C'était difficile pour Ciarán d'imaginer le dortoir plein. Lui et quatre autres personnes, ça semblait énorme surtout quand on sait qu'il s'était habitué depuis toujours à se la jouer un peu solitaire. Cette habitude avait fini par être remplacée puisque maintenant l'habitude d'avoir Constance et rien qu'à elle lui se voulait prédominante, mais à cinq dans le dortoir, il savait que c'était le genre de choses auxquels il ne s'habituerait jamais. « T'as vraiment réponse à tout   » L'entourant de ses bras à fortiori en maintenant la casserole d'une main, et la cuillère en bois de l'autre. Examinant une dernière fois l'état des oeufs, il finit par éteindre la plaque chauffante, et vola un bisou à la joue de sa colocataire avant de chercher un petit plat de quoi y mettre les oeufs brouillés, en piquant un morceau de fruits dans le petit déjeuner parfaitement dressé comme d'habitude. « Tu sais que le petit dej' est devenu mon repas préféré de la journée depuis que je te connais ; c''est pas rien ! » Il en rit légèrement mais était parfaitement sérieux. Cela dit vous commencer à connaître Ciarán et il ne disait jamais vraiment tout de but en blanc mais dans le fond, le petit déjeuner et le réveil étaient même devenus ces moments préférés de la journée. Mais trop avouer de choses, et trop en prendre conscience revenait à suspecter bien plus. Prêt à s'installer, il finit lui dire. « Allez viens, on devrait peut-être manger en haut quand même. » Oui, marquer le coup, même si la cuisine était vide ?! Certainement. Ils avaient toujours aimé prendre le petit déjeuner dans le dortoir, et ce, en partie parce que si elle ne le réveillait pas en le câlinant, elle le réveillait avec un bon café. Oui, trop parfaite, du coup il prenait le temps de faire les choses comme ils aimaient les faire sans vouloir pour autant accepter la fatalité de la dernière fois.

Oh que si c'était simple à reconnaître. Même si dans le fond il n'avait pas dénoncé le fait qu'elle réponse à tout mais bien plus la subtilité de l'excuse qu'elle avait trouvé pour se glisser entre lui et la plaque chauffante. Oui, depuis le temps il le savait, elle était affectueuse, et ce qu'il aimait par dessus c'est ce que c'était le genre de choses qu'il avait appris à déceler sur le tas. Ils avaient appris à se connaître sans même de mots sur ce qu'ils aimaient ou ce qu'ils étaient mais ils avaient appris tout cela en passant du temps ensemble, ce qui était apprécié par le jeune homme. Cela il y avait énormément de choses, qui elles, étaient vraiment difficiles à reconnaître. Tellement difficile, qu'ils avaient décidé de les ignorer complètement. D'ailleurs il s'était retenu de répondre à sa remarque, comme si dans le fond, il y avait une chance sur deux pour que la réponse soit tabou. Après tout il aimait le petit déjeuner parce qu'elle le gâtait et le faisait à la perfection, mais il aimait aussi ce moment parce qu'il était avec elle, c'était évident, sinon à quoi bon recréer le même rituel week-end après week-end ? Mais quand on sait qu'elle ne tirait aucune valeur ajoutée au petit déjeuner hormis le fait d'être en compagnie de Ciarán on arrivait un peu à suspecter ce qu'elle voulait dire. S'installant donc en haut avec elle toujours plus à son aise que la demoiselle, il retira son portable de la poche arrière de son jean pour y regarder l'heure avant de le larguer près du plateau. « Commence par ce que tu préfères ou ce qui va refroidir mais décide toi tant qu'il reste encore de quoi manger. » S'emparant d'une des deux tasses, il but son café noir, ou du moins une préfère gorgée comme pour goûter, et vérifier qu'il était à son goût ce qui était le cas. Après ça, peu importe par quoi commencer, tant qu'il assouvissait sa faim, et qu'il était apte à se concentrer plus tard tout lui allait. Oui, il se posait tellement moins de questions que Constance, et ce, dans tous les domaines (à tort ou à raison).  

