On ne peut rien cacher à Eleanor Callaghan, et encore moins une tentative de suicide. Je savais parfaitement grâce à un ami de l'hôpital que Sawyer avait craqué et s'était balancé du haut d'un toit. Il s'était abandonné à la mort comme un sale lâche. Bien que je n'osais plus remettre les pieds à Jersey, j'avais gardé quelques yeux là-bas par l'intermédiaire des amis de mon grand-père. Oui, car les autres ne sont pas fiables, personne ne l'est dans cette université. J'avais reçu un appel une semaine plus tard, m'annonçant la nouvelle « Eleanor ? Oui c'est Emerson, tu sais je suis interne à l'hôpital de Jersey... ». Je venais de l'avoir au téléphone la veille, alors j'avais répondu sèchement « Ouais ouais je me souviens, quoi ? ». Je me laissais tomber sur mon lit alors qu'il me lançait Il y a un Bringstone de la JIU qui est arrivé il y a une semaine. J'ai demandé des détails « Il est tombé d'un toit et...», j'ai jeté le téléphone et j'ai couru aux toilettes pour vomir le mince déjeuner que j'avais avalé. Mon cœur se serrait tellement fort dans ma poitrine que j'eus l'impression que j'allais m'étouffer et m'évanouir. Il avait juste voulu se foutre en l'air... Tomber d'un toit, putain quelle connerie. J'ai tenté de poursuivre ma petite vie à Paris, en pensant juste à lui, en espérant qu'il allait s'en tirer bien que cela était loin d'être son souhait... Qu'il devait espérer voir sa sœur au détour d'un long couloir lumineux, Lola, lui tendant la main pour qu'il puisse enfin la rejoindre. Quoi, deux jours plus tard, je faisais de nouveau mes valises pour retourner sur cette maudite île, pour reprendre ma vie d'avant. Discrètement, juste avant la fin des visites, je passais voir Sawyer, plongé dans son terriblement coma et dans un sale état. Pour ne pas avoir la larme à l’œil, je cherchais la haine qui grouillait au fond de moi, cette haine qui se logeait au fin fond de mon âme à cause de son geste, pour me contenir et le détester au lieu de m’apitoyer sur son corps inerte, sur ce foutu lit d’hôpital. Je restais dix minutes, j'embrassais délicatement son front, et je m'en allais... Je l'ai fais jusqu'à ce qu'il se réveille. Et je ne suis plus venue lorsque ce fut le cas.

J'avais complètement oublié ma vie d'étudiante, ma vie sociale, mon importance chez les Zeus... Je m'étais totalement renfermée sur moi même. Pas seulement à cause de Sawyer, mais à cause de mon frère, de ma nouvelle vie, de mon état psychologique. Je crains les lieux publics, je déteste les lieux publics... Me confronter aux gens que je ne connais pas, qui me regardent, qui me frôlent... Non, c'est impossible, je ne peux plus, je n'en suis plus capable pour l'instant. La fusillade m'a traumatisée, c'est un fait. Ce soir, il faisait plutôt frais, même carrément froid. Il devait être un peu plus de vingt heures et il faisait déjà sombre. J'enfilais un gilet aussi léger que mon top noir en dessous, j'attrapais mon nouveau téléphone pour envoyer à Sawyer, en masqué un texto URGENT. Rejoins moi à la falaise près de Saint Ouen's bay, tu ne le regretteras pas. L. . Signé L... Il viendrait, je le sentais, j'avais bien fais de signer de manière aussi intrigante. L pour Lea, mon surnom, bien entendu, mais cela pouvait être quelqu'un d'autre. Passons. Je me rendais donc à la plage, le vent froid offrait un spectacle magnifique une fois en haut de la falaise. On pouvait voir de grosses vagues s'écraser lourdement sur les rochers en bas... C'était sublime. Mais je n'étais pas là pour profiter du paysage, non. J'attendais Sawyer... Mes cheveux courts virevoltaient dans tous les sens alors que je regardais l'heure sur mon téléphone très rapidement avant de le ranger dans ma poche arrière. Cela faisait tellement longtemps que je ne l'avais pas vu... Enfin, le VRAI Sawyer, pas cette pâle copie entourée de machines. Je m'asseyais au bord de la falaise, pliant mes jambes pour poser ma tête sur mes genoux, ne craignant pas une bourrasque traitre qui pourrait me bousculer. J'étais frigorifiée mais peu importe, il fallait que je me venge... Alors j'attendais patiemment, le regard perdu dans l'horizon troublé par une sorte de brume, une larme roulant sur ma joue... Etait-ce le froid ou l'idée de voir Sawyer... Ou encore ma solitude, mon état qui me rongeait... Je n'en savais strictement rien, mais ma manche l'essuya d'un trait.

La vie de Sawyer était brisée, depuis bien longtemps mais davantage depuis qu'il avait tenté d'y mettre fin. Il était vivant et c'était là où était le problème. Il aurait préféré partir et rejoindre Lola plutôt que de vivre encore et encore. Depuis sa sortie de l'hôpital son quotidien était toujours le même et ça avait le don de l'agacer. Tous les deux jours il avait droit à une séance chez le psy pour juger de son état, ses séances se résumaient à rien..il ne parlait pas hochait soit négativement, soit positivement de la tête en guise de réponse, aucun mot ne sortait de sa bouche et ça ne valait pas uniquement qu'avec le psy. Ensuite il avait des séances de rééducation cette fois tous les jours, avec une jambe cassée et boiteuse, un bras qui faisait des siennes, et une côté brisée il avait bien besoin de ces foutues séances. Il souffrait à chaque mouvement, mais ça lui rappelait si amèrement qu'il avait fait tout ça pour Lola, et que s'il était encore vivant c'était uniquement parce que sa cadette avait jugé bon de le laisser vivre.. Et tous les jours une infirmière passait dans son dortoir pour lui faire ses pansements, un test d’alcoolémie ainsi qu'une prise de sang pour vérifier qu'aucune drogue ne circulait dans son sang. Mais rien n'arrêtait jamais Sawyer, n'allez pas croire qu'il ne buvait et ne fumait plus simplement il faisait attention aux heures durant lesquelles il consommait toutes ses substances mortelles. Quand il n'était pas à l'hôpital, il était seul, dans son dortoir. Il avait interdit l'accès à quiconque, même Jaliyah qui lui avait sauvé la vie. Car oui, si la brunette n'avait pas appelé les secours, si elle n'avait pas été tous les jours auprès de lui et si elle ne s'était pas montrée parfois trop insistante auprès des médecins il ne serait plus de ce monde actuellement. Et c'était justement ça qu'il lui reprochait. Il aurait préféré être laissé pour mort plutôt que de vivre dans ces conditions. Sawyer était allongé sur son lit pendant que l'infirmière lui faisait un nouveau pansement sur sa jambe. Chaque fois qu'elle le touchait c'était un supplice, il se mordait les poings jusqu'à sang pour ne pas hurler de douleur, mais c'était soit ça, soit être allongé sur un foutu lit d'hôpital entouré de toutes ces machines. Bringstone avait voulu sortir absolument quelques semaines seulement après son réveil, trouvant le temps trop long entre les quatre murs blancs. Les médecins avaient accepté mais avec certaines conditions, un chantage qui ne plaisait pas toujours à Sawyer. Ce dernier soupira quand l'infirmière eut fini de prendre soin de lui, beurk ce terme lui donnait envie de vomir ! Il avait horreur que l'on prenne soin de lui. Elle l'aida à le relever et par respect et avec du mal il se leva et l'accompagna jusque la porte. Voilà, il était de nouveau avec sa solitude. Hélas se fut d'un court instant, il reçut un message, il attrapa son portable sur sa table de chevet tout en se posant sur son lit, et lut URGENT. Rejoins moi à la falaise près de Saint Ouen's bay, tu ne le regretteras pas. L. C'était signé L. Directement il pensa à Luxie, elle devait être au courant de sa tentative de suicide, et il n'allait pas perdre une seconde pour la rejoindre. Mais si ce n'était pas elle, qui cela pouvait-il bien être ? Lea..Eleanor.. Et là il n'eut plus l'ombre d'un doute, il était certain que c'était elle. Il savait qu'elle était de retour sur Jersey bien qu'elle ne soit pas encore en mesure d'affronter la dure réalité qui s'offrait à elle. Sawyer voulait la voir, comme si dorénavant sa propre drogue serait elle. Le jeune homme attrapa sa veste et la mit sur ses épaules, il fourra son portable dans sa poche, ainsi que son paquet de cigarettes puis il prit ses béquilles et quitta son dortoir. Bringstone savait que sans béquille il n'arrivait pas à marcher, les médecins lui avait dit qu'il ne marcherait plus jamais comme avant...
Sawyer sortit du taxi qui venait de le déposer au bas de la falaise, c'était dangereux d'escalader tout cela, mais il savait que c'était pour la bonne cause, que c'était pour elle. Avec beaucoup de difficultés il commença à grimper, manquant de tomber chaque fois qu'il se heurtait à un rocher. Ses béquilles l'aidaient un peu au moins. Il fut enfin arrivé en haut, et elle était là. Ce n'était pas Luxie mais Lea comme il l'avait prédit. Son coeur fit un énorme bond dans sa poitrine, cela faisait longtemps qu'il n'avait plus ressenti ces émotions, qu'il ne l'avait pas vu, qu'il ne l'avait pas senti. Il ravala sa salive, tant il était submergé par les émotions qu'il ne trouvait pas les mots. Même les douleurs dispersées un peu partout sur son corps il ne les sentait plus, Eleanor était son remède. Sawyer avança encore un peu pour être à quelques millimètres d'elle si bien qu'il pouvait sentir la respiration de la jeune femme lui souffler au visage, il appréciait tant qu'il en oublia de dire quelque chose. Pris d'un élan, il s'aida de ses béquilles pour atteindre les douces lèvres qui l'appelaient tant de Eleanor, et il scella son irrésistible envie de la retrouver par un baiser. Il souffrait, mais il adorait ça. Simplement, il profita du moment sachant que d'une seconde à l'autre tout allait basculer.

