrayant. Me voilà déstabilisée... Il dû insister pour que j'ouvre enfin la bouche. Je respirais profondément, et quittant mon lit, je me mettais face à lui.

« Tu veux que je parle... Très bien... », j'avais lutté pour sortir ces quelques mots. J'avais terriblement peur de parler de mes sentiments à Jules, parce que je me sentais faible et que je n'avais jamais vraiment aimé parler de ce genre de choses. Je passais ma main dans mes cheveux, nerveuse et un peu intimidée par son regard qui se faisait lui aussi insistant « Je sais même pas par où commencer. ». Je me tus quelques secondes avant de me lancer « Le soir où tu m'as embrassée, j'ai... j'ai ressenti quelque chose... ». Je roulais des yeux avant de baisser la tête, plus que gênée d'avoir osé dire ça. Je poursuivais, toujours la tête baissée « ... quelque chose de bizarre. ». Je laissais échapper quelques larmes avant de relever doucement la tête, pour plonger mon regard dans le sien « Jamais personne ne m'a aimé comme toi... et c'est bien trop... nouveau et bizarre pour moi, tu vois ? Personne n'a jamais tenté de me connaître vraiment, de s'attacher à moi et de ressentir des choses aussi fortes... ». Je détournais le regard, serrant les mâchoires, sentant une sorte de haine à l'idée de prononcer les quelques mots qui suivirent « Pour la première fois de ma vie, j'ai peur ! Je suis bien obligée de l'avouer ! Je suis FAIBLE et j'ai peur, Jules ! ». Je serrais les poings avant de m'éloigner de lui, profondément énervée... Je laissais couler des larmes mélangées de tristesse et de haine « Personne n'a jamais pu me déstabiliser, PERSONNE ! Et toi, tu entres dans ma vie... Et avec... avec ton air de chien battu, ta voix entêtante, tes larmes, ton baiser... T'as... t'as tout ruiné. Tout ce que je m'étais efforcée de construire, tout ces murs autour de moi, pour éviter de me faire avoir encore une fois, toi, sans que je m'y attende, t'as tout foutu en l'air... ! ». Je le regardais froidement, la tête haute, légèrement méprisante. Je lançais, un bref instant avant que mes sanglots ne me nouèrent de nouveau la gorge « Et maintenant, regardes où j'en suis... Où on en est... ». Je m'asseyais au pied de mon lit, tournant le dos à Jules. Je reprenais un peu mon souffle, n'osant plus me tourner pour continuer, sachant parfaitement que j'allais devoir lui dire ce que je ressentais vraiment pour lui...

Je fus très surpris par les paroles d'Eleanor. Je m'attendais à tout, sauf à ce qu'elle venait de me dire. Moi, le petit perturbé sans amis, parvenait donc à lui seul à la déstabiliser, elle, Eleanor Callaghan ? Je n'en croyais pas mes oreilles. C'était donc ça, ce qu'elle se tuait à me cacher. Bien qu'une multitude d'interrogations se bousculaient dans ma tête, je ne pensais qu'à une chose; une chose qui venait à présent de se confirmer : je ne lui étais pas indifférent; c'est pourquoi, après ses dires, je ne pus m'empêcher de sourire légèrement. Elle ne l'avait pas encore dit, mais c'était pour bientôt. D'une certaine manière, j'admirai tellement l'effort qu'elle avait réalisé en m'avouant toutes ces choses que je ne pouvais m'emporter après la petite crise qu'elle venait de faire. J'avais pourtant envie de crier, de devenir violent, de lui dire qu'après tout ce qu'elle m'avait fait subir, après toute la peine qu'elle m'avait causé, au final, il s'avère que j'avais raison sur toute la ligne et qu'elle avait bel et bien apprécié mon baiser et puis surtout ... qu'elle ressentait bel et bien des choses pour moi. Mais je ne fis rien de tout ça; non, à la place, je vins à m'asseoir près d'elle et, alors qu'elle me tournait le dos, je commençai à lui caresser le dos à mon tour tout en lui susurrant à l'oreille :
« Vas y, Eleanor. Tu peux le dire. »
Je pris sa tête entre mes deux mains, essuyant les quelques larmes qui avaient perlées sur ses joues et, les yeux rivés sur ses lèvres, lui dis :
« Dis le, Eleanor. S'il te plait. »
C'est alors que je vis ses lèvres s'entrouvrirent légèrement comme si Eleanor voulait formuler quelque chose et, pourtant, aucun son n'en sortit. Elle me regardait avec une espèce d'air désolé de ne pouvoir rien dire; enfin, de ne pas pouvoir dire ce que j'attendais. C'est précisément à ce moment là que je m'avançai lentement vers elle, fermant délicatement mes yeux et approchant mes lèvres des siennes. A quelques millimètres de ses lèvres, je m'arrêtai soudainement comme si une once d'hésitation m'atteint puis, continuai et vins déposer un tendre baiser sur les lèvres rosées d'Eleanor. Ce baiser dura beaucoup plus longtemps que le précédent et fut très tendre. Quelques secondes après, je me dégageai et rouvris les yeux en reprenant d'une voix douce et à peine audible :
« Dis moi que tu m'aimes. Dis le, que tu es amoureuse de moi. »

