En y pensant, la superbe idée de faire quelque chose en attendant le retour de Noa n'était plus une superbe idée... Vous avez déjà vu Alec réussir à faire quoi que ce soit à manger sans brûler quelque chose ? Non... En fait, vous ne devez pas avoir vu Alec faire la cuisine un jour. Lorsqu'il vivait avec sa petite soeur, eh bien c'est elle qui faisait à manger. Mais, la plupart du temps, il ne touchait même pas à son assiette. Il était inquiet, constamment perdu dans ses pensées, toujours à réfléchir à l'avenir de sa soeur. Même si elle était mieux avec lui, il ne pouvait pas grand chose de plus pour elle. Il l'avait éloignée d'un père violent, mais ne lui offrait pas de quoi être heureuse, seulement une meilleure compagne qu'un ivrogne capable de la tuer à tout moment. Aujourd'hui, elle se débrouillait seule. Ils ne se voyaient presque plus... C'était un peu comme avec Noa. Divergence d'opinion, mal entendu, et, encore une fois, c'était sa faute. Il était incapable d'être simplement heureux, de se contenter des explications qu'on lui donnait et de les accepter. Et avec sa soeur, il avait été incapable de se montrer compatissant, ce qui l'avait à la fois choquée et vexée. La porte s'ouvrit dans son dos mais Alec ne le remarqua même pas. La pluie qui tambourinait contre les vitres quelques minutes plus tôt ne l'avaient pas non plus tiré de son application. Pour une fois qu'il parvenait à se concentrer... Comme si attendre Noa l'apaisait. Car il n'avait ni à l'éviter comme il le faisait si lâchement depuis trop longtemps, ni à se demander où elle était, puisqu’elle arrivait. D'ailleurs, il sentit son corps contre le sien a peine un quart de seconde après s'être fait cette réflexion. Il cessa de tenter de faire quelque chose de mangeable. Tentative totalement loupée, pour information. Cela ferrait de al nourriture pour la poubelle... Le jeune homme en pu réprimer un sourire à la réflexion. « C'est ça, rigole... J'ai plus touché à la cuisine depuis... Depuis jamais je pense. C'est rien. » Alec se retourna et colla la jeune femme à lui, son regard sombre accrochant le sien. Pour une fois, il ne remarqua même pas le ventre de plus en plus arrondi de Noa, seulement heureux de la retrouver, et refusant de s'emporter de nouveau. Il ne demanda rien, il savait qu'elle allait poursuivre.

Partager ses sentiments n'avait jamais été son fort, il détestait qu'on sache comment il allait, encore plus si c'était mal. Alec se sentait presque faible lorsqu'on perçait sa carapace, et, du plus loin qu'il se souvenait, il n'avait jamais pleuré. Sa mère était morte, il n'avait pas réagi. Son père l'avait frappé jusqu'au sang, il n'avait pas bronché. Il ne pleurait pas, il ne montrait rien. Cela faisait partie de son insensibilité et sa froideur caractéristiques, que certains avaient tendance à trouver "mignon". Qu'y avait-il d'adorable dans le fait d'aller mal et de ne pas le montrer ? Qu'est-ce qui était mignon dans le fait de refuser toute aide, et d'être méchant avec le monde entier ? Alec ne montrait jamais rien, et il se taisait souvent pour ne pas s'énerver. S'énerver revenait à parler pur rien, et il détestait cela. La remarque de Noa tira un léger sourire au jeune homme, qui demeura muet. Ôtant le tablier de cuisine, Alec le laissa tomber un peu n'importe où dans la cuisine. Son regard suivi le déplacement de Noa, et il su avant même de la voir sortir l'enveloppe... Qu'est-ce que cela aurait pu être d'autre... Même s'il s'y était attendu et préparé, il avait peur de ne pas supporter. On aurait dit qu'il s'attendait à la découverte d'un cadavre, alors qu'il allait seulement voir un bébé. Comment pouvait-on craindre autant un enfant, pas encore né, d'ailleurs... Ainsi donc, elle se souvenait de son anniversaire. Peu de gens pouvaient en dire autant, mais ce n'était pas leur faute. Depuis ses quatorze ans, il ne pensait plus vraiment à cela. Sa soeur le lui souhaitait, cela lui suffisait, car elle était la seule personne qui comptait pour lui. Que Noa le sache lui avait pourtant paru évident. Mais sa bouche s'ouvrit, puis se referma, il ne savait même pas quoi dire. Remarquant les mains tremblantes de Noa, il s'en voulu. Elle avait aussi peut de sa réaction qu'il avait peur de voir ces images. « Regardes-moi Noa... » Pour la première fois depuis plusieurs semaines, Alec l'attira à lui et l'embrassa tendrement. Cela lui rappela la première fois qu'il l'avait embrassée et, comme par magie, il su que le contenu de l’enveloppe ne lui ferrait rien. Même si ce n'était pas son enfant, c'était celui de Noa, et il aimait Noa, c'était tout ce qui comptait. L'enveloppe ouverte, Alec en sortit les clichés, et ne dit toujorus rien. Pas par énervement, pas par peur... Peut-être pas... Oui, par émotion. Vous n'y croyez pas, mais Alec fut ému par ces images. Il le contempla plusieurs minutes en silence, ne sachant que dire. Il n'y avait rien à dire...

