Moi personnellement, vous savez, je n’ai jamais cru à rien, j’aime pas croire, on finit toujours par me décevoir. J’dois être une saloperie, c’est pour ça que je fais pas partie de « la vie », j’dois pas être propre, peut-être que je pus, qui sait ? Je suis une saloperie de gosses de riches, mais j’aime bien ça. Je ne me dénigre pas, je ne me rejette pas. Me rejeter moi-même ? Quelle connerie ! Il n’y a que moi-même pour m’aimer finalement, je crois. Peut-être. J’ai pas envie d’être aimé. Je m’en fous, je m’en contrefiche, ça m’apporterait quoi de toute façon ? Rien du tout, je suis une saloperie qui aime sentir des choses. Physiquement parlant. J’aime sentir des choses. J’aime la douleur, j’aime les caresses. J’aime pas quand on me touche de trop près, j’aime pas quand on brise mon cercle, ce cercle. Mon « cercle d’amis » je me lance des fleurs peut-être… J’ai des amis, du moins je crois, j’espère. J’aimais la douleur des caresses hypocrites. Je savais, j’aurais pas dû rester, j’aurais pas dû tenter de faire avec. J’ai vu des choses, des choses que je ne peux plus voir. On me disait de fermer mes yeux, je n’avais pas à voir ça, mais j’entendais, je voyais, c’était violent. L’ordre dans ma famille ? L’unité ? L’amour ? Bonne blague. J’en ai presque ris, mais j’aime pas rire, donc c’est moins une, recommence la prochaine fois. Ma famille, ce monde pervers, un cercle vicieux. T’as cru qu’une fois que tu mettrais les pieds dans l’immense et horrible à mes yeux château qui me sert, du moins qui me servait, d’habitat naturel, tu frôlerais le paradis ? Tu es loin de la réalité. Pervers. Des pervers partout. C’est tout ce que tu vas voir. A croire que mon éducation à été basée sur le sexe. Le plaisir. Là encore, on me disait ferme tes yeux, mais j’entendais encore. J’entendais les gémissements. J’entendais que ça faisait mal, j’entendais. Horrible horreur. Mais qu’est-ce que je pouvais faire ? J’étais petit. Il était grand. Elle était petite. Il était grand. Elle était à moi. Je ne voulais pas. Je ne voulais rien. Mais j’étais à lui. Entièrement. Du moins, selon ce qu’il disait. Il était mon procréateur. C’était ma petite sœur. Il rentrait la nuit et il lui faisait mal. Elle pleurait, elle gémissait, elle voulait crier, il l’en empêchait. Insomniaque, je traînais dans la maison. J’étais entré dans la chambre, espérant qu’embrasser ma sœur allait m’aider à dormir. Dormir. Je suis tombé sur le sol de sa chambre. Il s’est précipité de descendre, elle a crié un bon coup avant de faire monter doucement sa culotte, de se recroquevillée, abaisser la tête, heurtée, frappée, blessée, arrachée à sa terre et elle hurlait. Et j’étais là, parterre, avalé dans un profond trou noir. Elle avait treize ans seulement. J’en avais que quinze. Tandis que lui… Je ne sais même pas. Je ne veux pas savoir. Ma procréatrice, la femme de satan est rentrée dans la chambre, les larmes aux yeux, et puis quelques minutes, ou quelques heures plus tard, j’ai ouvert les yeux. J’ai cru que j’avais rêvé, je transpirais, j’étais naïvement soulagé. Et puis j’ai levé la tête, j’étais toujours parterre, le seul regard de ma petite sœur sur moi. Ses yeux. Ses yeux, ils faisaient peur. Ils étaient horriblement enfoncés dans les trous, des grosses poches noires s’étaient installées en dessous, elle ressemblait à un panda. J’ai failli sourire, et puis je me suis dis « et si c’était pas un rêve » je me suis levé d’un coup en sursaut. J’ai pas chialé. Je ne chiale pas. C’est pour les poulettes. J’avais juste envie de retomber. De me suicider ou de me faire tuer pour changer. J’avais peur, peur de lui demander ce qu’il lui avait fait, peur de lui demander si elle avait dit oui, si elle avait dit non. J’avais peur de sortir. J’avais peur de le croiser. J’avais peur de lui. Mais il fallait. Il fallait… Je devais faire quelque chose, j’étais enragé, mes veines me grattaient, la colère affluait dans mon sang, d’ailleurs, ma circulation sanguine s’accélérait, ça devenait alarmant. Et puis j’ai poussé un grand râle, un grondement de tonnerre, un aboiement, un rugissement avant de jeter mon poing contre le mur mais de le regretter aussitôt. Je ne suis pas si fort que ça. Je suis juste fragile. Je suis sorti, sans regarder quoique ce soit, je suis allé au poste de police, j’étais chaud et j’ai refroidis. J’ai eu peur. Je devais parler, c’était mon tour, je devais le dire à la dame que je ne connaissais pas. C’était honteux. J’avais trop peur, je suis un lâche, je me suis retourné. Et toute la suite de l’histoire est dû à cet horrible manquement de courage et de confiance.

