rêvons le monde, menons la fronde.
Depuis ce fameux jour j'étais complètement perdue. J'avais croisé ce gars qui disait s'appeler Damen et qui disait me connaître. Jade m'appelait-il. Et puis, quand j'ai voulu comprendre, quand j'ai voulu savoir pourquoi il m'appelait de cette façon, il pris peur et pris la fuite. Il n'a jamais voulu me répondre et il me considérait presque comme.. un fantôme. J'avais besoin de savoir, j'avais besoin de comprendre. Son visage me hante depuis des jours, ce visage apeuré, ce visage complètement déboussolé. En me voyant, Damen avait été complètement perdu et je ne savais pas pourquoi. Peut-être était-ce lié à ma carrière, peut-être était-ce simplement moi qui lui faisait peur? Mais pourquoi? Je voulais le découvrir. Et comme il n'était pas décidé pour m'en parler, je l'ai suivi. Je l'avoue, dit comme ça, ça fait un peu voleuse, curieuse et tout ce que vous voulez mais ce n'était pas seulement ça. J'avais besoin de savoir et de comprendre ; je me sentais presque coupable de ne pas le reconnaître et pourtant je n'avais rien fait, rien demandé.

Je me dirigeai donc vers sa maison ou plutôt sa villa. On peut dire qu'il avait les moyens en tout cas, peut-être était-il avec quelqu'un? Peut-être que j'allais me prendre un vent, peu importe. Je voulais connaître la vérité. J'arrive enfin devant sa porte et puis d'un coup je me sens bête, je doute de tout. Qu'est-ce que je fais là au fond? S'il n'a pas envie de m'en parler c'est son droit non? Je n'ai pas à être là et j'ai réellement envie de faire demi tour. Mais je reste là, à observer sa porte d'entrée, à observer son chez lui. Et je me lance enfin, je frappe et j'attends. Il ouvre enfin et avant qu'il ne referme la porte, je bloque celle-ci avec mon pied. J'ai réellement envie de savoir. Attendez ! J'ai vraiment besoin de vous parler. dis-je en fronçant les sourcils. Il m'évite et je ne sais pas du tout pourquoi et c'est bien la première fois que ça m'arrive. Je le regarde, le regard insistant. J'en ai pas pour longtemps, je peux entrer s'il vous plaît?

rêvons le monde, menons la fronde.
Je me souviens encore de ce fameux jour. Jour où mon quotidien a basculé. Le moment est peut-être un peu fort mais l’image de Damen me hante depuis ce jour-là. Je n’ai jamais compris ce qu’il me voulait, je n’ai jamais compris pourquoi il ne cessait de m’appeler Jade. Et j’ai cherché à comprendre, à maintes reprises. Mais le beau brun à toujours daigner m’en parler. Sujet trop personnel ou il n’arrêtait pas de me répéter que je savais de quoi il parlait. Alors qu’au fond, j’étais totalement perdue. J’étais venue chez lui, dans l’espoir d’enfin pouvoir comprendre. Comprendre qui est Jade, comprendre pourquoi il me confond avec elle et comprendre pourquoi il me repousse sans cesse. Après tout, il aurait pu simplement m’expliquer et je l’aurais lâché, mais non, il s’obstinait à m’éviter. Alors j’avais fini par trouver sa maison et je m’étais enfin décidée à aller sonner à sa porte. Accueil des plus chaleureux n’est-ce pas. Il n’avait pas l’air très heureux de me voir et alors qu’il s’apprêtait à fermer la porte, je la retins avec mon pied. Son étonnement fut des moindres, comme si il s’y attendant. « Est-ce que j'ai le choix ? » Je fronce les sourcils. Bien sûr qu’il a le choix, je ne vais pas m’introduire chez lui comme ça sans qu’il me donne son approbation. Mais ça, il a l’air de l’ignorer. Bah oui, au fond, il ne sait rien de moi à part cette idée folle que je pourrais être Jade, il ignore tout de moi. Je baisse la tête, un peu gênée d’être si intrusive. J’en aurai pas pour longtemps, promis.