Dans un geste purement instinctif, face à l'étrange peur de Noa, Alec l'embrassa. Comme avant, mais avec un plus. Un quelque chose de retrouvailles, avec le plaisir de se retrouver, et de savoir que, même avec cela, ils avaient toujours cette connexion, ils étaient toujours faits l'un pour l'autre. Il n'en avait jamais douté, mais en avoir la preuve, en être absolument certain, faisait du bien. Alec sentit les jambes de la jeune femme flageoler, et retint un sourire. Même là, il ne pouvait s'empêcher de s'amuser de tout. Mieux valait cela que de nouveau s'emporter pour un rien... Ouvrant enfin l'enveloppe, Alec eu un nouveau choc en voyant le bébé. C'est quelque chose de difficilement qualifiable, car il ne savait pas lui même ce qu'il ressentait. A vrai dire, il ne se souvenait que d'un seule fois où il avait été si heureux et à la fois si triste. Il avait vu sa soeur, et il avait su qu'elle allait mal, mais il était heureux de pouvoir la sortir de là, heureux d'être enfin capable de faire quelque chose de bien pour elle. Il n'était incapable de dire quoi que ce soit, il n'avait pas de mots. Mais Noa le sortit de l'embarras. Et il remarqua immédiatement l'émotion dans sa voix, ne pouvant donc s'empêcher de la prendre une fois de plus dans ses bras. « Je... sais pas. » Il avait faillit dire que c'était impossible, car il n'y croyait toujours pas. Il ne se voyait toujours pas père. Et, même s'il le voulait, même s'il se sentait prêt à l'accepter, il n'y parvenait pas. Cet enfant pouvait, devait... était le sien. Il le pensait, mais dès qu'il essayait de le dire, il était bloqué, et son cerveau repoussait cette idée. Il avait longuement médité sur la question, et il en était arrivé à une raison plus que probable: son père. J'explique, il ne voulait pas être comme son père, il avait peur d'être un aussi mauvais père que lui. Il avait bien lu la peur dans les yeux de sa petite soeur, quelques années plus tôt, lorsqu'il avait faillit tuer leur père. Il était décidé à le faire, remonté à bloc, mais pas devant elle. Et pour elle, aussi. Qu’elle ai au moins un père, même cette ordure, même si elle ne le voyait plus. Il détestait la pensée qu'il pouvait devenir comme lui, mais c'était sans doute ce qui le bloquait, parce qu'il en avait peur, et honte.

Savoir que les gens étaient nombreux à craindre ses réactions parfois brutales et inattendues avait longtemps fait plaisir à Alec. Il n'avait aucun problème pour se faire respecter, obéir et, surtout, sa soeur n'avait jamais eu rien à craindre des autres. La petite peste du lycée s'était tenue tranquille rien qu'à l'évocation de son nom de famille, car elle savait, comme la plupart des gens, que mieux valait ne pas s'en prendre aux Grey. Et les garçons... bah non plus. Peut-être étais-ce al seule chose que la jeune fille pouvait reprocher à son frère, il la protégeait un peu trop d'un peu trop de monde. Son regard restait rivé sur l'échographie mais ses pensées étaient ailleurs. Puis elle revinrent aux clichés, et à Noa, tout contre lui. La réflexion lui fit arquer un sourcil, où voyait-elle cela ? Et la suite le laissa légèrement perplexe. Que pouvait-il répondre à cela ? Merci ? Pas forcément très malin... « Ne dis pas n'importe quoi. » Cela non plus, ce n'était pas très malin. On ne vous a jamais dit que derrière sa moquerie et son assurance se cachait un grand modeste ? Boh, bande d'incultes. Mais même en étant pas modeste, que voulez-vous répondre à cela... Au fond, s'il n'était pas beau, pourquoi étaient-ils là, tout les deux. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, la beauté, Alec l'avait, et le savait. Seulement, ce n'était pas la chose à laquelle il portait le plus d'intérêt. S'embrasser deux fois en même pas cinq minutes relevait de l'impossible en voyant le parcours fait ces dernières semaines, ils avançaient à reculons, partant du couple parfaitement heureux pour en arriver aux parfaits inconnus. Mais ils semblait enfin revenir dans le bon sens. Peut-être étais-ce le premier pas vers la "réconciliation". « Je sais que j'aurai dû te le dire plus souvent... Je t'aime. » Si possible, Alec la colla encore plus à lui, l'embrassant de nouveau, comme si de rien était, oubliant presque le bébé et les clichés d’échographie qu'il avait encore dans la main.

