dans les coulisses, le trac monte un peu. tout le monde court dans tout les sens, et toi t'es assise là, sur le fauteuil mis à ta disposition dans ta loge. tu souffles et fermes les yeux. le regard de ton père inonde ton esprit, et sa voix résonne dans ta tête, les mêmes mots, toujours, avant de monter sur scène. « je suis si fière de toi ma princesse. » une larme solitaire s'échappe de ton oeil gauche, et tu la chasses avant que quelqu'un ne la voit. « Indie, à toi dans 2 minutes, t'es prête? » demande l'organisateur, bien habitué à toi depuis le temps que tu joues ici. Tu hoches la tête, et tu entends une voix sur la scène te présenter. On te présente toujours de la même façon, ou presque : Une virtuose d'à peine 18 ans qui nous vient tout droit de Colombie. La foule applaudit, et tu passes sur scène, vêtue d'une robe noire échancrée dans le dos jusqu'à tes reins, et qui possède un décolté assez vertigineux. Après une petite courbette, tu passes derrière le piano à queue, et tu t'assieds. Tes doigts se posent sur les touches d'ivoire, et ça y est, tu es dans ta bulle, plus rien n'existe, tes yeux se ferment, et tes doigts sont mus par une puissance autre, tu les laisses faire durant bien longtemps, enchaînant des morceaux aussi connus qu'inconnus, mais tous plus magnifiques les uns que les autres. tu ne te rends pas compte du temps qui passe, tu profites juste de cet instant de sérénité.

Je rentre dans le Jersey Opera House et me rends compte que l'endroit est splendidement parfait, je peux même me contenter de prendre seulement le lieu en photo à la place de la pianiste colombienne. Je ne sais que ça d'elle, que je dois prendre une jeune femme colombienne qui joue du piano en photo pour le prochain article. L'article je ne l'écris pas, je me contente simplement de prendre les photos, le journal m'a engagé alors que je ne m'y attendais pas du tout. Ça me plait de travailler ici, ça arrondit mes fins de mois, mes parents me paient déjà tout et cet argent c'est pour mon plaisir personnel. Je prends en photo le lieu, lieu vide pour le moment, il faut dire l'équipe et moi sommes arrivés dix minutes à l'avance justement pour s’imprégner des lieux. Et puis se fut le moment où les spectateurs devaient entrer, j'ai déjà pris pas mal de photos et je dois me rendre devant la scène, l'interview des artistes se passent après. J'attends au moins quarante-cinq minutes avant que tout le monde s'installe et que je puisse enfin prendre la pianiste en photo. Déjà son entrée fut parfaite et quand elle commence à jouer je n'ai plus que mon objectif pour la contempler. Un sourire s'échappe sur mes lèvres quand elle pose un léger regard sur moi, je baisse les yeux, dévie mon objectif et prends la foule ébahie en photo. Je laisse mon appareil photo dans ma main et finis de regarder le spectacle sans, mon simple regard posé sur elle, elle a vraiment un don, elle doit être une virtuose. Je ne m'y connais pas très bien en musique, -à part Justin.. - mais je suis en mesure de dire malgré tout, qu'elle joue franchement très très bien, même les mots ne sont pas assez suffisants pour l'exprimer. Je suis sans mot voilà tout.

une voix t'appelle, et tu montes sur scène, devant des centaines de personnes toutes vêtues magnifiquement. tu observes le public avant de faire une révérance et te poster derrière l'instrument. tu commences à jouer, te voilà dans ton monde, dans un monde simple, parfait. tes yeux s'ouvrent et tu observes la foule face à toi. leur réaction est toujours semblable, ils sont abasourdis. tu repères une jeune femme très jolie (pour ce que tu peux en voir) avec à la main un appareil photo. un sourire peint tes lèvres, avant que ton regard ne dévie, et se ferme. tu vas être interviewée pour le journal de l'université, ton grand talent fait braquer les projecteurs sur toi. et t'aimes pas trop ça en fait... une interview ça fait peur, et si on te parle de ton père? de ton frère? de ta mère? tu ne saurais quoi dire. ton morceau dévie en quelque chose de plus puissant, sans que tu t'en rendes compte. tes émotions controlent tes mains, et donc ce que tu joues. tu joues toujours au feeling en réalité, comme ça te vient. le temps passe encore, et tu achèves un menuet de bach. voilà, c'est fini, tu te lèves le regard dans le vide, et des papillons dans le ventre, comme à chaque fois. tu te recourbes à nouveau, un sourire vague sur les lèvres, et une tonne d'applaudissements retentit, ce qui te fait chaud au coeur. un coucou timide de la main, et tu te retires de la scène pour rejoindre ta logue.