Et finalement, j’entre chez lui, sans trop oser avancer. Je me retourne lorsque j’entends à nouveau sa voix et pose mon regard sur lui. C’est un bel homme, il n’y a pas à dire. « Vous vouliez me parler... De quoi ? » Bonne question. J’étais venue, j’avais répété un texte en pensant le déballer devant lui d’une traite mais ça n’était pas si simple. J’aurais pensé avoir plus facile à tout lui dire mais là, devant lui, j’étais littéralement bloquée. J’enchaînai plusieurs « euh » et puis, décidai de me lancer. Il était peut-être temps de le questionner, mes questions étaient légitimes après tout, non ? Même si j’avais cette terrible impression de m’immiscer dans sa vie, sans trop savoir pourquoi. Vous m’avez interpellé sous le nom de Jade… J’aurais voulu savoir pourquoi… C’est intriguant vous ne trouvez pas ? Peut-être que ça ne me regarde pas, peut-être que vous ne voulez plus me voir mais j’ai envie de savoir pourquoi depuis des jours. Alors… me voilà. S’il vous plaît, j’ai besoin d’une explication. Je ne suis pas cette Jade… D’ailleurs j’ai oublié de me présenter. Sahara. dis-je en lui tendant la main, sans même être sûre qu’il la saisira.

« Damen. » Alors c’était donc ça son prénom. C’était le prénom du gars chez qui je suis et je ne le savais même pas. Pourtant, j’aurais dû le voir sur la boîte aux lettres mais je n’y avais même pas prêté attention, trop anxieuse par la suite. La suite étant, ma rencontre avec lui. Je devais savoir et surtout, je voulais savoir. J’en avais besoin sinon ça allait tourner et retourner dans ma tête pendant des jours voir même des mois. J’avais enfin trouvé son adresse et avais osé sauté le pas. Oui, ça peut faire bizarre dit comme ça, on pourrait penser que je suis une psychopathe mais pas du tout. J’avais juste besoin de comprendre et je pense qu’au vue de la réaction de Damen lorsqu’il m’a croisé, c’était légitime. Mais tout paraissait compliqué d’un coup, qu’allais-bien pouvoir lui dire ? Je n’en savais rien à vrai dire. Je souris lorsque le jeune homme ajoute qu’il ne fait jamais bonne impression la première fois. Un peu comme moi à vrai dire. Même si je peux paraître filles gentille, dès que j’ouvre la bouche, ça change l’opinion de pas mal de gens. Alors, au moins là-dessus on pouvait s’entendre. C’est un bon départ, non ? « C'est... compliqué. Je... C'est difficile à expliquer. Jade c'est... c'était... » Je soutiens son regard comme pour lui donner du courage, comme si j’étais à sa place pour parler. Il avait sans doute besoin d’insistance car vu la tête qu’il faisait, ça ne semblait pas simple à dire. Mais à quoi avais-je pensé en venant chez lui comme ça m’invitant presque dans sa vie ? Je n’avais pas pensé à toutes les conséquences que pouvaient avoir mes questions sur Damen, encore une fois je n’avais pensé qu’à moi. Puis, je remarquai au loin, une chaise d’enfant dans la cuisine mais ne m’attardai pas dessus. Trop de questions reviendrait à envahir sa vie et ce n’est pas ce que je veux. Je veux simplement savoir pourquoi me parle-t-il sans cesse comme si j’étais Jade. Je l’écoute attentivement et baisse la tête en entendant la suite. Je comprends mieux pourquoi c’était si compliqué pour lui d’en parler. Sa femme. Décédée. Il ne m’en faut pas plus. Je ne sais plus quoi dire mais m’excuser le mettrait sans doute en rogne non ? Est-ce que ce n’est pas ce que je cherchais ? La vérité ? Je me décide enfin à lui répondre et me racle la gorge. Oh… je ne savais pas. Bien sûr que non je ne savais pas. J’ai limite envie de me frapper la tête contre le mur pour me rendre compte à quel point je peux être stupide parfois. Mais malgré tout, Damen continue et admet enfin que ma ressemblance avec Jade est flagrante. Et pour terminer, il se dirige doucement vers une photo. Jade sans doute ? J’hésite puis avance vers lui, toujours un peu hésitante. Et quand mes yeux croisent la photo, je crois me voir. Je ne comprends pas. Mes jambes croulent presque sous moi et je dois me retenir au mur pour rester debout. Mon visage se transforme et j’ai une boule à la gorge. On dirait réellement moi. Je ne comprends plus rien…Comment est-ce possible ? C’est impossible… j’ai été adoptée et j’étais seule à la naissance enfin j’imagine. dis-je en n’osant même pas croiser le regard de Damen. Et rassurez-vous, vous n'êtes pas fou. Je comprends mieux maintenant.

