Artémis & James

Il est un peu plus d’onze heures lorsque je termine mon second cours de la matinée. J’attends que tous les élèves soient sortis de la salle de musique pour mettre un peu d’ordre parmi les instruments qui sont tous un peu n’importe où – un jour, il faudra que j’enseigne à ces étudiants le sens de l’organisation et du rangement. Ou alors, est-ce moi qui suis trop maniaque, ce qui ne serait pas étonnant vu comment je me comporte la plupart du temps. Je ne supporte pas le désordre, et encore moins lorsque les instruments entrent en compte. De mon point de vue, il faut toujours prendre soin de ses affaires, et encore plus d’une guitare, d’un piano, même d’une flûte, tiens. Enfin, quoiqu’il en soit, je termine de mettre de l’ordre avant de remettre ma veste qui reposait contre le dossier de ma chaise. Je sors de la salle, la ferme derrière moi et marche tranquillement dans les couloirs. Je profite du temps où je n’ai pas cours pour faire le vide dans ma tête et parfois, mettre en place de nouvelles techniques pour les étudiants qui sont le plus en difficulté. L’apprentissage de la musique n’est pas quelque chose de facile, même pour ceux qui jouent d’un instrument depuis plusieurs années. Une fois qu’ils ont de nouvelles partitions devant les yeux, ils perdent les repères qu’ils avaient et cela les déstabilise. Pourtant, il faut toujours avoir un répertoire qui passe du classique au plus moderne.

Je traverse plusieurs couloirs jusqu’à ce que je repère Artémis qui se trouve un peu plus loin. En l’apercevant, un sourire étire mes lèvres et je m’avance vers elle. Je la rattrape en quelques pas, et une fois à ses côtés, glisse ma main dans son dos, lui indiquant ainsi ma présence. Depuis quelques temps déjà, nous agissons comme un couple afin que les rumeurs se taisent et n’enflent pas. Je sais à quel point cela peut être agaçant et les rumeurs ne sont jamais bonne dans la carrière d’un professeur. Cela ne me dérange pas outre mesure de jouer cette comédie, même si parfois je crains qu’elle ne s’attache trop – je suis peut-être trop paranoïaque, mais mieux vaut prévenir que guérir. « Salut. Je t’ai manqué ? » dis-je en souriant, légèrement taquin. Je me comporte comme un homme amoureux, puisque c’est ce que je dois être, et je prends ce rôle très au sérieux. La comédie a toujours été un point fort dans ma vie : rien qu’avec mes parents, je jouais le rôle du parfait fils qui acceptait tous les caprices de ses parents. Une chance que je me sois rebeller à l’adolescence. Sinon, à l’heure actuelle, je serai avocat... l’angoisse. J’en suis là dans mes réflexions lorsque je sens la main d’Artémis qui m’agrippe et m’entraîne dans un placard à balais. Je fronce les sourcils alors qu’elle ferme la porte derrière nous. « Mh, ce n’est pas l’endroit le plus romantique qui soit... » fis-je en affichant probablement un visage qui exprime une incompréhension totale.