Goûter, pourquoi pas, mais se faire la même chose tous les matins sûrement pas. Non ça s'arrêterait certainement à une cuillère sans plus. Le pire c'est qu'au beau milieu de tout ce mélange, c'était bien plus le yaourt qui lui posait de problème. Il s'approcha, pour autant totalement confiant, sans se donner la peine de prendre de quoi se servir lui-même. Il savait qu'elle allait prendre plaisir à lui donner la becquée de toute manière. « Um, c'est pas mal. Quoique encore plus typiquement féminin que le wrap poulet épinards. » Finit-il par dire. Oui, il avait peut-être ce côté macho qui pourrait porter à croire selon le sexe que l'on a, on a tendance à plus généralement favoriser certaines choses, ce qui ne ferait pas le sexe opposé. Après avoir avaler le tout qui était bon, il était incapable de dire de quoi était composé le muesli, en une bouchée, il avait tellement de choses en bouche. Il marqua un temps d'arrêt pour éviter de mélanger les saveurs, et releva le regard vers Constance... surpris. Secrètement il avait espéré que cette conversation serait repoussé à la veille de son départ mais apparemment c'était loupé. « Y'a des chances de te voir rentrer à Jersey après les vacances, au moins ? » Jamais il n'avait posé cette question, il avait toujours fuit la conversation et proprement quand elle lui disait d'une manière ou d'une autre qu'elle serait diplômée à l'aube de l'été deux milles quatorze. C'était peut-être une question mais il avait du mal à se dire qu'elle reviendrait à Jersey quand elle a sa famille en Grèce, et qu'elle en aurait fini avec les études. Il y avait tellement de pays en Europe, où débuter une carrière professionnelle serait plus avantageux qu'ici.

En clair, il avait complètement écarté sa question. Il était aussi clairement d'avis qu'ils partageaient tellement de choses que ce détail semblable presque minime. Quand on y pense, à y enlever le côté charnel, ils avaient tout d'un couple, ce qu'il se refusait de reconnaître de toute manière. C'était aussi peut-être pour ça que l'imaginer partir était si dévastateur. Son côté lâche aurait pu finir par lui faire dire que c'était peut-être mieux comme ça, au moins il aurait été persuadé de se tenir à carreaux et de ne pas tout foutre en l'air. Mais dans le fond, ce qu'il ressentait vraiment c'était tout l'inverse. Partir avec elle en vacances pour ensuite rentrer seul en sachant pertinemment qu'elle ne le rejoindrait pas aurait été difficile à gérer. Et autant dire qu'il était du genre à ne pas savoir gérer la frustration. « Tu dois être vraiment déçu non ? » Soulagé, il finit par dire en prenant l'air. « Oui ! t'as pas idée ! » Finit-il par dire pour jouer la carte de l'ironie comme elle faisait si bien et sans l'ombre d'un doute il savait qu'elle saisirait cette fausseté dans ces mots. Laissant le fond de son café comme à chaque fois il ajouta. « Tu me laisses seul avec Melody alors ? » Ah cette Melody même encore arrivé que déjà elle était au centre de leur conversation. C'était spécial mais dans le fond, c'était comme devenu une manière indirecte de se dire les choses. Il allait la regretter dans ce dortoir, il le sentait déjà à tel point qu'il osait pas encore se l'imaginer. Il aurait forcément adoré qu'elle tente un bac plus cinq, au moins là il aurait été persuadé qu'elle ne lui échapperait pas, cela dit éternel insatisfait n'était-ce pas déjà une bonne chose qu'elle revienne à Jersey ? Ce que d'ailleurs tu ne comprenais pas tellement mais tu te gardais de creuser. Non ça t'arrangeais bien plus qu'elle ne peut l'imaginer, alors oui tu jouais la carte de l'égoiste sans même t'en rendre compte.

