Déposant un doux baiser sur le front de sa fille, Damen lui sourit, déposa le livre qu'il venait de lui lire et se leva pour quitter l'école maternelle. C'était leur petit rituel, les matins d'école. Ils s'asseyaient dans un coin de la petite classe et le jeune homme lui racontait une histoire qu'ils choisissaient ensemble dans la bibliothèque de classe. Ensuite il devait filer travailler. Se retournant à plusieurs reprises, il aperçu sa petite princesse derrière la vitre, un large sourire aux lèvres, lui faisant de grands signes et lui envoyant des baisers. Il lui en renvoya un avant de disparaître, montant dans sa voiture direction la JIU. Voyant les heures défiler sur le cadran, il fut plus qu'heureux de voir la pause de midi arriver, bien qu'il adore lacrosse... Alors qu'il se dirigeait vers son bureau, il croisa enfin Melody, terminant son entrainement de cheerleading. Attendant que toutes les autres soient sorties, il se dirigea vers la jeune femme qui ramassait ses affaire set se planta devant elle, longeant son regard dans le sien avec un vague sourire. Depuis environ trois mois ils entretenaient une liaison secrète mais, du jour au lendemain, plus rien. Au moment où Dam développait de plus vastes sentiments... Peut-être n'aurait-il pas dû chercher plus loin, peut-être étais-ce mieux pour eux. Mais il ne se posait pas vraiment la question. « Hey... » Belle entrée en matière, bravo. Ne l'ayant plus croisée depuis un moment, il n'avait pas la moindre idée de sujet de conversation. Habituellement, ils ne parlaient pas beaucoup... Depuis qu'il avait pris conscience de son attachement grandissant pour Melody, il faisait en sorte de ne plus la voir autant. Mais, surtout, elle avait commencé à s'éloigner de lui. Enfin "commencé", cela fait déjà deux semaines qu'il ne l'avait plus qu'entre-aperçue dans les couloirs de l'université. « Est-ce que j'ai fait ou dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? » Autant entrer dans le vif du sujet rapidement ! Adosse au mur, faisant face à Melody, il attendit sa réaction dans un silence de mort.

 « Tu devrais y aller doucement avec Damen. Il est encore fragile. » Je jette un regard interloqué vers Seven.  « On ne fait que coucher ensemble. Il n'y a rien de sérieux et il le sait mais d'accord, je ferais attention. » Je lève les yeux au ciel en secouant légèrement la tête avant de reprendre mes activités.
Cette conversation, cela fait quelques semaines que je l'ai eu avec la seule personne à savoir que je couche avec le prof de lacrosse et cela fait des semaines que son avertissement tourne en boucle dans ma tête. Insinuant le doute dans mon esprit, je me suis mise à être plus distante avec lui, voir même à me cacher dès que je le voyais pour ne pas que lui me voit. J'appréhende toujours la fin des entraînements car je sais que je peux le croiser à tout instant.

Epuisée, fourbue, je file sous une douche chaude, laissant l'eau emporter avec elle mes douleurs, ma fatigue et mes tourments. L'entraînement de ce matin n'a pas été de tout repos. La nouvelle chorégraphie pose certains problèmes encore mais ce n'est pas mon soucis. La douche fini, je rejoins mes amies pour m'habiller.
 « Tu viens manger Melo ? »  « Allez-y sans moi, je vous rejoins, il me manque quelque chose. » Je souris à mes amies qui me saluent de la main pendant qu'elles sortent du vestiaire. Je mets un petit moment à trouver la chaussette qui me manquait, cachée dans mon T-shirt de sport. Hum, logique. Me relevant, je suis surprise et dépourvue de trouver Damen face à moi. La voix de Seven se fait une nouvelle fois dans ma tête, à mon plus grand regret.
Je lui souris brièvement quand il me salue maladroitement et lui renvois le même genre de salutation. Cela aurait pus être à connotation coquine, comme avant mais ce n'est pas le cas, seule la gène peut s'entendre. Je vais pour lui poser les questions d'usage quand il me demande s'il a dit ou fait quelque chose qu'il ne fallait pas. Étrangement, une boule se forme dans ma gorge, m'empêchant de lui répondre immédiatement. Après un silence qui m'a paru durer une éternité, la boule se dissipe. « Non pourquoi ? C'est le cas selon toi ? » J'aurais voulu lui dire tout autre chose mais la mise en garde de Seven m'en empêche.