« vous me lisez ça pour la semaine prochaine. Je compte sur vous, je ne veux pas me retrouver comme la dernière fois avec deux élèves qui ont fait leur travail ! » dit-elle en souriant. Elle avait dit ça calmement, comme à son habitude. Artémis est une femme calme, peut être un peu trop par moment, ce qui a de quoi énerver son interlocuteur parfois. Elle appuyait ses dires d’un regard qui voulait dire : c’est compris. Sans pour autant être autoritaire, et même plutôt doux. Les élèves aiment bien leur professeur, elle est sympa, intelligente et ne les surcharge pas de travail. « vous pouvez y aller. » ajouta-t-elle en voyant qu’il attendait patiemment son signal pour sortir. Autre point positif, elle ne les faisait pas sortir cinq minutes après la sonnerie comme certains autre professeurs. Après tout, elle aussi voulait sa pause. La jeune professeur rangeait soigneusement ses affaires dans sa sacoche. Une fois que ce fut fait, elle posa la sangle de celle-ci sur son épaule. Elle aimait beaucoup sa sacoche, elle était en cuir, un peu usé à force de l’utiliser tous les jours. Elle ressemblait à un vieux cartable, comme ceux qui reviennent à la mode en ce moment. Arté’ sortit de sa salle, ferma la porte à clef et commença à marcher dans le couloir. Après quelques instants elle sentit une main se poser dans son dos. Elle vérifia tout de même à qui appartenait cette main, mais elle était quasiment sur de l’identité de son propriétaire. C’était James, elle le sait maintenant. Depuis quelques temps ils jouent les petits couples amoureux. Leur mascarade permet de faire taire les rumeurs, et ça marche plutôt bien jusqu’à maintenant. Artémis n’est pas connue pour ses dons d’actrice, mais elle s’en sort plutôt pas mal. « Salut. Je t’ai manqué ? » demanda-t-il en bon – faux – petit ami. Elle aime quand les gens sont attentionnés avec elle, qu’ils sont protecteurs et gentils. Elle sait que ce n’est que de la comédie, mais tout de même, elle aime bien ça. « tu ne peux pas savoir à quel point ! » Cette phrase est peut-être un peu cliché, mais bon, Arté’ l’aime bien. Elle avait presque envie de l’embrasser pour faire encore plus réaliste, mais se serait peut être pas très bien vu par la direction et James n’apprécierait peut être pas, sait-on jamais. Elle regarde le couloir, cherchant une porte, elle en trouve une, elle sait très bien ce qui se trouve derrière. Un coup d’œil à gauche, un coup d’œil à droite, elle attrape l’avant bras de son faux petit ami et l’entraîne avec elle dans la pièce et ferme la porte. Un placard à balais. « Mh, ce n’est pas l’endroit le plus romantique qui soit... » elle esquissa un sourire pour le rassurer, elle ne voulait pas le kidnapper ou quelque chose du genre. « oui je sais…désolé…mais c’est le seul truc que j’ai trouvé. Faut qu’on discute, parce que c’est vraiment trop bizarre. » elle est bizarre parfois elle aussi. Mais la situation dans laquelle elle se trouve est particulièrement inconfortable, elle commence à se demander si ses faux sentiments pour James ne deviennent pas vrais.

Artémis & James

« tu ne peux pas savoir à quel point ! » me répondit la jeune femme alors que je venais de la rejoindre en glissant mon bras autour de sa taille. Il n’y a rien de sur-joué dans cette scène, bien au contraire. C’est quelque chose de naturel, puisque je suis assez tactile avec les personnes qui me sont proches. De plus, cela confirme en un sens aux yeux de tous que nous sommes un couple et nous n’avons aucune crainte que les gens soient au courant – ce qui est le but premier de notre comédie. Il faut qu’un maximum de personnes soient au courant afin que l’information se propage et qu’on fiche la paix aux professeurs avec les rumeurs qui courent depuis quelques temps. Et en tant qu’ami, rendre service à Artémis ne me pose aucun problème, je ne lui pose d’ailleurs aucune question tout comme elle ne se montre pas curieuse envers ma vie privée. On s’arrange comme deux adultes, et je dois bien dire que sa compagnie m’est très agréable, elle l’a toujours été, même si jamais je n’avais envisagé que nous pourrions être un couple. Enfin, c’est à ce moment que la jeune femme m’entraîne par le bras et me tire jusqu’au placard à balais. Je fronce les sourcils, je suis dans l’incompréhension la plus totale, et cela se traduit par une boutade que je lance à la volée. Je ne suis pas très doué en ce qui concerne l’humour, et je pense que cela se ressent trop fortement parfois. Il arrive souvent que je ris de choses qui font pleurer les autres : autant dire que je passe pour un sadique, alors que ce n’est pas le cas. « oui je sais…désolé…mais c’est le seul truc que j’ai trouvé. Faut qu’on discute, parce que c’est vraiment trop bizarre. » Une nouvelle fois, je fronce les sourcils sans comprendre. Il faut vraiment qu’elle éclaire ma lanterne parce que je ne sais absolument pas ce qu’elle veut, ni ce qu’elle trouve bizarre. « Qu’est-ce qui est bizarre ? » demandai-je dans un souffle alors que je regarde un peu autour de moi. Cet endroit est plutôt glauque et un peu trop serré à mon goût. Non pas que je sois claustrophobe, mais je préfère largement les pièces plus grande avec au moins une fenêtre. Il faut que je cesse d’être paranoïaque, il ne peut vraiment rien arriver dans un placard à balais... à moins d’être coincé à l’intérieur, ce qui rendrait la situation un peu plus complexe... Merde, il ne faut surtout pas que je pense au pire ! « Tu as un problème avec des étudiants ? Je ne comprends pas où tu veux en venir. » avouai-je finalement en passant une main dans mes cheveux. Avec moi, il faut toujours être clair et précis, sinon, je tourne tous les problèmes en boucle et cela me rend totalement dingue. J’espère juste qu’elle n’a pas des ennuis encore à cause de cette rumeur ou que sais-je encore. Je sais que certains étudiants peuvent être chiants et lourds avec ces histoires.