T’es pas le genre petite fille bien sage. Enfin, tu ne l’es plus. Dans la vie, il y a parfois des événements qui vous changent. C’est ce que tu as eu, ce que tu as vécu. T’es pas devenu cette fille je m’en foutiste pour rien, comme ça d’un coup. Non, du tout. Parce qu’avant, t’étais le genre fille idéale, qui met des petites robes, qui fait les courses avec sa maman, qui adore son papa, qui fait tout avec eux, qui aime sa petite sœur, qui balade son chien dans les rues calmes du patelin où elle a grandit. Sauf que t’as pas pu y grandir dans ce patelin. On t’a arraché ton enfance, ta joie, ta vie.


« Mon trésor, où es-tu ? » demande la douce voix de ta mère. Un petit gloussement secoue ton corps alors que tu es cachés sous le canapé beige crème de votre salon. « Ah ! je t’ai trouvé ! » crie-elle en soulevant la couverture qui cachait ton petit corps. Tu lui sautes dans les bras, un sourire aux lèvres, et elle te colle un énorme baiser sur le front. « Allez, maintenant, on va cuisiner, tu m’aides ? » Du haut de tes 6 ans, tu descends des bras de ta mère et de son étreinte, et files vers la cuisine. « Oh ouiii ! » Tu adores cuisiner, surtout avec ta maman chérie. Tu l’aides, tu prends des plats, tu laves les légumes, mais tu peux pas toucher aux couteaux. Tu es debout sur une chaise, à coté de ta maman, et de son énorme ventre. Soudain, la porte d’entrée s’ouvre, et la voix forte de ton père résonne dans toute la maison. « Où sont mes femmes chéries ? » Tu cours hors de la cuisine vers l’entrée, dans un cri. « Papooooounet ! » il t’attrape au vol, et te fait tourner dans les airs avant de te serrer contre lui, et de marcher vers la cuisine, où se trouve ta mère. Il l’embrasse, et se penche vers son ventre gonflé. Tu vas bientôt être grande sœur !


Tu as maintenant 9 neuf, tu es grande sœur depuis trois ans, et tu adores ta petite sœur, parce que c’était d’une petite fille que ta maman était enceinte ! une adorable princesse normée Madeline. Elle te ressemble un peu cette petite, blonde, bouclée, adorable. Et à ton papa et ta maman aussi, évidement ! Vous êtes la famille parfaite, le genre de famille qu’on voit dans les séries, qui s’aime, qui fait pleins de trucs ensemble, qui rit, cuisine, se promène, joue dans le jardin,e t passe leur journée ensemble,… mais toute cette belle vie, ce beau rêve prend subitement une autre tournure.


« Un merveilleux anniversaire princesse ! » souffle ton papa à ton oreille pour te réveiller. Ensuite tu sens une présence dans ton lit, et Madeline, ta petite sœur se met à te coller des bisous mouillés sur ta joue. « Joyeux nanniverzaiiiire grande zoeur ! » dit-elle de sa voix d’enfant. Et enfin, une bonne odeur de gâteau au chocolat entre dans ta chambre en même temps que ta mère, qui elle aussi te souhaite un bon anniversaire. Dix bougies brillent sur le gâteau, et tu souffles d’un coup ces dix petites flammes, faisant le vœux que ce soit une journée mémorable. Ce fut le cas…
A 10h30 tapante, toute la petite famille, y compris Lemon, votre golden retriever, monte dans la voiture. La musique à fond, vous chantez tous en chœur des vieux tubes qui vont ont bercés Madeline et toi. Vous allez passer la journée à la mer, et vous revenez durant la nuit, comme tu avais demandé. Tu adores la mer, et puis, ta petite sœur aussi, et c’est agréable quand il fait un temps pareil. Vous arrivez là-bas vers midi, l’heure de manger. Vous allez dans un restaurant au bord de l’eau, et vous commandez à manger, vous profitez de votre repas, et vous recevez des glaces comme desserts. Ensuite vous allez vous baignez, puis vous jouez à la balle, avec ton père, pendant que ta maman prend quelques clichés de cette journée. Vous revenez vers la voiture alors qu’il est déjà neuf heure du soir. Madeline dort dans les bras de ton père, et toi, tu bailles à t’en arracher la mâchoire. Vous roulez, mais la nuit tombe très vite. Le sommeil te gagne, et tu entends quelques jurons de ton père, mais tu n’y prêtes pas attention. « Oh merde, c’est pas pratique ça ! » ta mère souffle beaucoup. Les rues ici, sont des rues dangereuses, surtout de nuit. Il faut monter toute une colline pour quitter la plage, et enfin arriver sur l’autoroute, et de nuit, avec ces ténèbres qui sont tombées à une allure trop rapide, ce n’est pas chose aisée. Au contraire. Soudain, un klaxon retentit. Le choc ne se fait pas attendre. Collision frontale, le monospace de ton père fonce dans le flanc de la colline, tu te réveilles en sursaut, apeurée par le cri de ta mère, les pleurs de ta sœur, et les jurons de ton père. Puis soudain, le choc avec le bloc de pierre qu’est la colline. trou noir. Tu es là, sans en avoir l’impression, tu as l’impression de planer. Tu as mal, tu as froid, tu entends des bruits d’ambulance, des cris, et soudain, on te transporte. Tu t’enfonces dans le coma.