Dans l'expectative, les secondes s'égrenant chacune son tour comme une éternité, Damen demeurait immobile, bras croisés sur son torse musculeux, son regard fixé sur une Melody apparemment en mauvaise position. Qu'avait-il bien pu faire ? Dire ? A la voir, il était forcément coupable de quelque chose. Puis sa langue se délia, lui retournant deux questions plutôt qu'une véritable réponse. Grimaçant vaguement, il haussa les épaules, laissant son regard se promener sur chaque objet du gymnase, pensif. Et vérifiant au passage qu'ils étaient bel et bien seuls. Finalement, son regard revint se poser sur la jeune Poséidon, un sourire fugitif passa sur ses lèvres, se dissipant lorsqu’il ouvrit la bouche pour répondre. « Non... J'ai la vague impression que tu m'évites depuis quelques semaines, je me demandais ce que j'avais bien pu faire. » Il se laissa tomber sur le banc, leva les yeux vers Melody et, son regard sombre planté dans le sien, il reprit toujours sur le même ton posé, décidé à en découdre au plus vite. « Si ce n'est pas moi, c'est quoi ? » Il s'attendait à une réponse du genre "j'ai rencontré quelqu'un" ou "ce qu'on fait est mal il faut que ça cesse", bref quelque chose de concret qui le blesserait à coup sûr étant donné ses sentiments nouveaux, mais il fallait qu'il se l'entende dire. C'était sa façon d'être sûr et certain des choses, une fois qu'il l'avait entendu il pouvait l'accepter, même si cela faisait mal.

Ne pas faire de mal à Damen. Ne pas faire de mal à Damen. Je me répète ces mots tel un mantra et pourtant, je sais que je vais lui en faire étant donné la situation. Cependant, j'arrive à rester calme malgré mon envie de fuir, à moins que je veuille juste lui sauter dessus pour une round d'adieu. Non, il ne faut pas. Il faut faire comme avec les pansements, un coup sec et la douleur sera moindre.

Je l'écoute me répondre qu'il a l'impression que je l'évite avant de s'asseoir sur le banc et de me demander des précisions. Je soupire exagérément en m'adossant au casier contenant mes affaires. « Tu me fais quoi là ? Une crise ? » Retourner la situation. Lui rappeler qu'on est rien d'autres que deux adultes qui couchent ensemble quand ça leur chante est surement un moindre mal. Je regarde nerveusement autour de moi, tendant l'oreille pour être sure que l'on soit seul. « Ecoute, on a couché ensemble, je l'admets, on s'est bien amusé, mais il y a une fin pour tout. Je ne suis qu'un pansement pour toi et ça me convenait mais il est tant de passer à autre chose. »
Je souris tristement en repensant au fait que je viens d'agir comme ce bon vieux Cooper Cartwright et que Damen se retrouve dans la peau de cette chère Heather Wells. En même temps, je trouve que ma réponse n'est pas dénuée de sens et que d'avoir repris une expression d'un des livres suivant leurs aventures se prête merveilleusement bien à ce qu'il se passe entre Damen et moi.

Doucement, je m'approche de Damen et m’accroupis devant lui, posant ma main sur sa joue délicatement. « Une fois que le pansement est usé, il se retire en douceur. C'est ce que j'ai essayé de faire. Il est temps pour moi de tirer ma révérence. Ta cicatrisation est bien avancé, je ne sers plus à rien. » Malgré mes mots, je sens au fond de moi qu'ils sonnent faux, comme si une part de mon être refuse de se retirer mais pourtant il le faut.

