épargnez-moi, tout débloque. (ADONIS+CHARLES)
Le français jette un coup d'oeil à son auto-radio. 08:19. Trop tôt encore. Son ami n'a dit « pas trop tôt » alors il ne peut pas aller le réveiller maintenant. Pourtant, cela fait déjà depuis presque trois longues heures que Charles est là, réveillé, les yeux grands ouverts comme une carpe, incapable de se rendormir. En ce moment, il ne dort quasiment pas, en fait. Impossible. Il rattrape son sommeil seulement à certains moments de la journée lorsque la fatigue le rattrape et qu'il s'écroule de fatigue dans un coin. Il est dans un triste état, le Callaghan. Obligé de ressortir son traitement pour l'hyperactivité, nerveux, angoissé... Ouais, depuis plusieurs jours, il est clair que quelque chose ne va plus. Et il a vraiment besoin d'en parler à quelqu'un qui ne risque pas de l'étrangler. Il finit par se lever. Le dortoir d'Adonis est tout prêt, mais il lui a promit d'apporter de quoi déjeuner. Il se jette sous une douche glaciale pour se réveiller et s'habille ensuite simplement. S'éclipsant du dortoir en espérant n'avoir réveillé personne, il sort du campus en quelques minutes où il se force à marcher calmement et doucement pour prendre le plus de temps possible. Il entre dans le Starbucks, commande deux lots de pancakes et deux grands cappuccino. Il repart avec sa commande, et devant le campus, jette un coup d'oeil à sa montre. 09:13. Bon, c'est déjà mieux, non ? Il sort son paquet de cigarettes et s'en fume une pour se détendre, se permettant ainsi de gratter un peu également sur le temps. À neuf heures trente précises, il rejoint le bâtiment des Zeus, se dirigeant vers le dortoir numéro quatre. Il frappe alors doucement, espérant que le dortoir ne sera pas bondé. C'est pas vraiment le moment de croiser quelqu'un comme Leann par exemple, il sait que c'est son dortoir aussi. Il attend que son ami d'enfance lui ouvre, l'air totalement calme alors que rien qu'à l'idée de confier ça à quelqu'un le fait trembler de l'intérieur. Eh oui, Charles. T'es pas le plus fort, dans la vie, va falloir t'y faire.

sur mon tricycle à roues arrières, j'me barre à l'autre bout d'la terre. aller m'fumer une cigarette, est-ce que t'aurais des allumettes ? pour mettre le feu à leur pays, des molotofs est-ce que ça t'dit ? dis-moi toi est-ce que tu sais, est-ce qu'on va tous au paradis ?

Il sait qu'il peut faire confiance à son meilleur ami d'enfance. Il sait qu'il ne le jugera pas, et il a vraiment besoin de quelqu'un d'impartial. Il sait très bien qu'il doit le dire aussi à Eleanor mais sa réaction risque d'être assez... explosive, disons. Et il n'arrive plus à avancer en portant tout ça tout seul. Comme un gamin, il a besoin de soulager tout ce poids. C'est pas trop tôt, j'avais la dalle moi. Charles sourit. Adonis est unique. Jamais personne ne pourra le remplacer. Désolé, je draguais la boulangère. fait-il en essayant de plaisanter à son tour mais ça ne réussit guère et il cesse d'essayer de jouer au mec détendu. Il se débarrasse d'un cappuccino et garde l'autre pour lui entre ses mains qui s'enroulent autour comme en hiver. Mec faut que tu dormes. T'as l'air crevé. Qu'est-ce qui se passe ? Tu supportes plus les personnes qui partagent ta chambre ? Enfin tu m'étonnes c'est pratiquement que des nanas. Teddy esquisse pourtant un petit sourire. Après-tout, ça lui remet le sourire, la façon dont il parle de ses problèmes. Il aimerait avoir la légèreté d'Adonis. Malheureusement, il ne l'a pas, surtout pas en ce moment. Allez. Vide ton sac, je t'écoute. Charles s'assoit sur le canapé, en soupirant. Il passe une main dans ses cheveux en pagaille. Il n'est guère du genre à tourner autour du pot pendant mille ans. Pas son genre du tout même. Candace est enceinte de moi. Clair, net et précis. Voilà, c'est dit. Il baisse les yeux rapidement après, comme honteux – c'est un peu ça en même temps – tortillant ses mains entre elles comme un gosse après avoir posé son café sur la table basse sans même y avoir touché. J'suis dans une merde pas croyable. J'suis pas tellement fait pour être père quoi. C'est le moins de le dire, hein.