Jade, Sahara. Sahara, Jade. Quelque chose n'allait pas. Cette histoire n'était pas claire, pas normale, trop compliquée pour Damen. Il ne voulait pas chercher à comprendre. Non, il voulait savoir mais sans avoir à y réfléchir. Si seulement Sahara avait pu lui apporter la réponse... Mais elle semblait aussi perdue que lui. Si pas plus. Elle sourit lorsqu'il fit remarquer qu'il ne faisait jamais bonne impression la première fois. Pas forcément que la première fois, d'ailleurs. Disons qu'il n'avait pas, plus, le chic pour faire des entrées remarquées, appréciées, théâtrales,... Bref, il n'était plus l'Apollon fêtard et cetera qu'il était deux mois plus tôt. Jade en était la cause. Il l’aimait, et il lui en voulait. Il lui en voulait de l'avoir abandonné, d'avoir abandonné Lily, de leur avoir imposé cette vie sans elle, cette demi-vie pour Damen, cette vie sans modèle féminin pour Lily. Une part de lui lui en voudrait toujours. Une autre voulait lui pardonner, se dire qu’elle n'en pouvait plus. Par sa faute. Il n'avait pas écouté, il ne l'avait jamais écoutée. Elle lui avait dit ne pas vouloir d'enfants, il lui avait dit en vouloir. Ils en avaient eu. Elle lui avait dit avoir besoin de lui, il lui avait dit vouloir poursuivre ses études. Il les avait poursuivies. Elle avait accepté mais, en y repensant, pas de gaieté de coeur. Pour lui faire plaisir. Toujours. Qu'avait-il fait pour elle ? Cette pensée lui venait souvent à l'esprit, qu'avait-il fait pour elle. Qu'ai-je fait pour elle... Et la réponse lui venait également. Rien. Il fallait se rendre à l'évidence, elle avait fait une tonne de concessions et lui aucune. Il voulait vivre à Jersey, il voulait un enfant, il voulait ses études, il voulait cette maison à Jersey Beach, il voulait tellement de choses. Trop. Il en avait oublié les envies de Jade. Égoïste et idiot, bravo Damen ! Damen se mit à expliquer, avec difficulté, ne sachant pas trop par où commencer, que dire exactement. Puis il se lança, au début cela fut presque incompréhensible.Cela se clarifia et il évita de regarder Sahara dans les yeux, il évita de la regarder tout court. Pour qu'elle ne perçoive pas son malaise, pour ne pas lire le pitié, la gêne dans ses yeux. Pour tout et pour rien. « Non, vous ne saviez pas... » Il sourit presque. Elle ne savait pas... On ne savait pas, c'était mieux comme cela. On ne se posait pas non plus la question, ce qui était mieux. Pour le première fois de sa vie, Damen n'avait pas le moindre besoin ou envie d'attention. Percevant les pas de Sahara dans son dos, Damen se prépara au choc. A son choc à elle. Si Jade n'avait pas Lily dans les bras, Lily que Sahara n'avait jamais vue de sa vie et donc encore moins tenue dans ses bras, elle aurait pu croire que c'était elle. Damen allait ouvrir la bouche pour lui demander si cela allait lorsqu'elle reprit.... « Vous imaginez mal, sans vouloir vous vexer. En tout cas, je ne vois pas d'explication plus rationnelle. Si vous avez été adoptée, c'est tout à fait possible que vous ayez eut... une jumelle. » Malgré tout, cela lui faisait mal de l'admettre. Car Jade ne lui en avait absolument jamais parlé. Le savait-elle seulement ? Pas pour sa soeur, c'était une chose difficile à savoir, mais pour son adoption... En y repensant, il ne connaissait pas sa famille. Elle s'était simplement dite fille unique, ayant quitté ses parents pour faire ses études à Jersey. Il n'avait pas posé plus de question, pourquoi l'aurait-il fait ?

