Joshua ⊱ « Je te côtoie depuis presque deux ans et je ne sais toujours rien de toi ! » s'écria-t-elle
« Tu veux tout savoir, c'est ça ? » Rétorqua-t-il
« Raconte-moi, Joshua, s'il-te-plaît ... » murmura-t-elle
« Tu ferais mieux de bien écouter, c'est la seule fois que je te raconterais tout ça ! » lui dit-il avec l'appréhension de dévoiler son histoire pour la première fois.

« Je suis né à Charlotte aux États-Unis. J'ai grandi dans un cocon familial idéal. C'est vrai, mes parents étaient tout ce qu'il y a de plus normal. Ils nous aimaient, mes sœurs et moi, nous ne manquions de rien. Tout au long de ma scolarité, j'ai été le petit impulsif qui énervait tout le monde, mais qui s'en sortait tout de même en cours. Ce qui était d'autant plus énervant. À part ça, la vie était bonne. Je m'entends très bien avec mes parents et surtout mon père. Nous avions la même passion pour le football américain, alors il m'emmenait souvent à des matchs et on s'amusait énormément. J'appréciai toujours ces moments entre hommes car avec toutes ces filles à la maison c'était pas simple ! Et la vie continuait son cours et j'ai connu mes premières petites amies, elle étaient toutes très gentilles. Il fallait dire que si elle ne plaisait pas à mes sœurs et ma mère, elle le savait tout de suite la pauvre. J'essayais tout le temps d'être le plus gentleman possible, de me comporter comme mon père avec ma mère. Il était mon modèle. Puis arriva celle dont je suis tombé amoureux fou. Je m'en souviens comme si c'était hier, même si je pense ne pas l'oublier de sitôt. C'était à l'université, je l'avais bousculée dans un couloir et j'ai eu un coup de foudre, tout simplement. Sur le coup, je me suis dit que c'était cliché et un truc de film, un truc de nana. Mais lorsqu'elle m'a dit qu'elle ressentait la même chose, j'ai plongé malgré moi. Seulement, ça n'a pas duré plus d'un an, tout s'est arrêté d'un coup, sans prévenir. Un jour, il y a eu une fusillade sur le campus et elle fut dans la ligne de mire du tueur. Cela aurait pu ... cela aurait dû être moi. J'étais fatigué et je n'ai pas voulu aller chercher quelque chose pour elle. La dernière chose dont je me souviens c'est qu'elle me souriait en passant la porte en me disant que j'étais chiant.


Dans la vie, contrairement aux échecs, la partie continue après échec et mat.

Et puis, elle était partie. Elle n'était tout simplement plus là. Souvent on dit que le deuil se déroule en six étapes plus ou moins longues : le déni, le refus, la peur, la culpabilité, la dépression et l'acceptation. Le pire c'est que ceux qui disent cela, ils ont totalement raison. Tout d'abord, ce fut le déni. Dans ces moments-là, tu ne peux pas croire ce qui t'arrive. Tu ne veux pas te dire que cela t'es arrivé, pas à toi. Tu ne peux pas penser que vous vous étiez séparés deux secondes plus tard parce qu'elle voulait aller chercher une bouteille d'eau et que, toi, tu n'avais pas envie de bouger pour l'accompagner. C'est en ne voulant pas accepter ce qui arrive que le refus apparaît. Il est souvent en étroite relation avec le déni et la séparation est très mince. Seulement le refus est une sorte de début de prise de conscience. En refusant ce qui vient d'arriver, tu sais que tout ce qui passait est vrai. Que tu ne la reverras plus. Mis à part sur de vieilles photos et vidéos, parce qu'il ne faut pas se leurrer, avec le temps tu commenceras à oublier son visage, il deviendra de plus en plus flou. Au début, tu te dis que tu pourras jamais oublier ce visage que tu as si souvent regarder, que tu as aimé. Mais ça arrive, tu commences par oublier la forme exacte de ces joues, ces sourcils, ces lèvres et la dernière chose que tu oublieras sera ses yeux. Et là, tu auras peur. Peur de ne pas retrouver une personne comme elle parce qu'à ce moment-là, elle était tout pour toi. Alors, tu t'accroches à l'idée qu'elle te regarde d'en haut, qu'elle te pardonne de ne pas l'avoir accompagné parce que pour toi c'est ta faute. Quand tu perds la personne qui compte le plus pour toi, tu te désignes toujours comme le fautif et tu culpabilises, surtout que là JE devais être à sa place. Tu en arrives à te faire plein de films, à te demander comment cela se serait passé si vous étiez sortis du lit dix minutes avant, à penser que tu aurais dû y aller pour elle et que c'est elle qui aurait dû t'attendre. Mais tu sais que rien ne la ramènera et que tu es seul maintenant. Eh oui, parce que si tu avais eu de la chance, tu aurais été le genre mec qui avait de la famille pour te soutenir. Eh oui, parce que figure-toi que toute cette histoire, le fait de ne pas vouloir d'aide, n'a fait qu'éloigner les gens que tu aimes. Alors, oui il y a personne pour te consoler, t'aider et te faire remonter la pente. Et pour cette raison, tu t'enfermes dans ton malheur et vient la dépression. Tu déprimes parce que tu sais plus quoi faire et tu te dis qu'avec la tête que tu as maintenant tu fais encore moins envie. Alors, tu te mets à boire et parfois tu prends des drogues. Tu fais le tour des soirées et des boîtes de nuits. Tu bois à en plus finir. Tu bois pour oublier ta peine et au début ça fait du bien, quand tu es complètement soûl. Mais voilà le matin et la tête de bois et l'alcool qui s'en va et la peine qui te revient en pleine face comme un coup de poing. Du coup, tu décides d'aller prendre l'air pour une fois. Et, comme un coup de main de la vie, tu tombes sur une brochure qui te donne l'envie d'un renouveau et d'une vie heureuse. Sans attendre, tu t'embarques dans cette aventure aussi soudaine que trépidante, tu te sens revivre. Et là tu arrives sur cette île magnifique qu'est Jersey et tu te dis que tu as fait le bon choix. C'est en regardant l'océan s'étalait à perte de vue et la nature verdoyante à tes côtés, que tu sais que la vie doit continuer et que tu dois vivre pour elle tant que tu le peux, parce que si elle était là, il n'y a aucun doute qu'elle t'engueulerait d'avoir foutu presque quatre ans de ta vie en l'air. C'est ce moment que tu attendais, inconsciemment, depuis le début : l'acceptation.


« Voilà maintenant tu sais tout ! Tu sais pourquoi j'avais pas envie de parler de moi, parce que ma vie a été nulle, misérable depuis plusieurs année et ça par ma faute ! » dit-il en se levant et quittant sa place avec rage, les joues baignées de larmes.»

Depuis son arrivée à Jersey, Joshua avait retrouvé un semblant de stabilité et cela lui plaisait. Il avait fait la connaissance de certaines personnes qui l'aidaient et cela lui faisait chaud au cœur car de nouveau il avait l'impression de compter dans la vie de quelqu'un. Il voulait tourner la page pour de bon et continuer à vivre sa jeune vie et Jersey était l'endroit parfait pour lui. Il s'était trouvé un petit boulot dans lequel il se plaisait et qui paradoxalement lui convenait. C'est vrai, quoi de mieux pour un mec qui s'est bourré la gueule pendant des mois et des mois que de bourrer celles des autres ? Même si parfois, en voyant un de ces doubles assit là au comptoir, il se sentait bien. Joshua savait que le moment était venu de reprendre contact avec sa famille. Le jeune homme avait enfin décidé de vivre tout simplement.