l'heure est aux rêves, aux utopiques.
« Elles ont toutes soixante piges les boulangères, tu vises les cougars maintenant ? C'est ton choix après tout. » Ça le fait un peu sourire mais il peine à plaisanter réellement tant ce qu'il a à dire lui pèse. Il se contente donc d'y répondre par un sourire. Il ne sait même pas comment le dire. Ça s'annonce comment ce genre de truc ? "Salut j'vais être papa, achève-moi !" ? Non, certainement pas. Bien qu'il aurait peut-être dû le sortir autrement, genre sur le ton d'une plaisanterie, mais c'est plus fort que lui. Pour peut-être la première fois en deux ans, il est dans la merde. « Ah. » Ouais, c'est le cas de le dire ! Il sait qu'il n'y a rien à répondre de toute façon, et que pas grand monde ne peut l'aider. Il passe une main dans ses cheveux encore une fois, levant les yeux, toujours affalé dans le canapé. « Pars pas défaitiste comme ça Callaghan. Cette fille, elle compte vraiment pour toi non ? » Il laisse ses yeux se perdre sur un point dans le vide. Il n'hésite pas sur sa réponse, ça fait longtemps qu'il s'en est rendu compte. « Bien sûr qu'elle compte pour moi, plus qu'à peu près n'importe qui. » Il déteste dire ça. Il a l'impression d'être faible, dépendant. C'est peut-être le cas, en fait. « C'est sur qu'un enfant ce n'est pas rien, mais si vous avez pris cette décision de le garder, c'est que vous vous sentez tout de même capable de le gérer. » Charles plisse un peu les yeux et interpellé, relève les yeux vers Adonis. Pris cette décision ? Capable de le gérer ? « Tu le veux toi ce bébé ? » Charles n'a pas le temps de répondre – parce qu'il réfléchit, parce qu'il n'en a pas la moindre idée en fait – que son pote enchaîne. « Alors là tu fais fort, je m'attendais à tout, sauf à ce que tu me lances que ta nana est enceinte. Je la connais même pas cette Candice. Elle est comment ? » Ça fait sourire Teddy. Pas parce que c'est amusant, plutôt parce qu'en fait, son ami ne semble pas avoir tout compris. En même temps, il n'explique rien lui aussi ! Il se redresse, posant ses coudes sur ses genoux pour avoir un meilleur appui. « Candace, pas Candice, rectifie-t-il, amusé. Elle est de mon dortoir. Grande, blonde, des yeux bleus, une beauté sauvage cette fille. Ça fait plusieurs temps qu'on couche ensemble régulièrement. » Ah oui. Le secret qu'ils cachent à tout le monde depuis des mois. Le grand piège dans lequel ils sont tombés comme des débutants : l'attachement. Il esquisse un semblant de sourire. « Mais en fait j'crois que t'as pas saisi.. On n'est pas ensemble, elle et moi. On n'a pas encore "pris de décision", parce que ni elle ni moi ne savons quoi faire, j'en sais rien si j'veux avoir un gosse à vingt ans enfin.. Enfin bien sûr que non que j'veux pas de gosse à cet âge là, j'en ai même jamais voulu tout court, mais lui demander d'avorter serait un crime pour moi. J'suis bloqué. Et on sait même pas si on veut s'mettre ensemble ou pas, c'est pour te dire les têtes dures qu'on est. » Il dit tout ça dans un soupire, amusé tout de même, plein d'autodérision. Parce que oui, raconté comme ça, tout semble un peu stupide, voire que c'est eux qui le compliquent encore plus.