KENDRA HEAVEN HELLINGTON ⊱ Mademoiselle Hellington. Eh bien, cela faisait longtemps que nous ne nous étions plus entretenus l'un avec l'autre. Silencieuse, Kendra gardait le regard dans le vide, recroquevillée sur elle même. Les pieds nus, elle regardait par la fenêtre en maintenant contre elle ses jambes terriblement maigre. Cela faisait maintenant deux mois qu'elle ne mangeait plus rien. Les efforts des médecins étaient vains, tout ce dont elle acceptait se résumait à une bouteille de jus par jour. Les cicatrices sur ses poignets étaient encore visibles et protégées d'un pansement hermétique. Cette fois, elle était passée à l'acte, sans prévenir. Elle était instable depuis plusieurs mois, instable depuis que son beau-père la violait durant la nuit, une fois que sa mère était assez ivre pour s'endormir, lourdement assommée dans une odeur immonde de Téquila, l'homme pénétrait dans sa chambre et la réveillait en sursaut avant de bloquer tout bruit pouvant s'échapper de sa bouche. Une fois, deux fois.. A compté de la troisième fois, la jeune femme ne parvenait plus à fermer l'oeil. Une année durant, elle était violée presque tous les jours. Elle y avait plusieurs fois pensé à se suicider, elle avait plusieurs fois tenté de parler à sa mère, mais cette dernière ne faisait que la prendre pour une mythomane avide de nouveaux mensonges à raconter. Bien sur qu'elle ne mentait pas, mais sa mère était bien trop droguée pour s'en rendre compte. Dernier avertissement avant de passer à l'acte. Et elle l'avait fait. Et cette fois, sa mère l'avait cru. Internée pour sevrage alcoolique, sa mère se retrouvait en hôpital psychiatrique tandis que Kendra se retrouvait internée pour tentative de suicide à seulement 16 ans.
Deux années plus tard, c'est plus équilibrée mais toujours aussi fragile que la jeune femme entama des études de médecine. Encouragée par sa mère avec qui le lien s'était peu à peu renoué grace à  une thérapie familiale, la jeune femme réussit sa première année avec fruit, entamant la seconde avec autant de succès, mais ce n'est qu'à la moitié de l'année qu'elle se rendit compte à quel point les médecins étaient peu empathiques et éloignés de leurs patients. Changeant de branche, la jeune femme opta pour devenir un mini-médecin, à savoir infirmière. Beaucoup plus proches de ses patients, elle réussi ses deux premières années avec fruits, et pu lors de sa dernière année effectuer un Erasmus potentiellement mortel au sein de l'armée installée en Syrie. Les coups de feu la réveillaient la nuit, mais cette adrénaline constante dans ses veine la maintenait en éveil et lui plaisait. D'ailleurs ce n'était pas la seule chose qui lui plaisait. l'un des militaires auquel elle dispensait régulièrement des soins lui avait largement tapé dans l'oeil. Un bandage, quelques fils les mains tremblantes avant d'échanger un baiser et pleins d'autres suivants. Durant plusieurs mois, Kendra filait l'amour parfait au milieu des balles et des bombes aux côtés d'Adrian qui n'avait de cesse de la protéger, mais comme toutes les bonnes choses ont une fin, la jeune femme reçut un courrier de son école, la forçant à rentrer au pays. Malgré son refus catégorique, ses cris et ses larmes envers Adrian, la jeune femme fut rapatriée avec deux de ses camarades jusque Jersey. Incapable de parvenir à prodiguer de nouveau soins, la jeune femme abandonna son année juste avant ses examens, incapable de subir une seconde de plus la souffrance qu'endurent les gens. Nouvelle réorientation, nouveau projet, la jeune femme prit le chemin de l'art, littérature, poèmes, musique et dessins. Si ses dessins restaient parfaits, la jeune femme était aussi une parfaite romancière mais cachait à tout le monde le bouquin qu'elle avait écrit, inspiré de sa propre vie et de ses viols répétés. Une sorte de thérapie, lui permettant d'extérioriser sa souffrance. Les murs de son appartement étaient parsemés de dessins et peintures en tout genre, et surtout, sa plus belle peinture résidait dans sa chambre. Un portrait en aquarelle d'Adrian, toujours au combat. Il ne l'avait pas oubliée depuis  leur séparation, au contraire, si elle ne pouvait pas entendre ses je t'aime, elle pouvait au moins les lire. Des je t'aime de plus en plus rare à mesure que les années passaient.
Deux ans se sont écoulés depuis leur séparation brutale, deux années sans Adrian dont elle attendait indéfiniment le retour. Assise devant sa télévision en rentrant de ses  cours, la jeune femme resta plantée devant la page actualité du journal. Des soldats morts en Syrie, d'autres grièvement blessé. Son nom parmi les survivants rapatriés. Cette fois elle allait le retrouver, peut-être écorché, peut-être pas entier, mais elle allait le retrouver et peu importe quel membre il lui manquerait, elle l'aimerait toujours aussi profondément.