Cela fait maintenant quelques jours que j'ai mis fin à ma relation avec Damen. Je sais que j'ai fait ça pour lui, pour ne pas qu'il s'attache à moi plus que de raison mais depuis, je ressens comme un vide. J'apprécie Damen et ne plus le voir me rend triste, comme s'il avait pris plus de place qu'il aurait dû dans ma vie. Même pendant les entraînements, je ne le vois pas alors qu'avant, je l'apercevais quand même.
Marchant dans le couloir entre deux cours, je prends les affaires dont j'ai besoin dans mon casier et repose les autres pour ne pas m'encombrer quand je l'aperçois dans mon champ de vision. Je me tourne vers lui en souriant. « Bonjour coach. » Je m'attendais à un « bonjour » poli de sa part mais même pas, comme si je n'existe pas alors qu'il salue d'autres étudiants qui le saluent. Soupirant de frustration, je claque la porte de mon casier avant de me précipité vers lui.
Arrivant quelques pas derrière lui, mon cerveau passe en revu les différentes options d'approches que je pourrais utiliser mais toutes me semblent dérisoires ou puérile. Pendant des semaines, je l'ai évité et maintenant qu'il m'ignore, je sais ce qu'il a dû ressentir et je dois dire que je ne suis pas vraiment fière de moi pour le coup. Je soupire à nouveau avant de presser le pas afin d'être à sa hauteur. « Coach Steadworthy, je pourrais vous parler ? C'est important. »

Depuis sa rupture -appelons cela ainsi bien qu'il n'ait jamais été question de couple- avec Melody, Damen évitait soigneusement de passer par le gymnase lorsqu'elle s'y entraînait avec les cheerleaders de l'université. Il l'évitait également dans les couloirs de la JIU mais, malgré les nombreuses fois où il y avait songé, il n'avait toujours pas supprimé son numéro de son répertoire. L'après-midi où il avait enfin obtenu des explications et fini à nouveau abandonné par celle qu'il aimait, il s'était dit qu'il supprimerait toute trace de Melody dans sa vie, histoire de lui donner moins d'importance qu’elle n'en avait réellement... Il n'y parvenait pas. Cela devenait un véritable cercle vicieux: sa fille s'était rapidement rendue compte qu'il n'était pas au mieux, et il s'en voulait de lui faire ce coup là, de ce fait il se torturait encore plus. Et ainsi de suite. Balançant son sac de sport sur son épaule, il sortit du gymnase et força un sourire à l'air -seulement l'air- sincère à l'intention des étudiants qui le saluaient joyeusement. Il avait le même âge que la plupart d'entre eux, pourtant il leur enseignait son sport et mis à part quelques réfractaires, tous le respectaient. La plupart étaient au courant du suicide de sa femme, l'histoire ayant fait la une des journaux, et se montraient presque trop compatissants, en venant à lui demander des nouvelles de Lily. Répondant à chaque salut, lorsqu'il croisa Melody il eu une seconde d'hésitation, un cours circuit au niveau de son cerveau. Puis il l'ignora exactement comme il s'était promis de le faire. Elle était partie, apparemment pour lui alors, pour lui, mieux valait qu’elle reste loin. Pressant le pas, il l'entendit pourtant arriver dans son dos et ralentit, comprenant qu'il ne servirait à rien de fuir. « Je vous écoute. » Vous, cela paraissait tellement stupide de la vouvoyer... Adossé au mur, bras croisés, il n'avait pas vraiment l'intention de bouger de là.

