Et si je te dis que je t'aime, me croiras-tu vraiment ? Penseras-tu que mes mots sont sincères ?

Rentrée de vacances courtes et longues à la fois, Tiphaine avait pris conscience qu'il lui restait une chose à faire, une chose importante, une chose qui aurait pu paraître totalement ridicule et débile et insignifiante mais qui était importante pour elle. Après un mois en Irlande qui avait paru passer bien trop vite tant elle adorait ce pays mais long loin de Jersey qu’elle considérait comme sa maison et surtout loin de ses amis. Sawyer et Spyke en particulier. Spyke et Sawyer, Sawyer et Spyke, peu importait l'ordre. Ou plutôt si, mais elle n'avait pas encore choisi quel il était. De là l'importance de la chose: avouer des sentiments enfuis. Elle sentait clairement qu’elle allait se prendre un gros râteau mais tant pis, l'important n'est pas de ne jamais tomber mais de se relever à chaque chute, et elle se relevait toujours. Elle avait faillit mourir, était allée en désintoxication, avait fait une tonne de conneries dans sa vie, un râteau ne la tuerait pas. Bon, d'accord, cela l'ébranlerait un peu mais elle survivrait. Spyke était déjà au courant qu’elle l’aimait, du moins c'était à peu près clair, disons comme sous entendu, pas dans ses propos mais simplement dans son attitude, dans son regard, dans l'attention particulière qu’elle portait à ce qu'il disait,... Sawyer, lui, avaient eu l'occasion de coucher avec elle à deux reprises, mais sans plus, ou pas vraiment, seulement des déclarations de haine qui ne voulaient rien dire. Leur relation était plus qu'étrange, incompréhensible de l'extérieur, d’ailleurs de intérieur cela ne donnait pas beaucoup mieux non plus, disons qu'ils faisaient un peu en fonction de leur humeur. Pénétrant dans la cafétéria de l'université, bondée, elle trouve justement une place en face de Bringstone boy, comme s'il était dit qu'elle devait absolument lui parler aujourd'hui. Elle n'en avait pas vraiment envie, mais histoire de s'arranger et de savoir ce qu’elle devait faire au lieu de nager entre deux eaux il le fallait. Prenant une pomme et une bouteille d'eau, elle vin s'asseoir face au jeune homme, ne pouvant s’empêcher de passer une main dans ses cheveux comme à chaque fois qu'elle était angoissée, gênée, les deux à la fois. « Salut... » Nul. Enfin, en même temps, comment commencer autrement une conversation me direz-vous...

Écouter de la musique à fond dans les oreilles, fixer les gens, les fusiller du regard quand ils vous regardent, les insulter quand ils ont le culot de s'asseoir à votre table, manger de temps en temps, être dans sa bulle, haïr la vie, vouloir la mort. Voilà à quoi se résumer un repas chez le jeune Bringstone. A longueur de temps il insultait les gens dans sa tête, parfois mêmes ses paroles dépassées ses pensées, quand il croisait des gens qu'il connaissait et appréciait un minimum il ne leur proposait pas une place, c'était sa table et tout le monde le savait. La table du fond, la table empoisonnée mais pour laquelle l'envie de s'approcher était irrésistible. Des courageux s'y aventuraient, et la personne en question du jour était Tiphaine. Tiphaine, Sawyer la trouvait dangereusement belle et amèrement attirante. Mais il la détestait, depuis toujours, et rien n'allait changer, même si elle essayait de faire sa gentille en mangeant à sa table. D'ailleurs le brunet allait s'énerver, ça coulait de source, surtout si elle osait lui dire quelque chose. Déjà il n'avait rien dit lorsqu'elle s'était assise, peut-être pour ne pas faire de scandale ou bien peut-être parce qu'il ne la détestait pas tant que ça surtout depuis leurs moments très intimes. D'ailleurs il y pensait souvent, et se disait que oui il n'y avait pas que de la haine. Il ôta un écouteur afin de pouvoir l'entendre et lui répondit froidement « Qu'est-ce que tu me veux ? » Cela voulait dire en conclusion dans le langage Bringstonien " dégage ". Il remit son écouteur, pour souligner le fait qu'il voulait qu'elle parte.

S'asseyant à la table du Bringstone sans prendre la peine de lui demander la permission, bien que la plupart des gens n'osent même pas s'en approcher de peur de se faire remballer, elle le salua le plus normalement du monde, ne prêtant aucune attention au regard qu'il lui jetait. Il ne la détestait pas et, s'il ne l'aimait sans doute pas non plus c'était quelque chose entre les deux, ce qui valait toujours mieux que la haine. Ils avaient échangé des baisers passionnés, avait couché ensemble, mais s'étaient parfois hais au plus haut point. Un peu comme si lorsque l'un commençait à aimer l'autre, le second s’empressait de se montrer désagréable afin de le décourager. C’est ça la bêtise humaine, que voulez-vous y comprendre ? Un peu si je t'aime tu ne m'aimes pas, si tu m'aimes je ne t'aime pas... Quel accueil ! Elle aurait dû s'y attendre au fond. « Ça te semble si improbable que cela que je veuille simplement te voir ou te parler Sawyer ? » fit-elle en levant les yeux au ciel, croquant dans sa pomme sans le quitter des yeux.