Une crise ? Une façon comme une autre de lui rappeler qu'ils n'étaient pas officiellement -ni vraiment officieusement, en fait- ensemble. Damen soupira en haussant les épaules avant de baisser la tête. « Bien sûr que non, je veux comprendre c'est tout... » La suite le fit réagir, lui faisait relever la tête pour la regarder tandis qu’elle tentait de faire le moins de mal possible en "rompant" bien qu'il n'y ait rien de plus que le physique entre eux. Serrant les dents, baissant à nouveau les yeux, il secoua vaguement la tête. "Il y a une fin pour tout", le genre de phrases toutes faites qui, à ses yeux, n'avaient aucun sens... C'était faux, totalement faux. Oui, certaines choses ont une fin, mais pas toutes. Preuve numéro une, il aimait sa fille et cela ne cesserait jamais. Le regard toujours rivé au sol, il reprit. « Tu n'es pas un pansement Melody... » Rien de plus à ajouter, elle se trompait, c'est tout. Il avait envie de lui dire la vérité, autrement dit "Je t'aime, Melody", mais les circonstances ne s'y prêtaient pour ainsi dire pas du tout. Lorsqu’elle s'accroupit pour être à sa hauteur et effleura sa joue, il détourna la tête. « Si j’allais si mal que ça ce ne serait jamais arrivé. » En effet, cela se serait ressenti comme tromper Jade et ça c'était absolument hors de question. Oui, sa femme lui manquait toujours et ce serait sans doute le cas jusqu'à la fin, mais il ne ressentait plus ce besoin, cette sorte d'obligation, de lui rester fidèle. Il avait fini par comprendre quelle était bel et bien morte. Pour de bon. Il avait beau l'avoir vue sauter plus d'un an auparavant, ce n'est qu'à l'anniversaire de sa mort quatre mois plus tôt qu'il s'était décidé à retirer son alliance et à admettre qu'elle ne franchirait plus la porte de leur villa, que ses lèvres ne se poseraient plus jamais sur les siennes, que leur fille grandirait sans mère. Son regard, triste, revint vers Melody mais il ne dit rien. Elle avait pris de plus en plus de place, rapidement elle avait cessé d'être un "passe temps" ou une façon de se "réparer". Au fond, il se demandait si elle l'avait jamais été... « Pourquoi ? » C'était une réaction d'enfant incrédule et il en avait pleinement conscience, mais les choses ne pouvaient pas se passer ainsi. Pas maintenant. Peut-être valait-il mieux que cela arrive aujourd'hui étant donné ses sentiments naissants, mais il ne voyait pas cela ainsi.

Ho comme j'aurais aimé ne pas avoir cette discussion avec Damen. Comme j'aimerais pouvoir demander conseil à Seven pour une fois. Rompre une relation, même juste physique, n'a jamais été un problème pour moi mais là, c'est différent. Je dois faire attention à ne pas blesser Damen pour ne pas avoir une Seven énervée sur le dos par la suite. C'est dans ces moments-là que je suis heureuse d'avoir choisi de suivre des cours de psycho.
La boule toujours logée au fond de ma gorge, j'écoute Damen me répondre que je ne suis pas un pansement, que ça ne serait jamais arrivé s'il allait vraiment mal. Je ne lui en veux même pas d'avoir écarter son visage de ma main. J'aurais dû savoir que ce geste, que je voulais être apaisant, ne le serait pas forcément pour lui. Je m'éloigne donc de lui, m'asseyant sur le sol froid, le dos contre un casier tout aussi froid. J'aurais pus prendre mes affaires et m'en aller mais il mérite peut-être d'avoir des réponses à ses questions, même si je n'en ai pas la réponse.
Je déteste cette position. Pourquoi le laisser reprendre le cours de sa vie me rends aussi compatissante ? C'est la première fois depuis que je suis ici que l'idée de briser un cœur, un espoir, me fait aussi du mal mais ai-je le choix ? « Bien sur que si je suis un pansement. Au début, peut-être pas, on était juste deux personnes ayant envie de coucher ensemble. Ça aurait pus s'arrêter là mais on s'est revu encore et encore, c'est là que je suis devenue la fille te permettant de te remettre de ton chagrin. » Basculant ma tête en arrière, je soupire une nouvelle fois avant de continuer. « Maintenant, tu n'as plus besoin de moi. Et puis soit honnête, tu sais comment je suis, je ne suis pas du genre qu'on présente à sa fille. »
Je me déteste d'avoir mis sa fille sur le tapis mais il est trop tard pour retirer mes paroles. Bordel, j'aurais dû faire comme pour les autres, une rupture franche, nette et précise au lieu de la faire s'éterniser. Pourtant, au fond de moi, quelque part vraiment au fond, j'ai sûrement envie de faire s'éterniser la rupture, non par méchanceté pure mais à cause de quelque chose que je ne parviens pas à identifier. « Je suis désolée Damen, sincèrement, mais tu mérites bien mieux que ça, qu'une relation physique entre deux cours. Imagine si ça venait à se savoir, tu perdrais ton boulot et je t'apprécie assez pour ne pas avoir envie que ça arrive. » Je me relève lentement avant de continuer de ranger mes affaires dans mon sac. Non que je sois gênée qu'il voit mes sous-vêtements, il m'a déjà vu avec et même sans mais tôt ou tard quelqu'un va finir par venir ici et nous trouver. Inutile de lui faire du tort alors que c'est pour cette raison que je me suis éloignée de lui depuis des semaines malgré le manque de ses mains sur mon corps et la chaleur de son corps contre le mien.