J'attendais toujours Sawyer, en espérant que je ne m'étais pas trompée et qu'il allait bel et bien venir. Je me tourne soudain en entendant des bruits de pas, ceux de quelqu'un qui boite sur la roche. Je me pris comme une sorte d'énorme gifle en le voyant dans cet état, en le voyant là, près de moi. Le vent vint me fouetter le visage, illustrant parfaitement l'idée de la gifle à cet instant, alors que je laissais échapper un « Saw... » totalement inaudible. Je ne m'attardais pas trop sur lui, ne l'inspectant qu'une fraction de secondes, ce qui fut déjà trop. Je me mis à imaginer l'état dans lequel il avait dû arriver à l'hôpital, son état psychologique... Un court instant, je me mis à penser que si j'avais été là, j'aurais pu l'empêcher de se foutre en l'air mais finalement, non. C'est Sawyer Bringstone, celui qui guette la mort et qui veut s'offrir à elle. Mais je me demandais sérieusement ce que foutait Luxie, n'ayant aucune idée de ce qu'elle devenait. Trop de choses se bousculaient dans ma tête, et le voici à ma hauteur, s'aidant de ses béquilles. J'étais frigorifiée, je ne cessais de frissonner depuis que j'étais arrivée, mais ce fut des frissons différents qui parcoururent tout mon corps en sentant ses lèvres se poser sur les miennes. Mon coeur battait à tout rompre, j'avais même envie de pleurer tellement cela m'avait manqué... Il venait de combler en une seconde le vide que j'avais ressenti durant ma longue absence. Mais ce baiser avait un goût amer pour moi. Sans son ou sa sauveuse, Sawyer n'aurait jamais pu m'embrasser ainsi. Et toute ma rancune revint en moi. Après l'avoir laissé goûter à mes lèvres assez longtemps, je me reculais et me relevais. « Contente que tu sois venue malgré ton... état. », lâchais-je en l'examinant enfin de haut en bas. Froidement et d'un air moqueur, mais sans méchanceté envers lui, je riais jaune en ajoutant « On m'a dit que t'étais tombé d'un toit. C'est pas de chance ça. ». Je me mordais la joue en répliquant, comme-ci j'avais eu l'occasion de lui parler et qu'il m'avait lui même ouvertement balancé ce mensonge dans la face « On me la fait pas à moi... ».

Je passe ma main dans mes cheveux, tentant de les dégager de mon visage, mais cela eut l'effet inverse. Je les jetais violemment sur le côté en me rapprochant de Saw, m'éloignant un peu du bord, haussant le ton à cause de la tempête et de ce fichu vent, et de la colère qui montait un peu plus chaque seconde « Pourquoi t'as fais ça !? HEIN ?! Et ta soeur !? T'allais l'abandonner comme une merde ?! T'es un égoïste Saw. Un PUTAIN d'égoïste ! ». Je sais qu'il s'était accroché pour Luxie depuis bien trop longtemps, mais pourquoi avait-il craqué comme ça ? Que s'était-il passé ? Qu'est-ce qui avait mit le feu aux poudres ? J'avais bel et bien l'attention d'obtenir des réponses... Sans faire exprès, je balançais sur le tapis notre relation, notre "amour" maladif, notre passé particulier, en le pointant du doigt, crachant mes mots tel du venin « Et t'allais te foutre en l'air sans rien me laisser, sans un mot... Moi aussi t'allais m'abandonner comme un sale lâche ?! Dieu merci t'es un incapable, t'es même pas foutu de te suicider avec succès ! ». Je gesticulais, agitant mes bras à chaque exclamations, totalement hors de moi. Mon sang bouillonnait, j'avais l'impression de devenir folle tellement je tentais de me contenir, tellement j'avais la haine, tellement je lui en voulais... Je n'arrivais pas à réaliser qu'il aurait pu réussir sa tentative et qu'il aurait pu sortir de ma vie pour toujours. Et ça, je sais pas comment je l'aurais vécu. Très mal, sans doute. Je lui jetais un regard noir, laissant des larmes couler et s'écraser violemment sur le sol... J'avais retenu ces larmes trop longtemps et elles étaient bien trop lourdes pour prendre le temps de rouler sur mes joues pales et gelées. Je m'approchais de lui, posant mon doigt sur sa poitrine, au niveau du coeur, peut-être allais-je lui faire mal mais je n'en avais rien à faire. Je le regardais droit dans les yeux, à quelques centimètres de son visage « Tu peux pas savoir à quel point j'ai eu PEUR putain !  », j'appuyais mon doigt sur son coeur « J'étais morte d'inquiétude, j'ai pas fermé l'oeil jusqu'à mon arrivée sur cette île. Je dors même pas, je me demande quand est-ce que t'auras de nouveau la force de te refoutre en l'air. Je te déteste, Bringstone. Pour tout ce que tu m'as apporté, et pour tout ce que t'allais me retirer en agissant comme ça. ». Je me mis à sangloter, baissant la tête et la posant doucement sur son épaule dans un moment de faiblesse avant de me redresser et de reculer pas à pas, lentement, jusqu'au bord de la falaise où j'étais installée avant qu'il n'arrive. Puis je le fixais... séchant de manière violente mes larmes, m'irritant les yeux au passage, mais je m'en foutais pas mal.

Les décisions que prenaient Sawyer tous les jours étaient loin d'être les meilleures, mais au contraire elles étaient pires que toutes, il en avait conscience bien évidemment et jamais il ne les changerait même s'il pouvait revenir en arrière. Comme sa tentative de suicide, si c'était à refaire pas une seule seconde il n'hésiterait. Tant de fois il s'était imaginé l'adrénaline que procurait la mort, mais jamais il n'aurait imaginé à quel point il allait l'adorer, il en devenait ivre, tout comme il était ivre de Eleanor. Et la voir face à lui le mettait dans des états totalement lamentables et fous, le plus merveilleux fut lorsqu'il put enfin poser ses lèvres contre les siennes. Ce chaud contact mais à la fois dur, ça lui arrachait le coeur et la petite voix dans sa tête lui disait d'arrêter, de repartir car ça allait mal finir. Mais en fin de comptes, il aimait que ça finisse mal, il voulait que ça finisse mal. En haut, tous les deux sur la falaise, pourquoi ne pas sauter ensembles et se donner la mort ? Eleanor lui reprochait d'avoir été un égoïste, mais elle pourrait être égoïste avec lui en sautant. Sawyer ne parlait plus, même lorsqu'il vit Lea il n'eut pas la force de dire son prénom. La seule fois où il avait parlé lorsqu'il était sorti du coma c'était à Jaliyah et Tiphaine, et aux médecins pour ordonner sa sortie, et depuis plus rien. Les seules choses qui sortaient de lui, étaient ses larmes de douleur. Il détourna les yeux et les posa au sol en entendant de nouveau la voix de la belle blonde après qu'ils eurent échangés ce baiser tant désiré. Sawyer se mordit l'intérieur de la lèvre, peiné de ne pas pouvoir lui répondre, mais en même temps elle ne lui en laissait pas l'occasion surtout après l'énervement qui suivit. Jamais il n'avait vu Eleanor comme ça, jamais il n'aurait pensé qu'elle puisse lui dire toutes ces paroles, jamais il n'aurait pu croire qu'elle serait peinée s'il mourrait. Chaque mot qu'elle lui disait, étaient des pics, des décharges électriques qui le faisaient frissonner et bizarrement ses nombreuses douleurs revenaient. Saywer commençait à ne plus sentir sa jambe, il dut même s'appuyer davantage sur sa béquille lui provoquant de ce fait une douleur à la côte, son bras lui faisait mal également et sa tête tournait atrocement, mais il écoutait et analysait les moindres mots qu'elle disait. Eleanor commença à pleurer et à son tour il pleura. Tout comme les larmes de la demoiselle, celles du Bringstone étaient violentes, et lui irritaient la peau c'était douloureux de pleurer mais pas aussi douloureux que le doigt qu'elle posa sur son coeur, du moins ce qu'il en restait. Il voulut avoir un mouvement de recul, mais il n'en eut même pas la force. Il aurait tant aimé la prendre dans ses bras et la serrer fort comme il l'avait déjà fait dans le passé, mais s'il lâchait ses béquilles, le sol allait être son nouveau compagnon. Elle s'appuya contre son épaule, il se tordit de douleur tant le poids d'une autre personne était difficile à supporter, loin de dire que la jeune femme étai lourde, simplement vu sa faiblesse il n'était pas en mesure de supporter qu'on le touche. Mais il profita de cette douleur, pour lui rappeler qu'elle était réelle, qu'elle s'était bel et bien énervée sur lui et qu'ils pouvaient pleurer tous les deux. Eleanor se recula, et Sawyer baissa les yeux, il ne parlait pas, il n'y arrivait pas. Cela allait être pire il en avait pleinement conscience, mais cela faisait des semaines qu'il n'avait pas ouvert la bouche, même à son infirmière il ne parlait pas. Bringstone se racla la gorge tout en relevant la tête et pour la première fois depuis des semaines il mit fin à son supplice du silence. « Luxie est partie, elle m'a abandonné, comme toi... » Le moindre mot était une douleur pour lui, mais il lui devait bien ça. « Laisse moi..finir..s'il...te plait.. » lui dit-il pris d’essoufflement « Tu sais l'attachement que j'ai pour la mort... Vivre dans un monde sans Lola est pire que la mort... Et être contraint de vivre sans Lola et Luxie c'est...il n'y a pas de mots... Alors quand tu trouves une issue, que tu penses aller mieux..mais qu'au final tu la perds...tu te dis que tu n'as plus rien...Tout le monde me pensait incapable de sauter du haut d'un toit comme je l'ai toujours dit...et pourtant je l'ai fait.. Si je suis encore ici aujourd'hui.. c'est un coup de chance...mais la chance n'arrive qu'une fois..» Sawyer prit une pause afin de remettre ses esprits en place et surtout de reprendre son souffle, étant donné qu'il avait parfois du mal à respirer à cause de sa côte. « Si j'avais péri, si je ne serais pas devant toi..je sais que tu aurais finis par m'oublier... Je suis voué à l'oublie, je suis un poids pour le monde...et je ne mérite pas de vivre...En sautant j'aurais abrégé tes souffrances..celles de Luxie..de Jaliyah..de tant d'autres personnes...et j'aurais combler les miennes en rejoignant Lola...Visiblement je ne suis pas une assez grosse enflure pour la vie..j'ai le droit à une seconde vie..Mais comment ?... J'ai plus aucune force, rien qu'escalader cette falaise c'était comme me demander de décrocher la lune..la lune j'ai volé à côté d'elle durant quelques secondes d'ailleurs...et ça, ça n'a pas de prix...» Sawyer baissa les yeux, ne pouvant plus parler, trop ému par ses paroles et par la réalité de son échec de tentative de suicide.