Sawyer la dévisagea alors qu'elle insistait vraiment pour rester à sa table. Il arqua un sourcil et soupira. Il était de mauvaise humeur et il ne fallait certainement pas le chercher et là en venant à sa table Tiphaine avait fait une grossière erreur. « Avec toi je ne trouve plus rien d'improbable. Mais j'ai pas envie de te voir maintenant Tiphaine. » lui répondit-il de façon froide et méchante. Lorsqu'il n'avait pas envie, cela voulait bien dire ce que ça voulait dire, et ce n'était pas la peine de trouver un moyen ou un autre pour lui parler c'était non. Il avait toujours un écouteur en moins, et se tourna de nouveau vers elle pour lui dire « Si t'es venue me parler de nous deux, de nos moments passés ensembles, oublie les ça n'en vaut pas la peine. » Bien entendu il mentait, pour lui cela faisait toute la différence, il ne les avait pas oublié et il y pensait souvent de sorte que son coeur ne sache plus où aller, entre Tiphaine et Eleanor deux blondes pour le prix d'une ! Mais il se disait incapable d'aimer, alors il allait mettre fin à ses deux idioties rapidement, même s'il n'en avait pas envie et que parfois il aimerait être différent, être gentil, calme, posé.

Que Sawyer soit de mauvaise humeur ne lui faisait ni chaud ni froid, au fond quant était-il de bonne humeur ? Tiphaine le connaissait suffisamment pour savoir qu'il était constamment torturé et que, bien qu'il ait parfois des élans de bonne humeur venue d'un peu nulle part, carrément inespérée, qui finissaient par retomber. Au début elle ne le supportait clairement pas, ensuite elle avait été prise d'une sorte de pitié et d'amitié, pour finalement ressentir une profonde haine si proche de l'amour qu’elle avait du mal à savoir si c'était l'un ou l'autre. Désormais elle l'aimait bien, et s'il la remballait aujourd'hui elle se contenterait de l'apprécier bien qu'ils aient parfois du mal à s'entendre. Elle savait qu'au fond il ne la détestait pas tant que cela. « As-tu jamais envie de me voir de toutes manières ? » questionna-t-elle sans vraiment attendre de réponse, sur un ton parfaitement normal, presque amical, comme si elle n'avait pas remarqué qu'il ne tentait que de la faire fuir en se montrant désagréable. Elle avait parfaitement compris, au contraire, mais cela ne la décourageait pas le moins du monde. Avant même qu'elle n'ait le temps de lui demander quoi que ce soit, il répondit à la question qu'elle était venue lui poser. Comme cela, c'était dit. « Bravo Bringstone, t'as deviné. Et tu as une facilité absolument extraordinaire et incroyable à tout renvoyer au rang de futilité, alors que pour moi c'est important. Et, devine quoi, tu m'as donné ma réponse sans que j'ai a poser la question, merci. » Elle savait pertinemment qu'il avait menti, que pour lui aussi cela signifiait quelque chose et que l'oubli était impossible bien que, tout comme elle, il ait sans doute ardemment essayé de se débarrasser de ces souvenirs. Elle le savait, mais si l'oubli était préférable à ses yeux, elle n'avait plus qu'à faire de même. C'est ce qu'elle était venue chercher, qu'il lui dise si oui ou non elle pouvait espérer et attendre quelque chose de lui ou s'il ne lui restait plus qu'à tourner la page. Ne quittant pourtant pas la table, elle reprit son repas composé d'une pomme et d'une bouteille d'eau sans vraiment prêter attention à la présence de Sawyer face à elle. Pour tout dire, le regarder la démangeait, elle mourrait d'envie de lui dire quelque chose ou de le regarder mais par fierté, et également pour le faire réagir, elle gardait son regard clair fixé sur un point derrière lui.

Sawyer augmenta le son de sa musique, il ne lui restait qu'un seul écouteur et du coup il entendait beaucoup plus les bruits parasites des autres ce qui avait le don de l'agacer au plus point, il ne remettait cependant pas l'autre juste au cas où Tiphaine pourrait dire quelque chose d'intéressant, même si ce moment arriverait le jour où les poules auront des dents ! Et malgré le fait qu'il ne l'avouait pas la voir lui faisait plaisir, enfin plaisir dans le sens où il pouvait l'embêter davantage et lui faire vivre un cauchemar même si leur histoire n'avait rien eu de très cauchemardesque ces derniers temps et qu'ils avaient plutôt vécu des moments intenses. Sawyer entendit sa remarque et lui répondit en arquant des sourcils, et dans un haussement d'épaules. Sawyer s'adossa un peu plus dans le fond de sa chaise puis mangea ses pâtes au gruyère, sans viande il était végétarien, comme sa soeur Lola qui elle aussi était végétarienne, il était fier de l'être au moins ça le rapprochait toujours davantage de sa défunte soeur. Il ne pouvait pas être tranquille, jamais il n'avait mangé un repas sans parasite, il y avait toujours quelque chose, quand ce n'était pas une bagarre, c'était à la table d'à côté de lui un couple qui se bécotait, et quand ce n'était pas des pucelles en chaleur venant lui demander si c'était vraiment lui Sawyer Bringstone c'était Tiphaine, même si on pouvait garder " en chaleur " pour la qualifier, du moins d'après lui. Et elle lui lança une remarque, elle avait raison, il le savait mais il avait bien trop d'orgueil pour l'avouer, et quoi de mieux que le silence pour accentuer davantage l'envie qu'elle parte. Et puis il y avait un diction célèbre qui disait " le plus grand des mépris c'est le silence " et Sawyer était un homme tellement remplit de mépris que cette phrase lui allait à merveilles. Il savait qu'elle le fixait, mais il s'en fichait, il s'en fichait tellement qu'il remit son écouteur, il ne l'entendait plus. Il termina son repas, du moins son assiette de pâtes au gruyère, se leva et attrapa la bouteille d'eau sur son plateau ainsi que son sac qu'il avait posé sur la chaise d'à côté. « Salut Tiphaine ! » lui dit-il en la frôlant presque, ce qui laissa un courant glacial autour d'elle durant une fraction de secondes.