« hey ma puce, tu montes? » tu accoures vers ton papa qui se trouve sur sa moto, un bolide noir comme la nuit. Tu l'enfourches, et tu t'accroches à cet homme que tu aimes tant, enfoncant ton visage de petite fille dans sa nuque.
Il met en route l'engin, et vous foncez loin de l'enceinte de ton école primaire. La vitesse te grise, comme à chaque fois, et tu ris de bon coeur, ce qui arrache un sourire à cet homme que les dernières années à fatiguer. Ces dernières années n'ont pas été aisées pour vous deux. En effet, ta mère est partie, t'avais alors 6 ans, et tu ne cessais de demander « elle revient quand maman? Elle est où maman? » et des choses ainsi.
Sans comprendre que maman, elle reviendrait pas. Elle s'était barrée, sans réelle raison. Elle n'avait jamais eu l'instinct maternel, mais bon, quitter sa famille d'une telle manière, faut le faire quoi.
Alors ton père et toi avez eu la même façon de surmonter ça. La musique. Tu joues au piano depuis tes quatre ans, parce que ton père voulait que tu saches maitriser cet art, comme lui le fait. Mais il a découvert que toi, t'avais un talent inné pour ça. Que t'étais une virtuose. Alors vous joyiez, encore et encore, toujours, sans vous arrêtez. Vous noyiez vos chagrins dans les notes mélancoliques. Les années ont passé, tu as grandis, et tu as joué d'autres instruments, tu as découvert d'autres choses.
Dix ans, tu maitrisais le piano, tu commençais le violon, et tu jouais de la guitare plutôt bien. Une prodigue. Voilà comment tes professeurs t'appellaient. A l'école, c'était un peu pareil, tu restais plongée dans tes cours, ne voyant pas vraiment l'importance de se faire accepter par ce monde étrange, et si superficiel et souvent suffoquant.
Tu n'avais donc guère d'amies ou d'amis, quelques connaissances, sans plus. Tu n'étais pas réellement miss extravertie, tu avais peur de donner ta confiance, et pas envie non plus.
Mais ce jour-là en sortant de l'école, tout à changer. Ton père sourit, et accélère un peu plus, prenant l'autoroute pour vous emmenez chez vous, dans votre petite maison dans la campagne. C'est loin de ton école, mais c'est tellement plus tranquille là-bas, plus agréable. Alors ça en vaut la peine.
La nuit tombe petit à petit sur les routes, comme à chaque fois. Tu te serres un peu plus contre le dos de ton papa, à cause du froid qui commence à ronger ton petit corps. Quelques minutes, et vous êtes chez vous. Ton père met le clignotant, il tourne.
Lumière vive. Claxon. Bruit de frein. Cris. Douleur.
Noir complet.

•••

BIP-BIP-BIP.
Le rythme régulier des bip te sort de ta tropeur. Cet engin est réglé comme un métronome. Une lumière agresse tes petits yeux bleus, et tu pousses un grognement. Des pas approchent, et tu clignes plusieurs fois des yeux, afin qu'une image claire apparaisse.
Un homme, il doit avoir quelque chose comme 17 ans, et il ressemble à papa. il s'approche de toi, et tu fronces tes sourcils. Qui c'est ce gars? Il s'approche, avec un air fatigué, mais soulagé. Tu fouilles ta mémoire, sans rien comprendre. Où t'es, que c'est-il passé, pourquoi t'es couchée dans un lit,...?