On voyait bien à son visage l'air détendu, mais il n'en souriait pas pour autant. Tout n'était qu'ironie et exagération et tout deux le savaient. « Ai-je au moins le choix ? » La question se posait dans le cas où elle quittait Jersey, mais elle, ne quittant pas l'île, il allait bien s'en tirer et pas qu'un peu ! Peut-être pas autant que si elle restait dans ce dortoir mais ce n'était pas pour autant comparable à un départ définitif. Cela dit sans trop se confier à elle aisément comme elle le faisait, il aima ce qu'il avait entendu. C'était confortant et surtout elle était atrocement mignonne et attachante. Riant légèrement surtout à la fin de sa remarque, il vint à lui dire. « J'ai l'air d'un bisounours, sans déconner ? » Le moins qu'on puisse dire c'est que voir Ciarán reproduire avec une autre ce qu'il avait avec Constance, ferait totalement de lui un goujat. Il ne l'était pas, pas ainsi, et surtout il avait trop de réserves pour pouvoir oser partager ce qu'il avait partager avec elle, avec une autre. Alors oui, s'il était véritablement à bisounours avec elle, il ne l'était sûrement pas de nature. « et puis surtout j'ose pas imaginer les représailles après, du coup je m'y risquerai pas, tu peux en être sure.. » Ce n'était pas du tout la raison ! Autant se l'avouer. Non ce n'était pas lui. D'ailleurs il avait parfois eu le sentiment de s'être trop attaché à Constance, et même si il ne regrettait rien, il avait cette superstition de tout voir s'écrouler, alors se relancer là dedans avec quelqu'un ce n'était pas envisageable sans compter que toute manière ce qu'il avait pour elle semblait unique en son genre.  

Comme à son habitude, elle lui avait pondu une réponse sur mesure ! Du Constance tout craché. Il en sourit amusé sans rien y ajouter, espérant bien évidemment qu'elle ne le prenait pas au sérieux mais il était pas mal confiant. Il ne voulait surtout pas la faire douter même inconsciemment. Après tout si ça avait été le cas, elle l'aurait manifesté d'une manière ou d'une autre. « On est d'accord, par contre tu devrais garder pour toi le fait que je te serve de doudou, ça risque de faire des jalouses ! » Prétentieux oui, pour camoufler un peu le fait qu'il tenait à ce que leur lien reste privé. Tout le monde savait qu'ils étaient très proches, mais il aimait autant que les détails ne les regardent qu'eux et personne d'autre.  C'est en se relevant, comptant rejoindre la salle de bain qu'il se retourna en cours de route pour lui dire. « T'as été ici pendant quoi trois ans ?! Je suis sur qu'on en ferait pas une affaire d'état si tu squattais ici, ça ne se remarquerait même pas ! » Techniquement parlant, il n'avait pas tort. Même si il faisait un peu le malin mais quand on y pense, administrativement on léguera forcément sa place mais quand on sait qu'elle arrivait à se contenter d'un demi-lit, le jeune irlandais en tirait les conclusions qui lui plaisaient. Sa manière à lui potentiellement de lui qu'elle n'avait pas à se donner tant de mal à la poursuite d'un appartement ou plutôt qu'elle était mieux ici qu'ailleurs. Ailleurs voulant dire seule et loin de lui. Il était bien sur loin d'être naif et ne se prenait pas au sérieux, mais peut-être était-ce aussi une manière indirecte de dire qu'elle sera toujours ici chez elle, tant qu'il est là ! Oui, vous l'aurez compris, il fallait lire entre les lignes avec Ciarán et ce, surtout quand on était si proche de lui.

Groupies tout de suite les grands mots ! Il avait d'ailleurs quelque peu lever les yeux au ciel à sa réplique. Dans le fond ça n'était pas ça du tout qui l'inquiétait mais encore une fois il aimait pas spécialement exposer ce qui lui était privé et en général il cachait deux choses : son passé, et ce à quoi il tient le plus. En gros ce qui fait de lui ce qu'il est vraiment. Et puis, faut se l'avouer il ne supportait qu'une demoiselle ait des attentes à son égard, en général il coupait court avant ou le faisait très bien comprendre. Il en profita pour aller se brosser les dents, et revint brosse à dent en bouche pour l'écouter, pas étonné de sa réplique. Il rinça rapidement et revint vers elle pour lui dire. « Ça t'éviterait surtout d'avoir à payer un loyer. » Oui, il voyait l'aspect pratique quand elle semblait bien plus dérangé par le détail Melody. C'était mignon comme tout. Si c'était pas de la jalousie ça ! Récupérant sa veste qu'il déposa près de la porte du dortoir, il s'empara de son portable qu'il avait laissé sur le lit. « On se voit ce soir ? » Scrutant le plateau pour voir ce qu'il pourrait descendre avec lui, il songeait à passer voir Patty comme d'habitude après le déjeuner pour ensuite se replonger dans ses révisions. Dur dur la médecine !