Cette fois-ci, je n'avais même pas appréhendé la réaction de Jules suite à ma petite crise. Et j'avais bien fait, car Jules ne dit mot. Il vint même me caresser le dos pour me calmer; je soufflais doucement, soulagée qu'il vienne vers moi. Perdue dans mes pensées, je n'avais même pas entendu ses paroles. Je réfléchissais déjà à ce que j'allais dire, comment j'allais m'y prendre... Je tentais de me donner du courage, tentant de dire à ma fierté d'aller se faire voir et de me laisser m'exprimer un peu. J'avais peur de révéler mes sentiments, mais j'avais également peur de perdre Jules, alors il fallait que je fasse un choix. Je penchais légèrement la tête lorsqu'il prit ma tête entre ses mains, fermant les yeux un court instant. J'observais ensuite ses pouces essuyer délicatement mes larmes... Je me demandais comment la scène de tout à l'heure avait pu avoir lieu, tellement Jules était adorable à cet instant. « Dis le, Eleanor. S'il te plait. », lançait-il d'une petite voix affreusement craquante. J’entrouvrais les lèvres pour tenter de lui dire, mais aucun son ne parvint à sortir. Je fronçais les sourcils, le fixant avec un air désolé. Je n'y arrivais pas... Est-ce-que j'allais enfin réussir a me mettre en danger, mettre l'état de mon cœur en péril, ravaler ma fierté et le lui dire... Je n'en savais strictement rien. Et là... Jules se rapprocha de moi, mon souffle se faisait court, j'imitais Jules, me rapprochant lentement moi aussi. Après une courte hésitation, les lèvres de Jules vinrent se poser sur les miennes, délivrant un long et tendre baiser. Je sentis, à ce moment précis, mon cœur tambouriner contre ma poitrine et j'eus réellement, et pour la première fois, ces fameux papillons dans le ventre. Nous nous séparions lentement, juste assez pour que je puisse plonger mon regard dans le sien. Je sentais mes joues chauffer... Voilà que je rougissais, bravo. Allez, lance toi, Eleanor, c'est maintenant ou jamais... Je posais ma main sur sa joue « Jules... Je crois que... ». Je fis une petite pause, sentant le moment approcher, j'étais terriblement nerveuse. Je caressais sa joue avec mon pouce, et avec un petit sourire timide sur les lèvres, je lâchais enfin, dans un élan de courage « ... Je suis amoureuse de toi. ». Je passais ma main derrière sa nuque, pour l'attirer doucement vers moi et le prendre dans mes bras, pour pleurer, une fois de plus. Je venais de m'ôter un poids énorme, bien qu'un bon nombre de craintes se faisaient encore ressentir. Je le serrais contre moi en murmurant dans un sanglot « je suis perdue... », parce que oui, je suis amoureuse mais... tout n'est pas rose pour autant dans notre situation...