En général, ce sont les souvenirs les plus lourds à porter qui nous reviennent le plus facilement en mémoire. Ces souvenirs-là ont le pouvoir de changer une vie de manière fondamentale - et de façon définitive. Et peu importe que vous réussissiez ou non à vous en débarrasser : ils auront laissé en vous des traces indélébiles. Alec en savait plus trop où il était allé pêché cela, mais il savait parfaitement que c'était la vérité. C'est pour cela qu'il avait retenu ces mots, cette vérité. Même si cela ne lui servait strictement à rien, même s'il ne le savait déjà que trop bien. Et plus on tente de se débarrasser d'un souvenir, plus il vous hante, car on y pense encore plus en voulant le chasser. Ce n'était pas tant de conserver ses souvenirs en mémoire qui le dérangeait, mais qu'ils aient un tel impact sur lui. Que, malgré les années, cela le marque toujours autant, qu'il y attache toujours autant d'importance. Il allait bien, plus que bien -avant d'apprendre l'arrivée du bébé -, car il avait Noa, qui lui faisait tout oublier, ou presque. En refusant que cet enfant soit le sien, il refusait d'aller mieux, que ce soit au niveau de sa vie entière ou uniquement de sa vie avec Noa. Toutes deux très importantes, mais avec une large préférence pour Noa, quoi qu'on en dise. « Dans ce cas, nous sommes les parents rêvés. » Car bien sûr qu'il aurait de la chance d'avoir Noa pour mère. Pour lui, il n'y avait pas moi sûr... Vous le savez, le dernier bébé dont il s'était occupé se nommait Eileen Grey et il avait trois ans. Avouez qu'il y avait de quoi s’inquiéter... Et Noa n'était pas franchement au courant qu'il avait faillit tuer sa soeur à plusieurs reprises quand elle était bébé. Mieux valait ne pas l’inquiéter, n'est-ce pas... Connaissant son tempérament parfois violent et celui plus que déséquilibré de son père, elle avait déjà de quoi avoir peur, ne pas en rajouter était sans doute la meilleure solution. Moins elle s’inquiétait, moins lui s’inquiétait. Et il était au bord de la crise de nerfs.« Je ne peux pas l'oublier. » Murmura-t-il à l'oreille de Noa lorsqu'elle se sera contre lui. Ils s'embrassèrent une troisième fois. Record. Et un record plutôt agréable. Le bébé n'était plus sujet de désaccord, pour une fois... Restait plus qu'à espérer que cela dure.

Placé tout contre elle, Alec sentait le ventre arrondi de Noa. Et cela ne le dérangeait pas. Plus. Du moins, pas pour le moment... Il s'était souvent demandé pourquoi elle ne l'avait pas mis au courant plus tôt. Pourquoi il avait dû le découvrir par lui-même. S'il l'avait su dès qu'elle en avait été certaine, il aurait mieux compris. Et puis su qu'il était de lui. Elle avait eu quatre longs mois pour cela. Enfin, là, il ne se posait pas que questions, de peur d'avoir besoin de réponses. De poser la question. Il ne voulait rien demander qui puisse gâcher ce moment et la trêve qu'ils s'accordaient finalement... La suite parvint à lui tirer un sourire, bien qu'il ne soit pas certain d'avoir tout bien enregistré. Non mais c'est long et compliqué comme déclaration. La suivante fut bien plus claire, et bien moins réjouissante. Du moins la première partie. Cela commençait bien, n'est-ce pas ! Les deux avaient peur de ce bébé, même pas encore né. « Tu ne sais pas, Noa... Tu ne peux pas savoir. Je ne doute pas qu'on puisse avoir les meilleures intentions du monde... Mais tu ne sais pas. On ne peut pas savoir à l'avance. » Il se tu, autant ne pas en rajouter. Alec se détacha doucement de la jeune femme et passa une main dans ses cheveux. « Laisse... Ne fais pas attention à moi. » Il secoua doucement la tête, un léger sourire aux lèvres, et rejoint le salon, où il se laissa tombé dans le canapé. Non mais qu'est-ce qui lui prenait ? Lui toujours si gamin, je-m’en-foutiste... et si chiant, oui, aussi, nous faisait ça. Le mode adulte mature et responsable lui réussissait mal dites donc !