Je l'écoute alors avec beaucoup d'attention tout le long de son numéro. Quand la lumière s'éteint et l'atmosphère qui était calme et apaisante s'arrête, je marche pour rejoindre le reste de l'équipe. Quand un certain David, chargé de questionner les artistes lance « Putain qu'est-ce qu'elle est bonne la petite colombienne. » Je sens la colère me monter, d'où il se permet de parler des gens comme ça, je le chope par le bras le pointe de mon doigt avec un regard perçant et lui lance « Ne parle pas d'elle comme ça. Pour qui tu te prends au juste ? c'est une pianiste pas une meuf bonne. Tu me fais pitié. » Je le lâche lui donne un coup d'épaule en suivant le reste du journal, assez énervée contre l'homme que je viens d'agresser, ne sachant même pas pourquoi je me suis autant énervée sur lui pour la défendre alors que je ne la connaissais même pas. Nous arrivons à la loge, je me fais pousser par tout le monde, c'est ça être la dernière recrue et surtout s'attaquer à un ancien mais je m'en fiche, quelqu'un frappe et lorsque l'accord de l'artiste pour rentrer se fait entendre, le responsable présente l'équipe, je baisse la tête. Puis quand vient mon tour de me présenter, je plonge mon regard dans celui de la pianiste et lui dis en lui serrant la main « Bonjour, je m'appelle Zadig, je vous prendrais en photo pendant votre interview. » Et je me recule laissant la place aux autres journalistes.

les morceaux s'enchainent, pour enfin se finir. des applaudissements, une petite courbette, et tu t'en vas dans un froissement de tissu. tu rejoins ta loge, avec beaucoup de compliments, comme toujours, lesquels tu remercies d'un sourire. enfin tu arrives devant la porte que tu ouvres, tu prends une bouteille d'eau, et t'assieds dans le même fauteuil qu'il y a quelques heures, minutes, tu ne sais pas trop bien combien de temps est passé. et là, tes mains tremblent. pourquoi? tu as peur de ce qu'on va te demander dans quelques minutes. tu souffles, et secoues la tête alors qu'un petit toquement retentit contre ta porte. « Oui, entrer. » dis-tu d'une voix forte. toute une équipe entre, pas mal de garçon en font parti, et soudain, parmi tout ces regards, tout ces visages, tu en reconnais une. ils se présentent tous, et tu hoches la tête, tu ne réagis que quand la jeune femme se présente. « Enchantée Zadig. C'est bien toi qui prenait des photos durant le concert, je ne me trompe pas? » Oui, tu la remarquée là tantôt, et tu ne sais pourquoi la savoir là te calme un peu. « Et pas de vous, j'ai à peine 18 ans! » dis-tu un peu plus détendue.

Je dois songer à mettre mon mauvais caractère de côté et je le sais, mais quand on critique les gens sans aucune raison je ne peux pas supporter, surtout que la pianiste n'avait rien fait pour qu'on la critique, les mecs sont tous les mêmes. Je soupire alors avant de suivre le petit groupe qui entre dans la loge. Ils se présentent tous, se fichant un peu de mon compte, mais j'ai l'habitude d'être exclu de ce groupe, j'envisage même de changer de journal puisque je ne peux plus supporter tous les jugements qu'ils peuvent porter aux autres. Je serre la main de la pianiste. Je hoche positivement de la tête et lui réponds « Oui c'est moi. Je suis chargée de prendre les photos. » Je lui fais un sourie, me recule et un petit rire s'échappe lorsque je l'entends me dire de ne pas la vouvoyer. Je lui fais un sourire et m'empresse de lui répondre « Désolée, simple politesse. » Et en tournant les talons je prends une photo et par me mettre dans le fond de la pièce, je dois laisser les autres faire leur travail. Cependant l'un d'eux me donne un coup d'épaule en passant, « Imbécile ! » dis-je alors sur un ton énervé tandis que tous les regards se tournent vers moi, je hausse des épaules, regard noir. Je n'en peux plus de ces fous !

tu respires, et acceuille tout le monde avec un sourire sur les lèvres. Soudain, tu aperçois une jeune femme, une tête un peu connue, et qui parait adorable, en comparaison de ses collègues. Tu te mets à discuter un peu avec elle, te sentant tout de suite plus confiante. « ah je vois. dis-moi si tu as besoin de quoique ce soit alors. » lui dis-tu gentillement. Elle te vouvoye. Eurk; t'as pas 40 ans hein! et tu lui fais vite remarqué. Tu souris à sa réponse, et tournes la tête vers le reste du groupe alors qu'un flash illumine la pièce. « asseyons-nous et commençons, ça vous va? » tu souris, et poses tes fesses sur le canapé, bientôt suivie par les journalistes, ect. Et la voix de Zadig envahit la pièce, une insulte. Et tu comprends en voyant la scène. Directement, tu classes le garçon qui vient de lui faire mal dans la catégorie con à crever. ça promet cette interview, ça promet... et elle commence d'ailleurs, par des questions simples, âge, prénoms, lieu de naissance. et puis ça se complique. « Et pourquoi t'es partie de Colombie? » ton coeur se serre, ta gorge se noue, t'as plus de voix, tes yeux essayent d'échapper à ses regards inquisiteurs qui veulent une réponse. réponse qu'ils n'auront pas. parce que tu ne veux pas répondre, mais tu sais pas quoi faire, t'es perdue, et effrayée.