Une boule me noue l'estomac de me retrouver qu'à quelques centimètres de Damen. Il n'y a pas que sa présence qui me trouble, il y a aussi le fait d'être dans l'attente d'un acceptation à parler de sa part. Quelle que soit sa réponse, je sais que je l'accepterais, après tout, je sais que je lui ai fait plus de mal que de bien.
Quand il accepte qu'on se parle, j'aurais préféré qu'on aille ailleurs mais je comprends rapidement que je devrais lui parler ici, dans le couloir. Cela peut paraître bizarre mais j'aurais vraiment préféré qu'on s'isole, histoire de pouvoir parler plus tranquillement. Toutefois, je respecte son choix, à moi maintenant de formuler mes phrases de façon à ce que ça paraisse aux oreilles indélicates, une conversation banale.« Je... Hum, je voulais savoir comment vous alliez et je voulais aussi m'excuser. » Bien malgré moi, j'ai envie de le toucher, de poser ma main sur sa joue. D'ailleurs, ma main s'est levée, s'arrêtant à mi-chemin, sans savoir quoi faire. Je regarde un instant cette main qui voulait me trahir avant de la plaquer contre mon corps.« Écoutez, laissez tomber, ce que je voulais dire n'a pas d'importance. Au revoir Coach, passez une bonne journée. » Je me maudis intérieurement de ne pas savoir trouver les mots pour lui dire que j'aurais aimé qu'on reste ami. Certes, je sais qu'il est difficile d'être ami avec quelqu'un avec qui on a couché mais j'ai du respect pour lui, bien plus que j'en ai eu pour les autres alors le voir sortir de ma vie, même si je l'ai décidé, me fait du mal.

Afin de ne pas aborder un sujet trop douloureux ni entrer dans les détails de leur ancienne relation, Damen avait décidé de se planter au milieu du couloir bondé pour écouter ce que Melody avait à dire. Réaction stupide entre toutes étant donné que tout ce qu'il attendait depuis près d'une semaine c'est qu’elle lui adresse à nouveau la parole. Tout en espérant pouvoir l’oublier, contradictoire le petit bonhomme, pour changer... Elle n'avait plus qu'à banaliser leur conversation afin que cela paraisse  un échange des plus normal entre un professeur et une étudiante aux oreilles indiscrètes. Autant ne pas se griller alors qu'il n'y avait plus rien entre eux. Comment il allait ? Hum... mal. A en juger par les cauchemars qui avaient repris du service, par le peu de sommeil cumulé en une semaine et la tête qu'il tirait presque continuellement, vraiment mal. « Je doute qu'une réponse sincère soit des meilleures à entendre. » finit-il par lâcher d'un air tout à fait détaché. Voyant son geste s'amorcer, le jeune homme frémit imperceptiblement. Puis elle laissa retomber sa main et il se crispa encore plus. « Melody... » Il lui saisit doucement le poignet et attendit qu'elle ait levé les yeux sur lui avant de la relâcher. « Ça a de l'importance. » Si pas pour elle, au moins pour lui. Même s'il n'avait encore aucune idée de ce qu'elle voulait lui annoncer. Le Coach déglutit difficilement avant de reprendre: « Venez avec moi. » Il la mena jusqu'à un coin reculé du hall où plus personne ne passait à cette heure et s'assit sur un banc, posant son regard sombre sur elle pour qu’elle reprenne.

C'est la première fois que je me sens aussi mal à l'aise face à Damen. Enfin, la première fois si on oublie le moment dans les vestiaires où je lui confirmais l'arrêt de notre relation. Je ne peux lui reprocher son ton froid et sa posture mais ça me bloque pour lui parler alors je préfère renoncer en lui demandant juste comment il va alors que ça se voit sur son visage. Je décide de ne pas lui réponde. Après tout, lui dire qu'au contraire, je voudrais qu'il soit honnête et qu'il me dise que je lui ai fait bien trop de mal alors que je le sais déjà, je ne sais pas si je le supporterais.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine lorsqu'il m’attrape le poignet alors que j'allais partir. Je reste un moment à fixer ce contact loin d'être anodin avant de lever les yeux vers lui. Un sourire timide se dessine sur mon visage lorsqu'il dit que ce que j'ai à lui dire a de l'importance et qu'il me demande de le suivre. Isolés des autres, je laisse le silence s'installer de manière douloureuse avant de le rompre.« Je suis désolée de t'avoir fait du mal, j'ai agi trop tard et je ne le comprends que maintenant. J'aurais dû écouter Seven. » Apuyée contre le mur, je me risque à couler un regard vers lui avant de fixer un point face à moi.« Je sais que c'est égoïste de ma part mais j'aurais aimé qu'on essaie d'être ami. Je t'apprécie vraiment Damen, que tu le crois où non, et le fait que tu m'ignores me rends triste. » Le nœud de mon estomac se resserre au lieu de se desserrer. Je suis honnête avec lui, du moins en partie et avant de l'être totalement, il faut que je le sois avec moi-même, ce qui est loin d'être le cas.