J'attendais avec impatience que Sawyer me réponde, mais le beau brun tardait à faire entendre le son de sa voix. Il est devenu muet en plus ?! pensais-je, ne voulant pas le dire à haute voix pour le blesser... Paradoxal, vu ce qui l'attend. Puis enfin... Sa voix rauque parvint à mes oreilles et mon cœur prit la décision de s'emballer une nouvelle fois sans que je ne puisse le contrôler. Tout son être m'avait manqué. Ses bons et mauvais côtés, ses bras, ses lèvres, son parfum, ses manies, ses airs, son regard auquel personne ne pouvait résister... Et sa voix. Celle qui m'avait hurlé dessus, balancé les pires insultes comme les plus beaux et surprenants compliments, les plus beaux chuchotements dans mes oreilles pendant nos ébats... Je me ressaisissais, sortant de mes pensées pour m'exclamer « Partie ? Quand ça ? Pourquoi ?! ». Je fus choquée d'apprendre la nouvelle, de savoir que cette petite si bienveillante à l'égard de son frère, si adorable, ma protégée ose laisser son frère, suicidaire qui plus est. Luxie a été, depuis la mort de Lola, le seul et mince fil qui retenait Sawyer à la vie. Alors comment avait-elle osé ? Décidément, je la connaissais mal la petite blonde. Qu'elle ne compte pas sur moi si jamais il lui prend l'envie de revenir ici... La Callaghan ne pardonne pas une telle erreur. Alors que je me demandais pourquoi Lux' était partie, j'eus un hoquet de surprise en me remémorant Sawyer, se plaignant que je l'avais abandonné « Comme... comme moi ? », je fis de grands yeux « Arrête c'est faux, je t'ai pas abandonné Sawyer ! ». Je fis un petit rire forcé, complètement abasourdie « Tu vas aussi me dire que je suis en partie, responsable de ton geste.. », n'importe quoi. C'était tout simplement ridicule. Je fus coupée dans mon élan par Sawyer qui tenait à terminer. Je croisais donc les bras en le fixant, le regardant d'un air du genre bah vas-y je t'écoute !.

J'écoutais attentivement ses propos qui me touchaient. Je savais parfaitement, enfin je pouvais imaginer, le connaissant très bien, la douleur qu'il éprouvait chaque jour en se réveillant, sachant sa pauvre Lola dans un autre monde, et maintenant son autre sœur je ne sais où. Comment voulez vous qu'il tienne. Quand il me parla d'issue, j'arquais un sourcil pour dire sur un ton proche du mépris « Une issue ? C'était quoi cette issue ? La drogue peut-être ?! Tu peux plus te fournir c'est ça. ». Je le dévisageais avant de lâcher « Personne ne te croyait capable de sauter d'un toit ? C'est des conneries, tout le monde ici sait que ce que tu dis, tu le fais. En réalité, ce "tout le monde" dont tu parles, c'est toi qui n'arrivait pas à te convaincre. Tu savais pas si t'étais capable de le faire, alors tu t'es bien défoncé et t'as enfin trouvé le courage après toutes ces années de le faire. ». Soupirant et passant ma main sur mon front je reprenais, prenant soin de planter mon regard dans le sien pour déballer d'un air triste « Sache qu'il y a des gens qui naissent pour vivre malheureux. Il y a des gens qui naissent pour prendre des coups dans la gueule tous les jours, et qui doivent se relever et supporter... Puis tout simplement attendre que la fameuse roue tourne. La Mort est une sadique, et croit moi qu'elle se délecte du spectacle de ta vie. Jamais elle ne t'aidera à passer de l'autre côté Sawyer, jamais. Alors laisse tomber. ». J'avais prononcé cette dernière phrase en fronçant un peu les sourcils, comme pour l'implorer d'arrêter ses conneries...

J'aurais vraiment mieux fait de lui couper la parole, de l'empêcher de se servir du souffle qu'il venait de reprendre. Sa voix était mélancolique, mélodieuse, magnifique, envoutante mais j'aurais aimé ne pas l'entendre, pas pour dire des choses aussi stupides. Je hurlais « STOP ! Ca suffit Sawyer !! T'en sais rien du tout !! T'es pas moi, tu sais pas ce que je ressens ! ». Tout en pleurant, continuant de m'agiter, enragée je me laissais totalement aller « J'adorerais pouvoir te cracher que oui, j'aurais pu t'oublier, que t'es qu'un con sans importance ! J'adorerais pouvoir dire que je n'ai pas failli m'évanouir en apprenant que t'avais tenté de te suicider, dire que j'ai pas quitté Paris et mes problèmes pour te rejoindre le plus vite possible, ou même dire que j'ai pas failli prier l'Autre pour que tu ouvres tes yeux et que je botte le cul. Mais ce serait mentir. Alors ordonne tes pensées, arrête de faire des conneries et de te traiter comme une merde. Si t'es entouré, c'est qu'il y a une raison. ». Je commençais à m'éloigner de Sawyer afin de ne pas oublier le but premier de ce rendez-vous « Tu le sais aussi bien que moi, le vrai Sawyer c'est pas une enflure. T'aimerais que ce soit le cas, mais c'est qu'une façade. Regardes toi, tu pleures, c'est pour dire... Tu l'as approchée d'assez près, fous lui la paix maintenant à la Lune. ». Tout en reculant, d'une voix cassée je poursuivais, en reprenant ses paroles « Abréger mes souffrances, je peux le faire toute seule. Maintenant, sous tes yeux. Et moi, j'y arriverais, parce que je sauterais d'une falaise avec des rochers énormes en dessous... Pas d'un misérable toit. ». Je le regardais, les pieds à ras du bord de la falaise, je me penchais à peine pour dire d'une voix neutre, en parlant fort pour qu'il puisse m'entendre « C'est fou comme c'est haut et comme la mer est déchainée. Elle est comme moi aujourd'hui, tiens. ». Je n'avais pas l'intention de me suicider, mais je voulais que Sawyer se sente mal, qu'il se mette à ma place... Parce que peut-être étais-je absente lors de sa tentative de suicide, mais lui allait être aux premières loges... Ou peut-être en avais-je envie finalement, qui sait ce qui me passe en tête... j'ai vu la mort de près à la rentrée, du sang partout, comme dans mon enfance quand j'ai trouvé le corps de ma mère... Que de mauvais souvenirs.

Il était tout à fait difficile pour Sawyer d'aligner ses idées, d'ouvrir la bouche pour parler, chacun de ses mots étaient un supplice qui le brisait intérieurement, le pire dans tout cela était les réactions de Lea.. Il savait que les confidences qu'il lui faisait n'allaient pas lui plaire, mais elle voulait de la franchise et il allait être franc comme il l'avait toujours été envers elle. Sawyer savait parfaitement que Eleanor et sa soeur étaient proches, et il se doutait bien que cela devait être un choc pour la jeune Zeus d'apprendre que sa petite protégée avait laissé son frère, seul, sans plus aucun point d'attache.. Sawyer hocha positivement de la tête en guise de réponse, il n'avait pas la force de parler et de dire quelque chose. Malgré la situation plus que tendue il aimait voir la Callaghan devant lui, son petit air hautain, ses mimiques parfaites et la façon qu'elle avait de lui crier dessus. « T'es partie aussi...du jour au lendemain...» Donc pour lui c'était un autre abandon. Un lien inexplicable les lier, et en partant elle avait emporté une part de lui, une part de cette nuance d'amour qu'il pouvait ressentir, cette attraction et cette espérance afin de continuer à vivre.. Il grimaça, baissa les yeux, dégoûté de lui même, de lui faire du mal en osant lui reprocher ses propres gestes aussi malsains et égoïstes puissent-ils être. « Non..ma tentative je la dois uniquement à moi.. » Voilà qu'il affrontait la vérité, depuis longtemps il voulait se donner la mort, il n'en avait jamais eu le courage, mais il suffisait qu'une multitudes d'évènements apparaissent dans sa vie pour qu'il ose enfin vivre son rêve. Et Sawyer se rendit compte qu'elle n'y comprenait rien, personne ne le comprenait alors pourquoi était-il encore en vie, si pour lui c'était un fléau ? Sawyer ne pouvait même pas essuyer ses larmes à cause de ses béquilles, qui pour lui étaient un signe de faiblesse, pas seulement mentale mais physique aussi. « Mon issue c'était...toi, Lea... » dit-il avec une grimace sur la bouche, tant c'était douloureux d'ouvrir son coeur. Sawyer pourrait toujours se droguer, même si tous les jours il devait se rendre à l'hôpital pour des tests, rien ni personne ne pourrait lui ôter ce plaisir, ces furtifs instants où il était dans sa bulle, où il était le maître du subconscient. « T'as peut-être raison...j'avais sûrement peur de la mort et des ses conséquences...mais sache une chose, le jour où j'ai sauté...je n'étais pas plus défoncé que les autres fois...alors n'apportes pas de jugements..sans avoir pleinement connaissance des faits...»  Même sa voix qui d'habitude était pleine de sournoiserie et mesquinerie était à peine audible, c'était un murmure qui se mélangeait au souffle du vent. « Je peux dire que je fais parti de ces gens malheureux alors... Que oui..toute ma vie, tous les jours je me prends des coups...certains plus durs que d'autres...j'y prends plaisir mais à un moment donné ce n'est plus suffisant... J'ai besoin de plus..plus que des pensées...j'veux sentir la Mort frôler mon corps..mon esprit...et mon âme..» Sawyer faisait bien attention aux mots qu'il employait, car chaque mot avait une signification dont lui seul en connaissait les limites. Eleanor hurla sur lui, mais tant il était dans une souffrance qu'il ne fit pas la différence avec celle qu'il ressentait déjà. Cette nouvelle décharge électrique était juste une parmi tant d'autres.. « Vraiment..ça me touche que t'es fait tout ça pour moi..mais...je n'en vaux pas la peine...tu aurais dû rester sur Paris...Si je me traite comme une merde ce que j'en suis une alors ne cherche pas à me faire croire des conneries...Tu parles...T'es là mais tu souffres autant que moi...alors je préférerais être seul ou mourir encore une fois...plutôt que de te voir pleurer...» Sawyer n'était plus le même homme, partagé entre tellement de sentiments que ce n'était même plus cette homme craint de tous qui méprisait tout le monde. La seule chose qu'il méprisait était sa propre personne, pour ne pas avoir été apte de mourir correctement. « Non..tu parles de l'ancien Sawyer...celui que tu n'as pas connu...celui qui vivait heureux avec sa famille à Londres... Me fiche de pleurer..les larmes qui ruissellent sur mes joues j'ai plutôt l'impression que c'est du sang... Laisse moi espérer encore un peu de l'approcher de nouveau..cette Lune... » Bringstone vit la jeune femme reculer, et les paroles qu'elle lui lança fut comme des coups de couteaux sur tout son corps. Mais il ne bougea pas pour autant, il était même prêt à sauter avec elle si elle lui demandait, et même prêt à ressauter à sa place... « Lea..» articula t-il en s'approchant d'elle, alors que cette dernière s'approchait de plus en plus du bord. Après mûres réflexions il ne voulait pas qu'elle saute, pas pour lui, il n'en valait pas la peine, il était un désespoir à lui tout seul, un partisan le plus fidèle de la Mort, alors il ne méritait pas ça et il était la dernière personne sur terre qui pouvait accepter le fait que l'on se tue pour lui, personne ne souhaitait une chose pareille et encore moins Sawyer. D'ailleurs il repensa aux paroles de la belle, sauter du haut d'un toit était assez faible, mais d'une falaise ça devait être le pied, cela pouvait procurer bien plus d'adrénaline..Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ? En sautant du haut de cette falaise il aurait de source sûre rejoins la mort, en se noyant dans un bain de sang mélangé à l'eau d'un océan déchainé comme ses yeux humidifiés. « Ne fais pas ça...s'il te plait..je t'en conjure...n'agis pas comme moi...ne sois pas celle que tu ne devrais pas être... t'es pure...et t'as tellement de choses à vivre...tellement de personnes à combler...Je te supplie de ne pas sauter...» Et sans même s'en rendre compte il avait rencontré le sol, ses genoux avaient claqué la roche, lui provoquant une douleur insupportable, il sentit tous ses os craquer mais cela n'était rien comparé à la douleur qu'il ressentait suite aux menaces de Lea qui voulait se donner la mort, comme il avait pu le faire.. Bringstone leva les yeux vers elle « S'il te plait..arrêtes...»