Reprendre le cours de sa vie comme si rien de tout cela ne s'était passé ? Comme si elle n'avait pas déboulé un jour dans son bureau après les cours pour l'embrasser ? Comme s'ils ne s'étaient pas revus jour après jour ? Comme si ses sentiments pour elle n'existaient pas... L'impossibilité de la chose était claire et nette. Seulement, Melody n'en avait pas conscience. Pas encore, Damen avait hésité mais avait finalement décidé de le lui dire. Avant qu'elle ne lui fasse comprendre qu'il s'y prenait trop tard. « Je ne me remettrai jamais d'avoir vu ma femme se jeter du haut d'un pont, crois moi. » Jamais il ne s'était fait d'illusion à ce sujet, elle n'était pas un pansement car il n'y avait pas de blessure à panser. Il n'en avait même pas envie, sa souffrance était la preuve que ce qu'il avait vécu était réel, que Jade avait été là, auprès de lui, et qu'ils s'étaient aimés malgré tout. La suite lui fit secouer la tête, il n'y croyait pas. « Ne prends pas Lily comme excuse. Tu ne veux plus de ça, d'accord, mais on sait tout les deux que ça n'a rien avoir avec ma fille... » Lily était le genre de sujet à ne pas aborder, elle n'était pas une excuse. Pourtant il n'avait pas haussé le ton. Pour tout dire, il était trop occupé à prendre conscience de la réalité. Il ne répondit pas à la suite, le regard rivé au sol tandis qu’elle rangeait ses affaires. Il finit par se lever, un sourire amer passa fugitivement sur ses lèvres alors qu'il s'appuyait au casier à côté de celui de Melody. Il se mordilla la lèvre avant de prendre son courage à deux mains. « D'accord. Je lâche l'affaire, je ne te traînerai plus dans les pattes, tu n’entendras plus parler de moi. Mais avant... » Il posa doucement ses lèvres sur les siennes, le rare -si pas le seul- véritable baiser qu'ils échangeaient. Et le dernier, s'il comprenait bien. Légèrement mélancolique, il se détacha d'elle et balança son sac de sport sur son épaule, tournant les talons sans se retourner histoire de couper court à la conversation. Autant ne pas trop faire durer les adieux, à quoi bon se faire souffrir indéfiniment ? Et surtout, inutilement. Elle avait pris sa décision et, bien qu'il ait du mal à comprendre et surtout à accepter, il respectait son choix. Difficilement mais il le faisait. Son mal pour le bien de Melody, il faut savoir faire des sacrifices...

À voir Damen en face de moi, son air triste, je sais que je n'ai sûrement pas respecté le souhait de Seven mais ne rien faire aurait été pire. Tout est clair et limpide entre nous, pas de sentiments, juste de l'amusement et même si mettre fin à une telle relation ne brise pas de cœur, ça n'en reste pas moins douloureux.
Lorsque Damen me dit qu'il ne se remettra jamais du suicide de sa femme, je souris timidement. « Je n'ai jamais dit que tu t'en remettrais non plus. J'ai seulement dit que je t'avais permis de te remettre de ton chagrin, ce n'est pas la même chose, même si souvent, les deux se confondent. Voir la femme qu'on aime mourir ne s'oublie jamais mais le chagrin fini par s'estomper pour ne garder que les bons moments. C'est ce que je voulais dire, je t'ai permis d'avancer. » Quand par la suite, j'évoque sa fille, je sais que ça ne lui plaira pas mais c'est comme ça. J'ai envie de lui dire que si notre relation venait qu'à évoluer, sa fille pourrait en souffrir mais je m'abstiens, le faire ne ferait qu’aggraver les choses. Rester silencieuse est encore la meilleure chose à faire.

Je commence à être de plus en plus mal à l'aise jusqu'à ce qu'il m'annonce lâcher l'affaire. Un soupir de soulagement se fait entendre et avant que je ne puisse lui répondre quoi que se soit, ses lèvres se posent sur les miennes pour un tendre baiser. Je devrais le repousser mais je n'y parviens pas. Au fond de moi, j'ai envie de ce baiser. Lorsqu'il y met fin, je n'ai pas le temps de me remettre de ma surprise qu'il quitte le vestiaire sans se retourner. Le cœur battant à tout rompre dans ma poitrine, je m'adosse aux casiers et bien malgré moi, mes doigts se posent sur mes lèvres pour graver le baiser qu'on vient de s'échanger. Le dernier baiser d'une relation physique qui me laisse malgré tout un goût de trop peu.