« ... Je suis amoureuse de toi. »
Voilà les seuls mots que j'entendis. Seulement cinq mots et pourtant, ils me suffisaient amplement. C'était tout ce que j'avais espéré et tant attendu après toutes ces années, après toutes ces disputes et après toutes ces larmes versées. J'étais enfin soulagé et, relâchant les épaules, je soufflai comme si j'avais enfin obtenu ce que j'avais désiré toute ma vie. C'était donc ça, l'amour ...
Je posai alors délicatement ma main sur sa joue, une nouvelle fin, et lui dis, les larmes aux yeux :
« Tu ne peux pas savoir à quel point j'avais attendu ce moment. J'ai attendu que tu me dises ça depuis ... depuis notre rencontre. J'en ai rêvé, encore et encore ... Je ... J'allais abandonné. J'allais t'abandonner Eleanor et te laisser tranquille mais ... Mais cette voix en moi; celle qui me répétait sans cesse que ce moment arrivera m'empêchait de le faire. J'ai ... J'ai finalement bien fait. »
Finissais-je en souriant. J'étais ... tellement heureux, que je n'entendis pas la suite de sa phrase. Pour être honnête, je n'en avais strictement rien à faire car après ce qu'elle venait de dire, j'avais l'impression d'avoir comme ... réussi ma vie; j'étais comblé. J'étais tellement heureux que j'avais presque envie de me lever et de me mettre à crier, les bras levés : HALLELUJAH! J'étais comme hystérique à l'idée de savoir qu'elle soit amoureuse de moi et qu'elle puisse le dire à haute voix. Il s'agissait d'Eleanor tout de même; le genre de fille qui intériorise tout et qui ne laisse rien paraître aux yeux de tous. C'était cette fille qui, quatre ans plus tôt, m'avait presque humilié et était tellement arrogante que je manquai plusieurs fois de la gifler. Et en ce jour, c'était tout simplement Eleanor, la fille qui me comblait le plus au monde et celle dont j'étais fou amoureux. Je suis sûr que si j'avais réellement été fou et si on m'en avait donné la possibilité, je lui aurais demandé sa main sur le champ. Etant très rancunier, j'avais l'impression d'avoir été littéralement transformé et de lui avoir tout pardonné. Tout ceci pour cinq mots; seulement cinq mots et pourtant, ils étaient les précieux à mes yeux. Ils valaient sans doute toutes les conversations que j'avais entretenues jusqu'à présent; tous les livres que j'avais lus et tous les choses que j'avais écrites. C'était comme si mon passé venait d'être balayer et que je ne voyais plus que le futur, à présent. As long as she loved me, plus rien n'avait d'importance à mes yeux désormais; tout n'était plus que du vent.
Cependant, bien que j'étais à ce moment là sûrement le plus heureux des hommes; Eleanor semblait ... bouleversée et préoccupée. C'est d'ailleurs devant sa mine triste et confuse que je repris mes esprits et me tournai vers elle. Je la pris dans mes bras et pour la rassurer, lui dis d'un ton sûr et profond :
« Ne t'inquiète pas. Maintenant que tu l'as dis, tout ira bien. Tu verras Eleanor. Maintenant, tout ira bien. Je te le promets. »
Je finis mes propos en déposant un léger et tendre baiser sur son front avec un air très protecteur. Je la serrai alors davantage et commençai à la bercer, comme si elle était la chose à laquelle je tenais le plus au monde. Et c'était après tout, ce devait sûrement être le cas...

Je posais ma main sur la sienne, et je l'écoutais attentivement. Son visage s'était illuminé, ses yeux laissaient couler des larmes de joie, et son sourire était simplement magnifique. En le voyant ainsi, je lui fis un grand sourire tendre. Je me rendais compte que depuis longtemps je ressentais quelque chose pour lui... Ou plutôt, depuis longtemps, j'étais amoureuse de lui mais j'avais refusé de me l'avouer. Je parvenais a refouler mes sentiments auparavant, mais notre relation avait tellement évoluée qu'il était devenu impossible de faire semblant et de me voiler la face plus longtemps. C'est en réalisant tout ça, que je cessais de me rendre malheureuse avec de tristes pensées, et je me disais qu'il fallait désormais que je profite du moment présent... Je venais enfin de lui dire, j'avais osé... Et j'étais heureuse, vraiment. Je me sentais mieux, grâce à ses paroles, preuve qu'il pouvait aussi bien être effrayant, et plus que rassurant. Je me laissais bercer, me blottissant contre lui. Quelques secondes plus tard, d'une petite voix, je disais « Je te garde ce soir... ». Fermant la porte de la chambre, j'étais ensuite allée le rejoindre sur le lit pour m'allonger à ses côtés. Je passais son bras autour de moi, tenant sa main, collée contre lui, un sourire aux lèvres impossible a effacer... C'est curieux et... agréable, l'amour...