Je fronçais les sourcils, secouant la tête comme pour essayer de me remettre les idées en place. Seul le départ de sa sœur aurait dû être considéré comme un abandon et ma disparition n'aurait dû être qu'un simple départ. Mais il avait dramatisé et donné plus d'importance à mon départ, et ça, je ne le comprenais pas. Etais-je aussi importante que Luxie dans sa vie ? Enfin, différemment, bien entendu. Ne sachant quoi dire, je laissais passer un long blanc avant de répondre en butant sur chaque mot « Je... suis désolée si mon départ brutal t'a affecté. Je pensais pas que tu ressentirais quelque chose et encore moins que tu prendrais ça pour un abandon... ». La suite ne fit que me troubler un peu plus. Mon cœur loupa même un battement. Je restais figée un moment, pour être sûre que le vent n'avait pas déformé les propos de Sawyer en les rapportant à mes oreilles. Il n'avait pas été traitre, non, pas du tout... J'avais bien entendu... C'était moi son issue. Je balbutiais quelques mots pour me donner un peu de contenance alors que j'avais pâlis en entendant ses propos « Moi ? T... Ton issue ? C'est... c'est faux, ne me mens pas Saw. Je t'en supplie, pas là dessus... ». Je me mis à culpabiliser, à réfléchir encore plus que je ne le faisais déjà. Si Sawyer ne mentait pas, il ressentait la même chose que moi... C'est surréaliste, impossible. Ma tête me disait de ne pas m'emballer, mais mon cœur fit exactement le contraire, m’essoufflant sérieusement. Quelque part, j'espérais que c'était vrai, j'espérais être aussi importante pour lui même si cela m'effrayais un peu. De manière agressive, je répliquais « Bien sûr que j'ai raison !! Et j'en ai rien à taper de combien de joints t'as fumé, de combien de bouteilles t'as vidé, de combien de merdes t'as sniffé !!! Le fait est que tu as sauté, c'est tout ce qui importe !! Le reste des faits, je m'en fou totalement Sawyer ! ». Il aurait pu y passer et tu lui hurles dessus, pensais-je involontairement... Je n'entendais plus que ça, j'avais l'impression que le vent me bourdonnait mes pensées dans les oreilles, j'allais perdre la tête si ça continuait. J'avais envie de lui sauter dessus, de l'embrasser, de le supplier de ne plus jamais refaire des choses stupides... mais non. Ce serait trop simple, ce serait refouler trop de sentiments, ce serait lui cacher la vérité sur l'importance qu'il avait pour moi. Je pense qu'il était temps de se confier un peu, vu les événements récents. Je soupirais, croisant les bras, agacée mais cependant compréhensive, ne le méprisant même pas, mais tentant plutôt de le détourner de ses envies suicidaires, tentative sans succès, je le savais bel et bien mais j'aurais regretté de ne pas essayer. Je continuais de hausser le ton, pleurant toujours, gesticulant toujours autant, furax « Tu l'as sentis bordel ! T'as assez joué avec le feu, ça suffit maintenant... T'as kiffé, tu t'es éclaté sur le sol, tu t'es vidé de ton sang, tu t'es fais du mal, t'as frôlé la mort... J'crois que c'est bon, t'as eu ce que tu voulais ! Tu l'as frôlée, ça suffit, c'est terminé. », concluais-je avec un geste de la main.

Je m'approchais pour essuyer ses larmes et lui caresser la joue, en disant d'une manière un peu plus douce « Tu penses vraiment que je perdrais mon temps si tu n'étais qu'une merde, Sawyer ? Je ne cherche à te faire croire rien d'autre que la vérité. Même quand tu m'as fais ce sale coup il y a moment, si j'ai été déçue c'est parce que je savais que tu valais mieux que ce rôle de salopard que tu te donnes... Je suis pas du genre à mentir et tu le sais mieux que personne. », j'esquissais un sourire qui disparaissait aussitôt « Je sais que j'ai l'air d'une fille sans cœur mais quand même, j'allais pas rester là-bas alors que tu étais dans un tel état. Pas question de t'abandonner... Et si t'étais... si t'étais... mort, j'aurais même pas été à tes côtés... Non impossible, j'aurais pas pu faire comme-ci de rien n'était. », secouant rapidement la tête en l'entendant dire je préférerais être seul ou mourir encore une fois...plutôt que de te voir pleurer..., « Dis pas ça... Je veux en aucun cas que tu t'en ailles... Et ces larmes, je les retiens depuis tellement longtemps, si tu savais... Tu n'es pas entièrement responsable alors ne dis plus de telles choses Saw, pitié... », dis-je en baissant la tête.

Je m'approchais de plus en plus du bord, à reculons, n'ayant pour seul repère l'image de Sawyer s'éloignant un peu plus chaque seconde. Les cheveux dans le vent, je le fixais, le regard vide, l'écoutant à peine, détournant parfois le regard pour regarder le paysage. Je me demandais si quelque chose allait réussir à me pousser à sauter ou si j'allais me désister. Si j'en avais vraiment envie, ou si c'était juste pour me venger de lui. Si le "vent allait tourner" et finalement me foutre en l'air alors que je n'en avais pas vraiment l'intention... Bref, en attendant, je ne cessais de pleurer. Les larmes coulaient tellement que je ne les sentaient plus, c'était devenu naturel. Je ne faisais que pleurer et mes lèvres avaient désormais un goût salé. Je le regardais, penchant un peu la tête, demandant en le dévisageant « Et pourquoi devrais-je t'écouter ?! Tu l'as bien fait toi ! Alors que tu savais que des gens allaient en souffrir. Genre ta sœur, genre Lola qui souhaiterait certainement pas voir son grand frère faire une telle connerie et y passer. Oui tu déteste qu'on prononce son nom, c'est blasphémer, c'est un drame, parler en son nom j'imagine même pas dans quelle rage ça peut te mettre mais c'est un fait... T'es censé être un exemple, encore aujourd'hui ! Et abandonner après tout ce que t'as subit tu crois que ça la rendrait fière ? Et Luxie aussi peut-être ?! Et tes amis... Et... Moi dans tout ça ? J'étais pas à l'autre bout du monde, Sawyer... J'étais seulement à quelques kilomètres, en une heure de ferry j'étais à tes côtés... ». Soudain, je me mis à rire en entendant Sawyer parler de moi ainsi. Je le coupais immédiatement, secouée d'une crise de larmes je balançais en me cassant la voix « Pure ? Des personnes à combler ? Depuis le berceau je suis seule, si on oublie Teddy. CA c'est des conneries. Tu sais, à l'âge de seize ans, j'ai été confrontée au suicide. J'ai trouvé ma mère dans sa baignoire, pleine de sang, les veines tranchées, le sol blanc était recouvert d'une épaisse flaque rouge. Elle avait les yeux grands ouverts et quand je suis entrée, la lame est tombée dans la flaque. J'ai assisté à son dernier souffle. Et tu sais pourquoi elle a fait ça ?! Parce que c'était une connasse d'égoïste qui voulait rejoindre mon père. Et jusqu'à présent, je n'ai rien fait, j'ai fais comme-ci de rien n'était, je n'ai pas versé une larme, rien. Et pourtant, j'ai cette image qui me hante tous les jours, personne le sait. Personne ne sait qui je suis, personne ne sait ce que j'ai vécu. ».