Damen avait besoin de savoir. Même si cela paraissait totalement supide étant donné son attitude des derniers jours et son envie de cesser pour de bon de souffrir, il voulait absolument entende ce qu'elle avait à lui dire et c'était très important, capital, à ses yeux. Etant donné les souvenirs s'y rattachant, il préférait oublier son bureau au profit d'un lieu plus ouvert, mais pas pour autant moins reculé. Il s'assit lourdement sur le banc, autant dire qu'il s'y laissa tomber, exténué par sa journée, et posa son regard sombre et profond sur la jeune femme en attente de sa déclaration. Fronçant les sourcils, il jeta un regard interrogateur à Melody lorsqu’elle évoqua Seven. Il y avait un moment de cela, avant son mariage, la naissance de sa fille, le suicide de sa femme, sa dépression,... il sortait avec la brunette. Il l'avait d’ailleurs laissée tomber pour Jade, qu'il avait épousée peu après. Sans rancune, ils étaient devenus très bons amis lorsqu'elle l'avait aidé à sortir la tête de l'eau en lui rappelant qu'il avait désormais la responsabilité de Lily. « Seven ? Qu'est-ce qu’elle a avoir avec ça ? » Il ne comprenait pas vraiment d’où sortait le prénom de son amie, qu'avait-elle avoir avec ce qui les concernait eux ? Si cela l'avait surpris, la suite fut pire encore. Il n'était pas persuadé d’avoir bien entendu. Il en serait tombé s'il n'était pas déjà assis. « Amis ? T'es sérieuse Melody... ? » Déconcerté ? Euphémisme mes amis...

Le regard dans le vide, je tente de faire abstraction des sentiments et des pensées qui m'assaillent. J'ai fini par lui dire que j'aurais aimé qu'on soit ami et que j'aurais dû écouter Seven, ce qui semble le surprendre. « Elle a à voir qu'elle te connaît mieux que moi et qu'elle sait qu'elle genre de fille je suis. » Je risque un coup d'oeil vers Damen avant de soupirer légèrement et reposer mon regard sur un point imaginaire devant moi. « Ta femme est morte récemment et elle sait que tu en as souffert, elle ne voulait pas qu'à mon tour je te fasse souffrir sauf que je me rends compte qu'il est trop tard. » M'excuser de faire du mal à un homme n'a jamais été mon truc depuis quelques années mais là, je ressens vraiment le besoin de le faire. Je sens au fond de moi que Damen n'est pas comme les autres relations que j'ai pus avoir et c'est pour ça que j'aurais aimé que ça se termine bien entre nous. Pourtant, à en croire sa réaction, c'est loupé.
Alors que je viens faire amande honorable et tenté d'arranger les choses, je comprends, une nouvelle fois trop tard, que lui demander d'être ami n'était pas la chose à faire.« Je suis sérieuse mais je vois que tu ne le souhaites pas et j'accepte. » Je reste un moment immobile et silencieuse avant de me reprendre. Je me redresse et j'ajuste mon sac sur mon épaule avant de reprendre la parole. « Inutile de continuer cette conversation je pense alors bonne journée à vous Coach et rassurez-vous, je n'encouragerais plus vos joueurs pour que vous n'ayez plus à me voir. » Je sais que je suis radicale mais puisqu'il m'évitait, je doute que d'aller encourager l'équipe de lacrosse lors de leur match soit une excellente idée.