Déposant -jetant serait plus correct- son portable sur son lit, June attrapa un jean gris chiné qu'elle enfila en vitesse avant de passer une veste en cuir par dessus son débardeur blanc. Habillée en deux temps trois mouvements, elle reprit son portable -ou prolongement de son bras comme on pouvait également l'appeler- et jeta son skateboard au sol, grimpant dessus direction le dortoir de Nathanaël. Sa relation avec le jeune homme était pour le moins étrange: elle qui s'était promis de ne plus faire confiance aux hommes se reposait sur lui tel un bâtiment sur ses fondations, elle avait une confiance aveugle en lui, le considérant un peu comme un frère, et à la fois comme un confident et un meilleur ami. L'homme de sa vie sans vraiment l'être. Ils s'amusaient d'ailleurs à faire croire aux gens qu'ils étaient un jeune couple, se donnant des surnoms, se tenant la mains ou piquant de fausses crises de jalousie en public rien que pour le plaisir. Une sorte de façon d'entretenir leur relation, de s'amuser et, pour Eileen, d’oublier son cœur brisé. Il connaissait tout d'elle, lisant en elle comme dans un livre ouvert et trouvant toujours les mots pour lui remonter le moral lorsqu'il était au plus bas. Il en allait de même dans le sens inverse, évidemment. Stoppant son skate devant le dortoir du jeune homme, elle le rattrapa et frappa avant d'entrer sans attendre de réponse. « Choupy ! » sourit-elle en se jetant au cou du jeune homme comme elle le faisait à chaque fois qu'ils se voyaient. Il était pour ainsi dire la seule personne à qui elle témoignait tant d'affection.

Aux yeux de June, l'amour était une chose infiniment inutile. Elle s'était laissée avoir une fois, depuis elle était la femme méprisante et antipathique que tous connaissaient. Sauf avec Nathanaël. Pour avoir la paix et surtout pour se ficher des autres et les déranger au possible, elle faisait mine d'être en couple avec lui. Pourtant cela aurait pu être vrai, si elle avait eu de véritables sentiments pour lui il aurait été l'homme idéal et elle aurait accepté d’aimer à nouveau. Seulement elle ne ressentait à son égard qu'un profond amour fraternel, ce qu’elle considérait bien plus précieux. Un frère, on ne peut pas le perdre, ça ne nous abandonne pas, ça ne nous trompe pas, ne nous remplace pas. Frappant à la porte du dortoir de ce dernier, elle n'attendit pas qu'il vienne ouvrir et pénétra dans son chez-lui avant de se pendre à son cou telle une enfant en hurlant presque son petit surnom. Elle sourit à celui qu'il lui attribua puis accueillit son baiser presque baveux avant de se détacher de lui et de grimper sur son skate-board « Allez, amène toi avant que des parasites décident de s'pointer à la plage aussi. » Des parasites, autrement dit toute autre forme d'humanité. C'est fou comme une fille totalement sociable et charmante peut devenir aussi méprisante du jour au lendemain.

Il était bien la seule personne à avoir l'autorisation de l'embrasser ainsi. De l'embrasser tout court, elle ne faisait jamais la bise à personne, détestait les bisous et n'acceptait de câlins que de la part de Nathanaël. Bien qu'il puisse se montrer particulièrement lent. Debout sur son skate, se balançant d'avant en arrière, elle s'impatientait ostensiblement. Sa réponse lui tira un air de défi. Ne j a m a i s lui faire ce genre de blague. Jamais. « GENRE ! Eh bah on va voir qui sera la limace mon chou. » Et elle disparu à vitesse grand V dans le couloir, défiant Nathanaël de la rattraper. Lorsqu'il la rejoint dans le hall de la JIU, elle se faisait sermonner pour usage de son skateboard dans le bâtiment et se retenait difficilement de rire face au visage rouge de colère du directeur. Bras croisés, toujours debout sur son skate, les lèvres pincées afin de ne pas pouffer, elle fixait le dirlo de son regard clair, un air d'ennui total et de mépris sur le visage. Lorsqu'il eut fini de la menacer de lui prendre son joujou, il s'éloigna et, jetant un regard à Nate, elle se laissa enfin aller à son fou rire. « Pfiou t'aurais vu ça tête choupy ! », s'exclama-t-elle entre deux éclats de rire

Nath n'avait pas la moindre chance de la battre. De un car elle avait son skateboard et lui rien, de deux car quoi qu'il pisse se passer elle ne le laisserait absolument jamais prendre l'avantage. June Morin ne perdait jamais, autrement elle pétait un plomb et on en entendait parler durant des semaines. Elle était mauvaise, très mauvaise perdante. Arrêtée au milieu du hall par le dirlo, elle l'écouta à peine, grimpée sur son skate sans montrer la moindre intention d'en bouger. Il pouvait se brosser. Lorsqu'il se fut éloigné et que son ami la rejoint, elle leva les yeux au ciel en éclatant de rire. « Sérieux, le mec a manqué de me tuer parce que j'fais du skate dans les couloirs. » Elle imita l'expression outrée et autoritaire du directeur avant de rire une nouvelle fois. Puis elle laissa son ami lui prendre la main et, elle debout sur son skateboard et lui marchant à côté, ils reprirent leur petit bonhomme de chemin direction la playa. « Alors, comment se passe la vie de môsieur ? Tu ne me trompes pas, dis moi ? », plaisanta-t-elle en faisant allusion au fait qu'ils formaient un faux couple, paraissant vrai aux yeux de beaucoup. Pour s'amuser, être tranquilles avec cela et puis pour embêter les autres. Au fond, elle se fichait pas mal qu'il sorte avec d'autres, voir qu'il ai des conquêtes d'un soir,... Elle le faisait bien, sans s’inquiéter le moins du monde de briser leur image de petit couple. Ce n'était qu'une image, un jeu de rôles en quelques sortes, et cela faisait belle lurette qu’elle avait cessé de s'en faire pour ce que les autres pouvaient bien penser.