Je mis ma tête dans mes mains, tentant de me calmer et regrettant d'avoir raconté ce souvenir si traumatisant. Je reprenais en passant une main sur mon visage « Oula oui j'ai tellement de choses à vivre. Continuer des études de merde, sursauter à chaque bruit violent, chaque casier claqué. Rester enfermer dans la résidence de mon grand-père, parce que j'ai peur des gens. Combler... Combler qui, hein ? Ceux qui profitent de moi ?! J'ai l'impression d'avoir perdu mon frère, j'ai failli vraiment te perdre, et je n'ai personne. PERSONNE. Eleanor Callaghan, tout le monde aime la détester, mais personne n'aimerais apprendre à creuser, à l'aimer... Comme je l'ai fait avec toi... Et le pire, c'est que j'ai l'air de m'en plaindre, mais je m'en tape, je veux pas qu'on m'aime. Je veux qu'on me foute la paix. Alors si tu crois que ce genre de phrase toute faite va me faire changer d'avis... T'as tout faux Saw... ». J'avais tellement été convaincue toute ma vie que traiter les gens comme de la merde était la meilleure façon de faire, que l'argent et la popularité devaient forcément me transformer en garce sans cœur que je m'étais moi même isolée et coupée des gens biens de ce monde. Et au final, je me complais dans mon malheur, dans ce masque de terreur du campus... C'est mon seul moyen d'exister, de compenser, d'extérioriser mes souffrances... La cruauté, l'arrogance... C'est tout ce que j'ai. Alors que je m'étais tournée pour faire une remarque sur l'océan, je reportais mon attention sur Sawyer, qui était agenouillé, sa béquille tombée un peu plus loin. En temps normal je l'aurais aidé, mais pas là. Ca ne prendrait pas, oh que non. Je l'observais un long moment alternant entre le vide et Saw, avant de lâcher simplement « Très bien. ». L'espace d'un instant, je donnais l'impression d'avoir renoncé... Mais pas du tout. Je sortais de ma poche une petite lame bien tranchante. Restant toujours au bord de la falaise je reprenais « Alors avant je vais procéder comme ça. Quel bras est blessé chez toi... », je vis rapidement quel bras était bandé. Je retirais mon gilet que je laissais s'écraser sur le sol avant de poser la lame sur mon avant bras, n'ayant pas l'intention de me trancher les veines mais juste d'extérioriser ma souffrance. Je le vis écarquiller les yeux pendant que je descendais lentement la lame sur mon bras, laissant une marque qui devint rapidement rouge, laissant quelques gouttes de sang s'échapper de la plaie. J'y allais doucement au début, mais à vrai dire, j'accélérerais sans doute la cadence tellement je ne sentais rien « Tu préfères ça ?! », lançais-je en pleurant, le regardant toujours à genou.

Pourquoi la vie de Sawyer était si compliquée ? Il aurait été plus facile pour lui de mourir, il n'aurait pas regretté d'être venu et de devoir faire tous ces aveux.. Eleanor s'excusa mais cela le blessa beaucoup plus qu'autre chose, il ne méritait pas qu'on s'excuse pour lui, il ne méritait rien. « T'excuses pas pour moi, ne fais pas preuve de pitié.. C'est moi, je détruis tout le monde et t'es partie alors.. je comprends.. » Faux ! Il ne comprenait pas pourquoi elle était partie, après tout ce qu'ils avaient vécu, leur relation et leur lien étaient bien trop puissants pour se lâcher mais elle l'avait fait, elle était partie sans rien lui laisser juste le souvenir, un fichu souvenir qui n'avait pas était assez vivant en lui pour qu'il se rattache à ça.. Elle le prenait pour un menteur... Comment osait-elle penser qu'il n'était pas sincère avec elle, alors qu'il l'avait toujours été ? Son coeur échappa un battement, malgré son piteux état il sentit l'énervement lui monter, mais il ne fallait pas qu'il parte dans une colère destructrice. Il serra un peu plus ses béquilles pour se retenir, il ne voulait pas s'énerver, il ne voulait pas qu'elle s'éloigne même s'il avait compris qu'il était trop tard et que sa Lea n'était plus la sienne justement. « Je n'ai pas l'habitude de mentir..et encore moins à toi. » dit-il avec difficulté. Un point était certain, il ne s'était pas énervé contrairement à ce que lui même aurait pu croire, mais il s'arrachait le corps en serrant comme un malade ses béquilles. Et elle éleva la voix, une fois de plus sur lui. Sawyer ne voulait pas qu'ils se disputent, il aurait voulu l'embrasser avec le peu de force qu'il avait, lui murmurer qu'elle lui avait manqué, mélanger ses larmes avec les siennes, et ne faire qu'un avec elle.. Mais non, il fallait que leur relation soit écrite sur des points d'exclamations et des cris ! Il voulait lui dire de se taire, d'arrêter de lui hurler dessus car ça lui donnait une migraine, mais il ne voulait pas la blesser davantage et si elle lui criait dessus c'était pour son bien. Alors qu'il ne lui répondait, il lui accordait raison, hors d'après lui il avait toujours raison. A présent il ne la regardait plus dans les yeux, avait la tête baissé sur cet océan déchainé. Il reprit la parole et quand il parla de la mort, il fut pris d'une force soudaine, sa voix n'était plus faible mais comme celle du Sawyer d'avant. « Je veux plus que seulement la frôler.. Je la veux pour moi ! Tu comprends où je dois recommencer ? Putain, j'en ai marre de cette vie merdique, marre de voir tous les jours ces mêmes têtes de cons, de faire toujours les mêmes choses, de toujours devoir dépendre de quelqu'un, de m'inquiéter pour Luxie, de ne plus voir ma Lola et surtout je n'en peux plus de moi. T'as vu dans quel état je suis ? Je ne tiens pas debout sans ces machins ! Tous les jours j'ai des soins, j'vais voir psy pour ne rien dire, j'ai des séances de rééducation qui me font souffrir plus qu'autres chose, je peux plus boire, ni fumer, ni sniffer, c'est pire que la prison Lea, pire que tout ! Alors oui je n'en ai pas assez. » Et là sa respiration se fut plus rapide, il n'avait même plus de souffle, tellement il avait tout donné, pour se justifier et lui faire comprendre son point de vue qui était le pire qu'il puisse y avoir.

Eleanor lui essuya ses larmes, et Sawyer fut pris d'un frisson. Lea, et ses mains, ses douces mains qui l'avaient tant de fois caressé le long de son corps... « Tu essayes de te convaincre toi même que je suis un type bien, mais c'est faux.. Je ne mens pas non plus et tu le sais...Alors Lea, crois moi tu perds ton temps. » Il avait repris son calme, son souffle était plus lent et ses mots plus pesants. Saywer lui avait ouvert son coeur, mais visiblement la jeune femme n'aimait pas ça, elle n'était peut-être pas assez convaincue, peut-être qu'elle pensait qu'il n'était pas franc et sincère.. Tout comme elle, il fit un sourire qui disparut aussitôt, il baissa la tête, huma son odeur pleine d’innocence. « Si j'étais mort comme tu dis cela serait mieux pour tout le monde. Mais ce n'est qu'une question de temps, bientôt je ne serais plus là.. Pleurs alors, surtout si ça ne tient pas qu'à moi... » Il ne trouvait même pas les mots tant son esprit regorgeait de souffrance.

Le fait de voir Lea s'approcher de plus en plus du bord, lui faisait de plus en plus mal. Pourquoi voulait-elle faire comme lui ? Il tenta de lui dire qu'elle faisait une erreur, mais non elle ne l'écoutait pas et il se revoyait des semaines auparavant sur le point de sauter aussi. Tous les deux ils faisaient bien la paire ! Et il entendit le prénom de sa soeur. De quel droit osait-elle prononcer ce prénom digne.. Son coeur chavira, et Eleanor se justifia comme si elle savait les reproches que voulait lui faire Sawyer. « Lea ne parle pas d'elle comme si elle était là, comme si t'avais raison... Lola est morte, Luxie est partie et toi tu étais aussi partie... Et là tu me demandes de ne pas vouloir me tuer pour elles... Des amis ? Tu crois vraiment que j'ai des amis.. Laisse moi rire plutôt, j'ai personne ici... De qui tu parles au juste ? Je ne suis pas l'exemple à suivre..plus maintenant...je l'étais mais là je ne le suis plus... Les temps changent et les gens aussi et quand tu perds un être cher tu ne penses plus a être un exemple...en fait tu penses à rien... T'as juste l'impression qu'on t'a enlevé quelque chose..Lola en partant a enlevé la meilleure partie de moi, elle voulait me garder pour elle...et en me tuant elle m'aurait eu rien qu'à elle... » Et là se fut le drame pour le Bringstone, il entendit Lea lui parler de son enfance et il ressentit de nouveau cette violente souffrance lorsqu'il avait appris la mort de sa soeur. Mais le pire était l'aveu de la belle Callaghan qui lui avouait ne pas avoir pleuré lors de la mort de sa mère. Merde c'était sa mère, la femme lui ayant donné la vie pas n'importe qui et elle lui disait tous les détails de quoi le dégouter un peu plus.. « Je...je ne savais pas Lea... Je suis désolé.. Il n'y a rien de plus horrible que de voir quelqu'un mourir...J'ai été la dernière personne à serrer Lola vivante, et quand tu sais ça..tu ne te regardes plus comme avant...je crois savoir ce que tu ressens.. Je comprends même pourquoi tu as de l'attachement pour Teddy... Mais si ta mère a fait ça, c'est par amour, comme moi je veux le faire pour Lola.. Alors comprends moi si je veux ne plus vivre et je serais "un connard d'égoïste qui veut rejoindre sa soeur." » Sawyer utilisait les mêmes mots qu'elle, peut-être que ça aurait plus d’impact et qu'enfin elle allait comprendre son choix.