« Non, vous ne saviez pas... » Non bien sûr que je ne savais pas. Pourquoi est-ce que ça tombait sur moi, maintenant? Je n'avais jamais ressenti le manque d'une sœur et encore moins d'une sœur jumelle alors ça paraissait si... bizarre. J'en ressentais presque le manque à l'instant présent. Et puis, Damen a insisté sur le "c'était ma femme" et non pas c'est. Est-elle partie ? Ou est-ce qu'elle la quitté ? Mais si elle l'avait fait, pourquoi avait-il une photo d'elle et de leur fille accroché au mur. Enfin de leur fille, j'imagine car pour le moment, je n'ai aucunes réponses à mes questions. Est-ce que ça veut dire que Jade a... quitté ce monde ? Je me sens si dépassée par la situation. Si dépassée par le monde qui m'entoure à l'instant présent. J'ai presque peur de regarder à nouveau la photo de Jade. J'ai peur de comprendre ce qui m'arrive. Pourquoi ne m'a-t-on jamais parlé de ma jumelle ? Si seulement elle est... Car jusqu'ici, je n'ai aucune preuve qu'elle le soit. Même si j'avoue que l'idée est presque certaine. Mais je n'ai pas envie d'avoir une jumelle que je n'ai plus. Non, je ne veux pas apprendre que j'ai une jumelle et devoir m'en passer. Je me protège et recule légèrement, ne voulant plus croisé cette photo. C'est trop difficile à encaisser. Oh mon dieu. ça sort comme ça, sans que je puisse l'expliquer comme si je réalisais enfin ce que tout ça voulait dire. Jade était sans doute ma jumelle mais Damen n'avait pas l'air plus sûr que ça. Comment cela était-il possible ? Je veux dire, si Jade a été adoptée il devrait le savoir, il pourrait sans douter m'éclairer alors pourquoi ne le faisait-il pas ? « Vous imaginez mal, sans vouloir vous vexer. En tout cas, je ne vois pas d'explication plus rationnelle. Si vous avez été adoptée, c'est tout à fait possible que vous ayez eut... une jumelle. » Je réponds du tac au tac. Et... Jade... a-t-elle été adoptée? Je viens d'Inde enfin ma mère biologique est décédée à ma naissance là-bas. Est-ce qu'elle vous en a parlé ? demandais-je un peu hésitante. Je me sentais tellement intrusive avec toutes ces questions. Mais je ne pouvais pas faire autrement, c'est quand même une partie essentielle de ma vie. Et si Jade était réellement ma jumelle, pourquoi nous avait-on séparé. Ma jumelle. Ces deux mots résonne dans ma tête comme un écho qui revient sans cesse. Je me tourne à nouveau vers Damen. Je suis si désolée de vous poser toutes ces questions mais j'ai besoin de savoir. On peut peut-être se tutoyer, non? Je réfléchis un instant à tout ce qu'on m'a expliqué en ce qui concerne ma naissance mais jamais le mot jumelle n'est revenu. Pourquoi? Je ne le saurai sans doute jamais. Mes parents ne sont peut-être même pas au courant. Je baisse à nouveau la tête, me retenant toujours au mur.

« Oh mon dieu. » Comme elle disait... De quoi ne plus rien y comprendre. Damen en était devenu fou, et de bien des manières. Fou de chagrin et de douleur face à la perte de sa femme. Fou d'incompréhension face à son geste. Fou de peur en voyant Sahara, le double parfait de Jade. Fou. Et il voyait cette femme, ce fantôme, juste à coté d'une photo de sa femme, lui ressemblant comme deux gouttes d'eau. Elle apprenait qu'elle avait une jumelle, ou l'avait eue. Elle apprenait qu’elle avait eu une jumelle sans pouvoir la voir, sans pouvoir la connaître, sans... Elle était la jumelle d'un fantôme, d'une ombre. Le double parfait d'une femme décédée. Et Damen... Oh, Damen avait perdu la tête depuis longtemps déjà, mais cela dépassait tout. Parce qu'il avait en face de lui la réplique de la femme qu'il avait aimé, épousé, perdu. Les questions lui firent secouer la tête, un sourire triste passa sur ses lèvres. Il ne savait pas. Il ne savait pas et pourtant il aurait tellement voulu pouvoir l'aider. Il savait qu’elle avait besoin de réponses, lui aussi en attendait, mais il se retrouvait incapable de lui en donner. Il avait un début d'idée, des fragments de réponses, mais rien de concret. Rien qui puisse l'aider. Les aider. « En fait... Je ne suis pas beaucoup plus informé que vous. Elle ne m'a jamais vraiment parlé de sa famille, l'ayant quitté pour vernir étudier à Jersey. Je ne les ai jamais vu, pas même à notre mariage. Et... je ne me suis pas posé de questions. Alors peut-être qu'elle a été adoptée, peut-être qu’elle avait une jumelle, je ne peux pas vous aider. » Ce n'était pas faute de le vouloir pourtant. Edwin, de son deuxième prénom, avait besoin de réponses au moins autant qu'elle et il se haïssait de ne jamais avoir été chercher plus loin que le bout de son nez. Détestant son frère et son père, il comprenait qu'on ne veuille pas parler de sa famille, alors il n'avait jamais insisté. Il, aurait dû, parce que Jade était sa femme et que cela le concernait qu'il le veuille on non. Que sa famille devenait sa famille. Leur famille. Passant une main dans ses cheveux, il posa son regard clair sur la jeune femme, il tenta un léger sourire. « Euh, oui, bien entendu. Et je comprends que v... tu aies besoin de réponses, désolé de ne pas pouvoir t'en donner. » Sincèrement, il aurait souhaité tout savoir, tout lui déballer histoire de l'aider, avoir des réponses à ses questions au lieu de lui dire qu'il ne savait pas. Mais la vérité était qu'il était aussi perdu qu’elle, si pas plus.

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