Tu te réveilles trois semaines après cet accident. Tu cherches le visage radieux de ta maman. En vain. Celui de ton papa. Pareil. Et même celui de Madeline ; toujours pareil. Tu n’entends pas les aboiement de Lemon. Tu questionnes d’une voix rauque les infirmières, et personne ne te répond. Un médecin barbu arrive soudain dans ta chambre. Il te fait peur, il est grand, vieux. « Ecoute ma puce. » commence-il. Mais de quel droit il t’appelle comme ça lui ? Il poursuit cependant, sans se rendre compte de ce que tu penses. « Tu as eu un accident avec tes parents, et ta petite sœur. » tes yeux le voient sans le voir. « Et Lemon, il était là aussi Lemon ! » chuchotes-tu de ta petite voix d’enfant. « Oui il était là, oui. Mais ce que je veux dire c’est que.. vous avez eu un accident, et que… tu es la seule qu’on a pu sauver. » tu comprends pas. Tu veux pas comprendre, tu peux pas comprendre. Tu as 10 ans, et te voilà orpheline ?! Tes yeux brulent, mais aucune larme ne coule. Un cri perçant sort de ta gorge, et tu tapes contre les coussins de ton lit, contre le médecin qui est assis à tes cotés. Tu ne peux t’arrêter. On vient de tout t’enlever. Les médecins doivent te donner un calmant, et tu te sens repartir. Tu ne veux plus revenir… mais tu n’as pas le choix, tu te réveilles. Tu te réveilles toujours. Sans jamais réussir à les rejoindre. Maintenant, tu arrives à pleurer, et tu ne fais plus que ça. Durant des semaines, tout le temps de ton hospitalisation. Enfin, tu peux sortir de cette chambre blanche et nickel. Une gentille dame vient te chercher. « Coucou, je suis Myriam, je fais partie de l’orphelinat de Jersey, et je viens te chercher. » sa voix douce t’apaise. Elle te fait penser à ta maman. Tu hoches la tête, prête à l’écouter. Prête à écouter calmement quelqu’un pour la première fois depuis deux mois. Depuis l’accident. « On va aller à Jersey, tu vas voir, c’est très beau, c’est calme. Ce n’est pas loin d’ici, et je suis certaine que tu vas beaucoup t’y plaire. Il y a beaucoup de fleurs là-bas, c’est très agréable, tu verras. » tu l’écoutes silencieusement. Elle te parle tout en faisant tes affaires. Tu la suis en dehors de l’hôpital, jusqu’à sa voiture. À la vue de la voiture, ton cœur se serre, et quand tu t’en approches, des larmes coulent. Mais tu y montes sans résistance.


Tu arrives dans cet orphelinat. C’est pas joyeux faut dire. Que des enfants seuls. Qu’ils soient abandonnés, ou orphelins, comme toi. Tu sais que personne ne t’adoptera jamais. Tu as dix ans, tu es grande, et tu as une histoire tragique. Tu ne te fais pas de faux espoirs. En revanche, là-bas, tu finis par te faire des ‘amis’. Cependant, tu restes très secrète, sélective dans ton cercle d’amis, et assez chienne avec les autres. Ta façon à toi de vivre ce deuil. Même si tu n’es encore qu’une enfant, tu ne te comportes plus comme telle. Tu as vécu des choses que la plus part des adultes ne vivent jamais, ça t’as poussé hors de ce cocon. Cependant, t'aimes Jersey. Ce n'est pas si différent de ton ancienne ville, et c'est vrai qu'il y a pas mal de fleurs, comme le disait Myriam. Elle, tu la vois souvent, elle t'aide, et tu l'apprécies beaucoup. surtout parce qu'elle te fait énormément penser à ta maman. A l'orphelinat, tu ne parles pas de tes parents, de ta soeur, de ton chien. tu ne dis rien sur ton passé. ils savent juste que t'es orpheline. point à la ligne.


Mais les années passent, et tu n'es plus la petite Paris (on dit Parice ouai, le s se prononce!) Non, tu te fais appelé par ton deuxième prénom, Jezabel, et tu as changé. Le drame, durant ton enfance, tu l'as vécu seule, tu l'as accepté sans rien dire, sans broncher. sauf que ton adolescence te fait tourner assez... mal. enfin pas mal mal. tu t'amuses pas à foutre le feu à des baraques, à tuer des gens ou quoi, mais tu fais des bêtises. tu commences tôt, à 13-14 ans, avec des autres 'enfants' de l'orphelinat. Vous fuguez, vous fumez en cachette. enfin ce genre de trucs. pour commencer. puis vers 15 ans, tu remarques le regard des hommes. ça te plais de te sentir désirée, et soudain, tu en joues. beaucoup. beaucoup trop. tu vas en cours dans des tenues peu appropriées pour des cours, tu aimes charmer un peu tout le monde. bref, tu fais un peu ta salope, on peut le dire.


Et les années passent encore, et tu entres à l'université. T'aimes ça, parce que tu quittes l'orphelinat. c'est comme une bénédiction pour toi! là-bas tu t'es mise à étudier la psychologie. choix étrange, mais ça te passionne. tu fais en dehors des cours, beaucoup de peinture, tu adores ça, et tu es très douée. Mais tu n'as pas changée... Tu t'amuses encore avec les garçons, allant même jusqu'à draguer des profs. 'bah quoi, c'est des hommes comme les autres!' répliques-tu. bref, tu fais tout pour ne pas t'ennuyer, tout pour te changer les idées. tu vis ta vie à fond, tu t'en fous des conséquences, dans le pire des cas, tu meurs alors bon. la mort, ça te fait pas peur. pas à toi. et tu aimes parfois la frôler. le gout du danger, voilà qui te fait frémir de plaisir, l'adrénaline qui coule dans tes veines, tu en es devenue accro.