Bringstone baissa les yeux en l'entendant parler. Et là il eut l'impression de se reconnaitre dans la description qu'elle faisait d'elle même. Sauf qu'il ne sursautait jamais et qu'il n'avait peur de rien, puisque pour lui affronter la mort était comme tout affronter. Il voulait la préserver ne pas qu'elle se tue, mais il l'avait bien fait lui, alors pourquoi ne pas aborder dans son sens, et enfin comprendre que Eleanor Callaghan pouvait souffrir autant que lui, lui qui avait toujours été égoïste, qui avait méprisé tout le monde durant toute son existence, voilà qu'il commença à se mépriser. Mépriser pour avoir faiit enduré ça à la femme pour qui il s'était épris, pour qui il aurait pu donner sa vie, tant les émotions l'embaumaient qu'il avait touché le sol, et c'était pour lui touché le fond, montrer à sa douce blonde qu'il était faible et qu'elle avait gagné. Elle voulait mourir, eh bien qu'elle meure, mais qu'elle l'emporte aussi. Il ne trouva pas les mots, mais il n'allait pas résonner une peine perdue.. Elle enleva son gilet et s'entailla le bras, le même que le siens et Sawyer se tordit de douleur, il avait mal pour elle. Qu'avait-il fait à la terre pour mériter de souffrir ainsi ? Était-ce sa punition pour avoir voulu la quitter ? Il devait payer mais pas par l'intermédiaire de Lea.. « Lea... » dit-il le souffle coupé. Sawyer chercha ses béquilles, et quand il les trouva il fit tout son possible pour se relever et devenir le plus imposant possible. Durant l'espace d'un instant il la regarda pour lui montrer qu'il allait se battre, et qu'il s'excusait ne demandant que son pardon. Mais c'est Sawyer Bringstone, pas le dernier des crétins qui prend peur devant un peu de sang. Il marcha doucement vers elle, et se pointa juste devant. Il lâcha sa béquille qui s'écrasa dans la mer comme un déchet, et s'appuya fortement sur sa deuxième. « Tu veux souffrir ? » Sawyer attrapa le bras blessé de Lea, et le caressa au niveau de la plaie pour ensuite appuyer là où elle s'était ouverte. Il espérait qu'elle souffre, de toute manière il le ressentait car lui aussi souffrait. « T'as assez mal ou tu en veux encore ? » Sawyer relâcha le bras de la jeune femme, et mit son index plein de sang devant son nez et en huma l'odeur. Sawyer était devenu si détestable, le diable qui sommeillait en lui s'était enfin réveillé. Il posa ses lèvres sur celles de Eleanor, et déploya ses ailes d'ange déchu et il la fit basculer dans la vide, la gardant près de lui. A deux ils basculèrent et tombèrent dans l'océan déchainé. Et comme par miracle, ils ne se lâchèrent pas, Sawyer ne ressentit aucune douleur, et quand il remonta à la surface, Eleanor était toujours dans ses bras. L'eau avait beau être folle, cela n'avait rien à voir avec la folie qu'il y avait en lui. Le brunet, lâcha enfin les lèvres de la belle, tentant de rester à la surface. « Alors ça t'as plu ? » Sawyer savait que leur chances étaient minimes, que peut-être en sautant ils auraient pu mourir, mais c'était ça le truc, cette excitation, cette adrénaline que l'on peut ressentir rarement dans sa vie. Et le plus beau c'était qu'ils avaient ressenti ça, ensembles et que s'ils avaient péri, ils seraient morts ensembles. Malgré le fait que Sawyer avait du mal à rester à la surface, il s'accrochait à la douce Eleanor. Ils n'étaient pas morts, effectivement c'était miraculeux. Et bizarrement Sawyer était heureux, il avait l'impression que son ancien lui faisait de nouveau parti de lui, Lola devait être heureuse de lui. Et là une grosse vague arriva, ils n'eurent pas le temps de le constater que déjà elle les avait emporté dans son tourbillon peut-être mortel. Sawyer serra Eleanor dans ses bras, il avait récupéré toute sa force, mais là se fut le drame. En voulant protéger la belle, il se cogna la tête sur la roche, et commença à saigner. Il perdit tout son souffle, tout son courage et avec douleur il regagna la surface, gardant Eleanor près de lui. Le jeune homme ne voyait qu'une solution, sortir de cet océan si excitant. Avec difficulté, il regagna le sable, bien sûr il était souvent pris par de grosses vagues qui le faisaient souffrir plus qu'autre chose mais il était en vie et avait Lea près de lui. Une fois qu'il fut assez loin de la mer déchainée, il s'étala comme un déchet sur le sable dans un long soupire. Sawyer avait vécu le plus merveilleux moment de sa vie en compagnie de Lea, qui était toujours près de lui. Sawyer souffrait beaucoup plus qu'avant certes..mais ce qu'il avait vécu était bien mieux que de la simple souffrance.

Je soupirais « Je ne fais pas preuve de pitié, ça n'existe pas chez moi, je pensais que t'étais au courant. Tu ne fais pas que détruire, je t'assure... ». Non, Sawyer ne faisait pas que détruire, ni répandre le malheur. La preuve avec moi... Il m'avait rendu heureuse, alors que c'était la dernière chose à laquelle je m'attendais. Malgré nos disputes, nos différents, nos crises... Il avait déclenché quelque chose en moi, de forts sentiments que je me pensais incapable de ressentir. Je fronçais les sourcils, me mordant la lèvre sachant qu'il avait parfaitement raison: il ne m'avait plus dit que la vérité depuis qu'il m'avait avoué pourquoi il avait couché avec moi la première fois « Ou... Ouais c'est vrai. J'aurais pas dû dire ça... Mais ça parait tellement gros que... Laisse tomber. ». Compter autant pour quelqu'un qui ne veut dépendre de personne, qui n'aime pas les gens... C'était totalement déboussolant, peut-être ressentait-il la même chose de son côté lorsqu'il allait réaliser qu'il était tout aussi important pour moi. Je levais les yeux au ciel, commençant à m'énerver sans le vouloir mais je détestais l'entendre répéter à tout va qu'il ne voulait que la mort, la mort, la mort, toujours la mort « Mais OUI Sawyer ! OUI j'ai compris !!! Que tu veux à tout prix crever, que la Mort c'est tout ce qui t'intéresse ! Que tu détestes le monde entier, que tu te détestes, que t'es incapable de voir que t'es pas qu'une simple épave suicidaire, que le jour où tu mourras les gens diront "au moins maintenant il est heureux, on a été égoïstes de le retenir tout ce temps..." et j'en passe ! OUI j'ai compris, je suis pas stupide Sawyer ! Et si l'Autre n'existe pas, qui te garantis que tu vas rejoindre quelqu'un, hein ? Qui te dis que tu vas pas juste sombrer dans le néant, et basta ? Certes tu ne vas plus souffrir, tu seras six pieds sous terre mais tu seras seul si ça se trouve. J'ai bien compris à quel point tu souffrais de la perte de ta sœur, mais tu te perds dans tes rêveries morbides Sawyer... ». Je reprenais ensuite en me retenant de sangloter « Certains disent qu'on meurt, et c'est tout. Et si ils ont tort, on sera pas du côté de ta sœur, ou de ma mère... On sera chez les tourmentés. Vivants ou morts, ce sera la même chose selon moi. ». Jamais je n'avais autant parlé de la mort, de l'après, de ce genre de choses. C'était trop sérieux, ça ne me concernait plus depuis la mort de mes parents, morts qui ne m'avaient pas vraiment touchée. Si, celle de mon père mais c'est tout... Depuis, j'avais basé ma vie sur la popularité, les études, l'apparence, la méchanceté et profiter de la vie avantageuse qui s'offrait à moi. Jamais je n'avais autant été subjuguée d'idées noires.

Posant mes mains sur les joues de Sawyer, je restais ainsi pour lui dire en le regardant droit dans les yeux « Non, c'est faux. J'ai tenté de m'en convaincre il y a des mois quand on ne faisait encore que s'insulter, et avec le temps tu m'as prouvé que tu es un type bien malgré tout ce que tu peux faire, ou dire. Je suis convaincue depuis un moment déjà. Je sais que je ne pourrais pas te convaincre de ne pas te suicider, de te faire du mal... Tu m'écouteras mais tu ne m'entendras pas. Mais je veux quand même essayer. Pour certains et pour toi, ça s'appelle perdre du temps, mais pour moi, ça compte beaucoup et c'est loin d'en être une... ». Je me décomposais en l'entendant parler ainsi, je ne pouvais plus supporter ça, j'aurais aimé être sourde « Non, non Saw, c'est pas vrai ! Ce serait pas mieux putain ! Ce serait affreux, merdique, terrible... Y... Y a pas de mots ! Tu comprends !? Ce monde sans toi... Je peux pas l'imaginer, j'y arrive pas, c'est plus possible, t'es entré dans ma vie tu peux pas en sortir lâchement comme ça. Je veux pas. Tu peux pas... me balancer ça en pleine face... merde ! ». J'allais tenter de le remettre sur le droit chemin avec les moyens du bord, chose que je n'avais pas l'habitude de faire car le malheur des autres ne m'avait jamais importé. J'ai toujours pensé à Teddy et à moi en premier. Les autres pouvaient bien crever, je n'en avais rien à faire, cela n'était en aucun cas mon problème. « Luxie n'est pas partie pour toujours, Sawyer ! Je suis revenue, j'ai toujours été là malgré tout ! Rien ne t'empêchais de me joindre. Tu t'es simplement isolé, tu t'es enfoncé seul parce que c'est tout ce qui t'importe: sombrer. Raccroche toi justement au retour de Luxie, tu ne sais pas quand elle risque de revenir ! Elle dépend de toi, elle ne pourra pas vivre longtemps sans toi... Comme moi... », j'avais terminé en murmurant, comme-ci je ne voulais pas qu'il entende mes propos, mais c'était clair de toute manière. Je ne pouvais pas vivre sans Sawyer, je le lui avais dis un peu plus tôt mais le répéter me coûtait trop. « J'en sais rien, tes potes avec qui tu te défonces dans ta maison peut-être ?! Ou cette brune avec qui je t'ai déjà croisé plusieurs fois... Et puis moi. Je suis entourée de pleins de personnes, et ce n'est vraiment pas la meilleure chose... Avoir deux, trois personnes sur qui compter c'est bien assez ! », m'exclamais-je, excédée. Vois en moi un soutien de poids pensais-je, Personne ne te soutiendra autant que je le ferais. Peut-être aurais-je dû le lui dire... Vint le sujet délicat de la merveilleuse, du petit ange, de la jolie Lola, disparue bien trop tôt. Celle qui manquait tant à Sawyer, ce qui me faisait beaucoup de mal. J'avais abordé le sujet, je l'avais énervé, je le savais mais il était trop faible pour m'agresser. D'une voix douce, je demandais, pour ensuite le conseiller « Et tu te dis pas que pour honorer sa mémoire, tu devrais essayer, au moins pour toi, de te concentrer sur ton deuil, d'essayer de retrouver tout le bon qu'elle t'apportait ? Essayer de te souvenir au lieu de regretter... Arrêter de gâcher le peu de forces que tu as pour aborder sa disparition autrement... Même si ça reste horrible et insurmontable, je le sais Saw... Je sais que tu m'écoutes mais que ça aussi, tu ne l'entends pas... Mais je peux t'aider, je... ». Je préférais m'arrêter là, j'aurais voulu lui dire que je ne l'abandonnerais pas, que je ne lâcherais pas l'affaire mais il s'en rendait compte seul. Malheureusement pour lui, c'était évident que je n'allais pas lui tourner le dos. Jamais.