Il passe une main sur ton front, avec un sourire. « Indie! Tu es enfin réveillée. » De la joie, du soulagement, de la tristesse. Voilà ce que tu ressens en entendant cette voix que tu ne reconnais pas. Ta voix sort de la barrière de tes lèvres, rauque, hésitante, cassée. « qui es-tu? »
Les yeux bleus qui te regardent se gorgent d'eau, et la lèvre du dessous de ce jeune homme se met à trembler. « Mais Indie, c'est moi... c'est ton grand frère. » Grand frère? Tu as un grand frère? WTF? Tu le reconnais pas, tu le crois pas. Tu t'agites dans ton lit, et commences à crier, pleurer. Une douleur lacinante te fais crier encore plus, mais de douleur cette fois. Ton dos te fait soufrir comme jamais. c'est comme si on t'avait ouvert celui-ci. tu cesses quelques secondes de t'agiter, pour reprendre ta respiration. « et papa il est où? je veux voir papa! et maman! » tu tapes des poings, sans rien y changer, sauf réveiller ta douelur. il s'assied à tes cotés, ton prétendu frère, et pose une main sur la tienne. sans comprendre pourquoi, ça t'apaise, c'est comme quand papa te fait ça. Tu le regardes, avec ton regard perdue de petite fille. Il te fait un petit sourire, et prend la parole. « Indie, ma belle, papa et toi vous avez eu un accident, il y a trois mois de ça. » Tu fronces à nouveau les sourcils. Un accident? Tu t'en souviens pas. Pas du tout. C'est pas vrai. « C'est pas vrai, tu mens! on a rien eu, on va bien! » La vérité, c'est que tu te souviens de rien. Tu te souviens d'avoir quitter l'école, que maman était venue te chercher, que vous aviez été chercher des tartes aux fraises pour papa parce qu'il adore ça. Il faisait beau, et vous étiez rentrée en voiture toutes les deux. Tu secoues la tête, pas de frère dans le tableau... « Je te connais pas. Tu mens, c'est maman qui est venue me chercher! » A son tour de secouer la tête, et sur ce secouement de tête, il se lève, et te laisse seule... EUKE. Mais pas pour longtemps. Une dame revient avec lui, et soudain, tu te retrouves dans un fauteuil roulant, et tu sors de ta chambre, pour entrer dans une autre. Sur le lit, un homme fort, et très beau repose. Ses traits tirés, et les cheveux grisonnants. Mais beau comme un dieu. Ton papa. Tu ouvres de grands yeux, qui s'emplissent de larmes, et tu cries sans t'en rendre compte. Tu te lèves, dans un dernier élan de force tu t'abats sur le lit de ton père, pour enfouir ta tête dans sa nuque comme avant. Des mains te soutiennent, tu ne sais pas qui s'est, et tu ne tournes pas la tête afin de le savoir, tu t'en fous. Tout ce qui t'importes, c'est ton père, dans ce lit d'hopital. Alors il disait vrai l'autre-là....
Le temps passe, et chaque jour il est là, à tes cotés, alors que chaque jour qui passe, tu perds un peu plus ton père. Il te raconte ton histoire, son histoire. Il n'est pas ton frère à 100%, ton père l'a eu il y a des années avec une autre femme, avant de rencontrer ta mère, sauf qu'il ne le savait pas. Dés qu'il l'a découvert, ton père a fait des recherches, et à trouver ton frangin. Il t'a expliqué comment tu as pris cette nouvelle. Mal au début, t'avais peur que ton père ne t'aime plus. Mais ça n'a pas été le cas. Et ton nouveau frère avait tout fait pour que tu te sentes bien et pas boulversée. Sa mère à lui était décédée peu de temps après, d'un terrible cancer, et il vous a rejoint à la maison. Ta mémoire, elle n'est pas revenue. Et les mois ont passé. Et ton père ne s'est jamais réveillé. Les médecins ont du le débrancher. Ce fut la pire chose que tu as vécu dans ta vie, voir ainsi ton père s'éteindre... Vous avez alors déménagé, t'avais maintenant 13 ans, et ton frère est devenu ton tuteur. Vous avez choisi une ville au pif, et vous avez bougé. Vous vous êtes fait une nouvelle vie, mais avec beaucoup de difficultés. La famille, t'en parles jamais, c'est trop dur de dire que ta mère t'aimait pas et que ton père est mort par ta faute. Tu le vois comme ça. Toi t'as survécu, pas lui. T'as laissé tombé la musique jusqu'à un jour, où t'as entendu quelqu'un jouer sur ton piano. Une meuf, une inconnue, enfin une vague amie à ton frère, quoi. T'as pété les plombs, et après, quand t'étais seule, tu t'es assise sur ton petit siège, devant le large instrument, et t'as commencé à laisser tes doigts glisser sur les touches d'ivoire. Le son a empli la pièce, et t'as pas pu t'arrêter de jouer, pendant des heures, et tout est revenu. Ton remède pour réussir à tourner la page, fut à nouveau la musique. Et les années ont passé, et t'es entrée à l'université, et évidement la musique à continuer à faire partie de ta vie, plus que n'importe quoi.