Je haussais les épaules en l'entendant dire désolé puis après un long silence durant lequel je tentais de me canaliser et de ne pas fondre en larmes en déballant ce que j'avais à lui dire « Eh bien maintenant tu le sais... Et par pitié, ne sois pas désolé... C'est inutile. C'est moi qui le suis... Ce que tu as vécu c'est terrible, c'était ta petite soeur et c'était un accident. C'est totalement différent et bien plus douloureux parce que c'était involontaire, imprévu, cruel pour une enfant. Moi, ça n'a rien à voir, je n'aurais même pas dû t'en parler. ». Secouant vivement la tête en l'entendant reprendre mes mots, sans doute pour me faire réagir, je répondais rapidement « On peut pas comparer le cas de ma mère, et le tiens. Tu n'as pas d'enfants à élever. Tu es un étudiant qui a, j'ai envie de dire, la vie devant lui, tu abandonnerais des amis, Luxie, et moi... Mais pas le fruit de tes entrailles. A la limite, toi je ne cautionne pas mais je peux comprendre. Elle, non, et je ne veux pas tenter de le faire, de toute façon ça ne sert à rien. ». Pensive, je penchais un peu la tête, tentant, en tant que soutien principal de Sawyer, de le comprendre puis c'était évident que j'aurais été dans le même état que lui, quelle idiote. Je lui confiais alors, le regard perdu au loin « Je me dis que si par malheur il arrivait quelque chose à Teddy, ma moitié, mon sang, mon jumeau... Je ne pourrais pas le supporter malgré tout. Je passerais mon temps à me faire du mal, je voudrais peut-être même me tuer pour le rejoindre comme tu souhaites le faire... Mais peut-être aussi que je tenterais de m'accrocher au peu de personne à qui je tiens... Voir même à la seule restante, toi, mais tu ne serais certainement plus là toi non plus... Alors, si j'ai paru méprisante, je m'en excuse, j'ai pas pensé à me mettre à ta place, j'ai jugé sans tenter de comprendre, comme souvent... ». Pour faire du mal à Sawyer, je m'ouvrais le bras sous ses yeux en espérant qu'il allait souffrir autant que moi, se mettre à ma place, puis il s'approcha. Je le regardais attraper mon bras et poser son doigt. Je me mis à hurler tant la plaie était en réalité profonde et qu'en appuyant, Saw aggravait ma blessure. Je serrais les dents, pour me taire et supporter en silence l'affreuse souffrance que je ressentais puis je le regardais, un sale sourire sur les lèvres, le mettant presque au défi de me faire du mal, lâchant essoufflée « Encore ! Vas-y Sawyer !! J'ai eu bien plus mal en apprenant que t'avais tenté de te suicider ! ».

Soudain, Sawyer posa ses lèvres sur les miennes et je me sentis basculer. Je tombais dans le vide... Non... Nous étions tous les deux, dans les bras l'un de l'autre, entrain de tomber dans le vide. Notre étreinte resta intacte même après notre chute presque spectaculaire dans cette mer déchainée. Une fois la tête hors de l'eau, je lâchais les lèvres de Saw en même temps que lui avant de tenter de regarder la hauteur à laquelle nous venions de tomber, veillant à bien rester à la surface. Je reportais mon attention sur Saw en entendant sa question et curieusement, je me mis à rire... Un rire nerveux, mêlé à de l'amusement... Un rire étrange, tout comme ce que j'avais ressentis. La mer se déchaînait, je disais alors en haussant un peu la voix pour qu'il m'entende même si nous étions toujours dans les bras l'un de l'autre « T'es un malade Sawyer Bringstone ! ». Pas une once de colère, ou autre. Mon état actuel était indéterminable. Et juste à ce moment, une énorme vague vint emporter nos deux corps enlacés. Je me blottissais contre Sawyer, ne sachant ce qu'il allait advenir de nous. Une fois à la surface, je fis mon possible pour retourner sur la plage rapidement nageant en tenant bien Saw, pour qu'il fasse le moins d'effort possible et qu'il ne souffre pas trop, même si c'était son truc. Une dernière vague nous largua violemment sur le sable. Je repris mon souffle et grimaça en sentant le vent glacé s'acharner sur nous. Ce vent glacé vint raviver la douleur à mon bras, celle que le beau brun avait bien amoché un peu plus tôt, et le sel marin n'avait fait qu'empirer la douleur... Mais la vive douleur s'estompait tellement j'étais transportée, comme dans un autre monde. La seule chose qui me rappelait ma blessure était le battement insupportable qui secouait parfois mon bras, mais cela s'arrêtait là. C'était supportable. Largement... Étalée sur le sable aux côtés de Sawyer, je reprenais mon souffle avant de demander « Alors c'est de ça dont tu raffoles. ». Ma cage thoracique ne cessait de se soulever à une vitesse ahurissante. Je me collais à lui, regardant la falaise... Après un long silence, je reprenais d'une petite voix cassée « On a sauté d'aussi haut... J'en reviens pas... ». Je me redressais difficilement, pour ensuite tenter de me lever mais mes jambes tremblantes flanchèrent et je me retrouvais étalée sur le sable humide. L'émotion, le choc sans doute. Mon esprit s'en était remit, mais pas mon corps apparemment. Je lâchais tout de même, comme-ci j'étais soulagée d'un poids de taille « Je crois que je te comprends un peu mieux aujourd'hui Saw... ». Oui, je me sentais affreusement bien. J'étais épuisée, j'avais mal, j'étais un peu paniquée mais je me sentais légère. Je me déplaçais difficilement, rampant presque jusqu'à mon brun ténébreux « Mais je veux pas que tu me laisses. Que tu m'abandonnes en refaisant ça derrière mon dos... ». Je me penchais pour l'embrasser puis je vis un peu de sang dans ses cheveux, je demandais alors « Saw, tu saignes de la tête. Est-ce que ça va ? Enfin... Tu souffres à la tête là ?! ». Oui parce que bon, ça n'allait pas, et après ce saut, ça n'allait certainement pas aller mieux, mais j'avais terriblement peur que ce soit grave. Je passais la main dans mes cheveux trempés, pensant à ce que nous venions de faire... Je le referais bien si j'en avais la force... Maintenant que j'ai l'esprit plus léger, et que je ne pense qu'à moi, et Sawyer... Oubliant le reste du monde et mon frère. Au final, non, je n'étais pas furieuse après lui. Pas du tout, chose qui me surprenait... J'avais peut-être moi aussi vraiment touché le fond, et mon cas était peut-être pire que je ne le pensais...

Sawyer ne comprenait plus rien, et il ne préférait pas répondre, leur discussion tournait autour du sujet principal. Sawyer n'avait pas la foi de répondre et il préférait laisser Eleanor gagner, lui faire croire qu'il était d'accord avec ce qu'elle disait alors que bien sûr il en pensait tout le contraire, mais il n'aimait pas se disputer avec elle car d'après lui, elle était tout ce qu'il lui restait, la seule personne à s'inquiéter toujours pour lui, même si Jaliyah avait été là lors de sa tentative de suicide, le besoin quotidien et l'effet que procurait Eleanor sur lui n'égalerait jamais rien. Eleanor représentation son idéal féminin, la perfection, certes elle était froide, méchante et méprisante mais c'était ça qui l'attirait, la manière qu'elle avait à toujours lui crier dessus, cette manière que peu de personnes manient aussi bien qu'elle. D'après lui, chaque être humain souffrait, certaines personnes arrivaient à vivre avec la mort sur la conscience, avec leur venin, avec leur haine pour tout le monde, d'autres non, comme lui, qui n'avait jamais réussi à enlever le diable en lui. Tout ce qu'il faisait se transformait en une destruction, rien n'était jamais assez bien, tout était voué à l'échec et pourtant il avait cru qu'avec Eleanor ça aurait pu être différent, que malgré leur faux départ ils pourraient essayer quelque chose, une relation basée sur la franchise, la haine, le mépris, la destruction maladive, et la passion quoi de mieux ? Que pouvait-il espérer de plus ? Justement le fait était ce que Sawyer n'espérait pas, il ne voulait pas tomber amoureux, il ne tomberait jamais amoureux, bien trop de souffrance causée inutilement, mais il avait bien compris qu'Eleanor avait brisé cette coquille, qu'elle avait tenté avec difficulté de connaitre Sawyer, et non pas l'image qu'il se donnait. Le brunet avait compris tout cela, mais il ne voulait pas l'admettre alors il baissa la tête, et n'accorda plus de regard à sa douce Lea. « Chacun à son point de vue sur la mort, chacun pense ce qu'il veut. Je ne suis pas d'accord avec toi, tu n'es pas d'accord avec moi... Alors restons-en là. » Il détourna les yeux, ne voulant pas se heurter au doux regard de la belle, ce regard dans lequel il se perdait si souvent, que maintenant il en avait pris l'amer habitude.

Mais Sawyer dut affronter le regard de Eleanor, elle l'y obligeait, ce qui lui faisait d'autant plus de mal, c'était un supplice, surtout avec les paroles qu'elle lui disait. « Merde, c'est une manie chez vous de vouloir faire de moi ce que je ne suis pas ? Et si je ne voulais pas changer...si je voulais juste être le gars méprisant...T'imagines pas ce que ça fait de passer devant des gens qui ont peur de toi...Si tu sais, bien sûr que tu sais...Mais imagine que je devienne gentil, sociable...je causerais ma perte et je serais tout ce que je ne veux pas être..un gars comme tout le monde.. Alors ok, je serais gentil, avec toi.. Mais les autres je continuerais à les haïr, de toutes mes forces. » Sawyer faisait un effort, vouloir être quelqu'un de bien pour une femme, jamais il ne l'aurait fait, sauf pour Luxie ou Lola, mais elles n'étaient plus là. Du moins Luxie l'avait abandonnée, car c'était plutôt lui qui avait abandonné Lola, il aurait préféré mourir à sa place lors de cet accident, mais tout ce qu'il avait gardé c'était cette horrible cicatrice le long de son dos, et la peluche de sa défunte soeur les seuls et uniques souvenirs. « Dis moi que je rêve, toi Eleanor Callaghan m'ayant toujours méprisé..avoue que si je meurs, si je quitte ce monde tout s'écroulera dans ton petit monde à toi ? Alors, est-ce possible ? Toi, moi... Callaghan, Bringstone... Merde ouvres les yeux... ! Jamais, trop d'années lumières nous séparent.. » Il parlait à Lea, mais également à lui, il tentait de se convaincre qu'il n'était pas si attaché à elle, hélas, ne jamais dire jamais et Sawyer le savaiit mieux quiconque. Il avait dit à Luxie que jamais il ne se tuerait et pourtant il avait essayé de le faire, alors qu'est-ce que l'avenir pouvait lui réserver ? Sawyer lâcha un soupir, elle essayait de le rassurer mais ça n'avait aucun effet « Je ne peux pas me raccrocher à une cause perdue... Luxie est partie par ma faute. Elle ne pouvait plus me supporter, elle en avait assez de me voir me détruire... Elle avait raison, et je sais qu'elle espère que son départ sera comme un électrochoc...mais je ne veux pas espérer quelque chose d'incertain.. Je ne veux pas baser ma vie sur des espérances.. » Sawyer cligna des yeux pour faire couler une larme le long de sa joue. « Si tu veux tout savoir, je ne peux vivre sans toi non plus.. Enfin t'as du le comprendre. » Il fit une petite note d'humour, c'était d'ailleurs assez particulier, que ça ne pouvait même pas être considéré comme quelque chose de drôle. Lea essayait de voir les personnes qui pourraient tenir en Sawyer, mais lui ne voyait personne même les exemples qu'elle lui donnait, personne. Et il allait le lui faire savoir, calmement, car pour lui s'énerver c'était trop lui demander « Je me défonce seul, car il vaut mieux être seul que mal accompagné... Les personnes de ma confrérie...sont...insignifiants pour moi..comme tout le reste d'ailleurs.. Cette brune c'est Jaliyah...Mais pour moi, elle n'est rien alors... J'ai...j'ai seulement..toi..et Anaëe, mais...je ne sais pas ce qu'elle devient non plus.. Bref.. » Effectivement le jeune homme n'avait plus aucune nouvelle de sa meilleure amie, elle lui manquait et il n'avait plus pensé à elle, mais en faisant le tri dans sa tête et son esprit il s'était souvenu que cette blondinette comptait pour lui, malgré son coeur de pierre qui disait le contraire et qui ne voulait rien ressentir d'autre que la haine. Bien sûr que Lola était un sujet délicat, sa perte était tellement difficile pour Sawyer que même après de nombreuses années, il n'arrivait pas à faire le deuil, c'était sa princesse et son rayon de soleil alors lorsque l'on vous enlevait la lumière de votre être, vos jours n'étaient plus jamais meilleurs. « Mais je l'honore Lea, tous les jours je pense à elle..J'ai pas envie de sourire si l'une de mes raisons de vivre n'est plus là... C'est comme se foutre de la gueule du monde... Je vais souvent sur sa tombe, lui mettre des fleurs...pleurer sur cette terre qui recouvre son cercueil..Alors je l'honore de ma manière à moi.. M'aider ne t'apportera que des regrets.. » Sawyer déglutit et s'éloigna d'elle, comme pour mettre fin à leur discussion il ne voulait plus parler de ce qu'il devait être, ou de ce qu'il n'était pas.

Et là se fut de trop pour Sawyer, ses sanglots se firent bien plus constants, il se revoyait dans cette église, Luxie à côté de lui, sa mère de l'autre tête baissée devant le corps sans vie de Lola. L'enfant était dans une robe blanche, blanche comme son âme qui avait toujours étincelé de beauté et d'amour. Elle avait emporté avec elle, une rose blanche et Sawyer s'était toujours dit que cette rose ne fanerait jamais, que Lola allait puiser de son essence pour faire vivre cette fleur dans sa tombe, dans son sommeil éternel. Alors pour lui se justifier, parler de Lola s'était trop. En plus de ce souvenir, de la dernière fois où il avait pu voir sa soeur, il la revoyait dans le champ crier : « Sawyer ! T'es mon frère pour la vie, le meilleur qu'on puisse espérer. » Il allait rester son frère pour la vie mais à distance, comment pouvait-il veiller sur elle, sans être avec elle ? Sans pouvoir la prendre dans ses bras, la serrer et lui dire qu'il l'aimait aussi en retour. Lola, il l'aimait pour toujours, et à jamais. « J'aurais dû mourir à sa place. Au moins elle aurait été heureuse, et aurait eu une vie accomplie.. Moi je ne mérite pas tout ça.. Quant à toi, j'ai le droit d'être désolé pour la perte de ta mère.. J'ai le droit de te dire que t'as tout faux là dessus... Mais je ne veux pas qu'on se prenne la tête, car... » Il se coupa net, ne voulant plus parler, il avait tellement du mal à mettre ses idées en place en ayant les images de Lola.. Sawyer hocha négativement de la tête, ne voulant plus se torturer et penser à ce que serait sa vie, ou même celle de Lea. Il avait écouté ce qu'elle lui disait, mais il ne voulait plus entendre, « Lea ne te tortures pas en imaginant l'impensable. Teddy est vivant, et il est loin d'être mort... Donc arrête ! » Et lorsqu'elle s'entailla le bras il lui demanda également d'arrêter, mais la jeune femme était une coriace comme lui, elle ne baissait jamais les bras et allait toujours droit au but, parfois il avait l'impression de se heurter à un mur. Mais devant elle, c'était Sawyer Bringstone, et personne ne pouvait être aussi misérable que lui, au final ce n'était pas un cas aussi désespéré qu'il ne le laissait croire. Il pouvait très bien être là pour les autres, en fait derrière ses apparences il était quelqu'un de bien, sur ce point Eleanor avait raison, simplement c'était bien plus facile pour lui d'être méchant et méprisant il pouvait manipuler plus aisément et c'était beaucoup plus amusant surtout. Alors pourquoi jouait-il avec la mort ? Tout simplement parce que pour lui, la mort était son alliée. Quand elle le lui demanda, Sawyer appuya plus fort sur son bras, elle voulait avoir mal, elle n'allait pas être déçue.

Leur chute fut pour lui parfaite, même s'il avait eu peur de se heurter au rocher, de se noyer dans une mère agitée, il avait été avec Lea et c'était ce qu'il y avait de plus merveilleux, du moins à ses yeux. Sawyer et Lea eurent enfin la tête hors de l'eau et directement le jeune homme voulut savoir ce que Lea ressentait sur le moment, si elle avait ressenti la même chose que lui, la même adrénaline, la même émotion et surtout la même passion lors de leur baiser. Mais au lieu de cela, elle se mit à rire, un rire nerveux, il le comprit bien assez tôt, mais il ne savait pas pourquoi en revanche. Alors il prit ça pour un bon sentiment, en se disant que se saut dans le vide lui avait plu. Sawyer rit à son tour, un rire assez spécial venant de lui car il était gentil, et ce n'était pas le rire sarcastique habituel. Il amena Lea plus à lui quand elle lui dit qu'il était un malade, et lui fit un baiser sur la joue. La phrase qu'il prononça sortit sans qu'il ne s'en rende compte, mais Lea ne l'avait pas entendu du moins il n'espérait pas « Ouais j'suis malade de toi. » En langage du Bringstone, cela voulait dire qu'il l'aimait à sa façon. Il eut juste le temps de lui dire, que la vague les emporta, et là il crut vraiment qu'ils allaient tous les deux y passer, mais il préférait mourir, alors il la protégea du mieux qu'il le put, ayant reprit toute sa force. Le coup qu'il reçut à la tête, il ne le sentit presque pas, tout ce qu'il sentait c'était Lea contre lui, leurs coeur à l’unisson. Après cette vague ils purent enfin regagner le sable, et s'y étaler. Lea l'avait aidée, et il l'avait aidé aussi en retour, comme s'ils ne pouvaient vivre l'un sans l'autre, et c'était le cas. Sawyer respirait vite, il avait l'impression que ses poumons allaient le lâcher tellement il avait du mal à reprendre son souffle. Il eut une quinte de toux, et recracha l'eau qu'il avait bu lors de sa rencontre avec l'océan glacé. Cette quinte lui arracha sa côte endommagée, mais lorsqu'il entendit la voix de Eleanor toutes ses douleurs s'estompèrent. « T'as senti toi aussi alors ? » dit-il entre deux respirations difficiles. Sawyer soupira longuement et rajouta « Sérieusement c'était juste...parfait. » Et sa tête lui fit mal, il savait qu'il s'était cogné mais il était dans un état tellement apaisé que cette douleur ridicule, il ne la sentait plus. Sawyer sentit Lea venir prêt de lui, et son coeur qui battait déjà la chamade s'accéléra encore davantage,, il la regarda avec tendresse, elle était magnifique, encore plus après ce qu'ils venaient de vivre. Eleanor remarqua sa tête, mince ça n'allait pas passer inaperçu, il se mordit la lèvre et posa sa main sur la joue de la belle, puis attrapa son bras « Et ton bras à toi, ça va ? » Elle devait avoir mal, il le savait et il regrettait de l'avoir encore plus amoché. Sawyer tenta de s'assoir, tout doucement mais sûrement. La tête lui tournait, et sans plus attendre il s'approcha de Lea, sa main retrouva sa place sur la joue froide de la belle, et le Bringstone embrassa fougueusement la jeune femme pour lui donner toute sa force, du moins ce qu'il en restait. Sawyer ferma les yeux pour savourer davantage l'instant, c'était tout à fait plaisant, même plus que ça. Entre deux baisers il la remercia. Sawyer lâcha enfin les lèvres de la belle, et retomba sur le sable, à bout de forces. En même temps, nager avec une jambe, un bras et une côte valide c'était encore du jamais vu. Sawyer regarda la belle Callaghan. Il attrapa son T-Shirt, et en arracha un bout, pour soigner Lea il avait de la force. Sawyer prit le bras de la jeune femme, et enroula la blessure dans le morceau de tissu pour arrêter l'hémorragie. Il avait fait tout ça allongé, avec le peu de fores qu'il avait en lui. « Bon..j'suis pas en état de marcher... Et tu n'arriveras pas à me soulever, je ne veux pas t'infliger ça.. » Il lui fit un petit sourire, il ne souriant jamais alors c'était un exploit.