« c’est à la mode de porter plainte contre son père ? » j’ouvre grand les yeux, j’aurais pas dû m’asseoir au salon, j’aurais du rester avec ma sœur, dans sa chambre. Elle avait besoin de moi, le monstre était toujours là. Culoté, je suis culoté. Je suis une saloperie. Mais ça il ne s’en doute pas. J’ai pas besoin de son amour. Moi j’ai besoin de rien, je m’en fous. J’veux qu’il paie pour ses actes. C’est tout. J’veux le voir souffrir, lui et sa femme de merde qui voit tout en silence, trop lâche, ça me vient d’elle c’est sûre. Elle a peur, ou c’est quoi ? J’ai toujours su qu’elle ne m’aimait pas, elle ne m’a jamais aimé, ni moi, ni ma sœur. C’est une putain d’ingrate, elle est avec mon père pourquoi ? Pour un nom. N’empêche, elle est elle aime assez friquée. Perverse. Ils aiment ça. Elle aime voir ma sœur souffrir. Elle n’a pas de cœur. C’est la femme de satan. « j’ai pas porté plainte. » j’veux lui cracher à la figure, lui marcher sur les pieds, lui montrer de quoi je suis capable, mais je suis trop atteins. Je suis trop choqué. J’ai vécu quinze années de ma vie, quinze longues années dans la maison de Lucifer, et si je suis sa progéniture, ça veut dire que je suis aussi mauvais que lui ? Oui. Je suis mauvais. Je suis né mauvais. C’est mon destin. J’dois pas avoir de potes, j’vais commencer à m’isoler avant de tout détruire sur mon passage, comme lui. « t’es qu’un imbécile. Une grosse merde qui attends. Ouais, une grosse merde. Tu dois être le diable lui-même. T’es regrettable, tu fais pitié. Tu devrais avoir honte de toi. Commence à te chercher une personnalité. Espèce d’HYPO… » une claque. « CRITE. » une autre claque, sur l’autre. « et puis tu crois que tu vas me faire quoi ? » j’me sens mal, wallah, il va me faire du mal, j’le sens. « t’es qu’un petit idiot ! Ferme ta sale gueule !» je fronce les sourcils. Effronté. Je suis effronté aussi. J’vais pas abandonner. Il le sait. « ouais, une saloperie. C’est pas ma faute tu sais, je proviens tout droit d’un… D’un quoi déjà ? D’un violeur. D’une saleté, d’une vermine. D’la grosse merde quoi. » une autre claque, mes joues sont en feu, mais je m’en fous. Je suis maso, j’aime bien ça, ça m’excite, ça m’enquît, ça m’encourage. J’aime la sensation, j’aime avoir mal, ça me rappelle que je suis bien humain, que j’existe. « J’ai envie de te sortir mes majeurs, mais on appelle ça des doigts « d’honneur » et tu les mérite pas. J’ai honte de toi à ta place. » un violent coup de poing dans ma poitrine m’achève, le sang coule maintenant sur mon menton et mon cou. « putain. » je ferme les yeux, il appelle. L’ambulance ? Il a un cœur. « putain. Putain. Merde. Laisse-moi crevé espèce d’enculé. J’vais tout  dire, j’vais tout dire. J’suis une saloperie. C’est pas ma faute. J’veux crevé. Appelle si tu veux. J’leur dirais tout. J’leur dirais tout. J’leur dirais… Tu verras. »  Je perds la tête, je perds mes moyens, je sors de moi, j’entends un bruit désagréable, l’ambulance. J’ai mal au cœur, j’ai froid. Merde.

« Va…Vadim ? Vadim ?! Vadim ! Vadim, ouvre tes yeux. » je fais doucement non de la tête, mais un léger, très léger, imperceptible rictus s’affiche sur mes les lèvres. J’aime pas ça. Non, non, j’aime pas sourire. Mais j’entends sa voix. Elle à l’air d’être bien. « OUVRES TES PUTAINS D’YEUX ! » J’essais, mais je finis par cligner comme un malade, je suis un malade. Je soupire. J’y arrive, ça fait mal. La lumière m’aveugle. J’ai mal au cœur, a la poitrine, je sens un truc sur ma bouche, ça m’dérange, ça m’énerve. Je veux gueuler, mais j’y arrive pas. J’arrive même pas à bouger mon putain de coup. J’ai mal, putain, j’me sens humain. J’aime la sensation. C’est comme des chatouilles à chaque endroit de mon corps, ça me fait ressentir quelque chose, comme si quelqu’un m’appuyait fort le bras. J’aime. J’veux pas que ça parte. J’ai pas envie. Je finis par ouvre doucement mes yeux, y’a putain d’horrible appareil sur ma bouche, l’aide respiratoire ? Je veux pas de ce truc ! Je veux lever ma main et l’arracher, l’enlever, me soumettre à ce que les ignorants appellent « la douleur » mais j’ai pas assez de force. Les gens ne comprennent pas, il ne peuvent pas savoir ce qu’il se passe dans ma tête, c’est trop compliqué pour eux. Je regarde autour de moi, j’suis dans une chambre. Une chambre bleue. L’hôpital. Un bleu trop apaisant, un bleu trop calme, un bleu troublant. « Il l’a touché. Il a touché à ma sœur. » Les larmes me viennent aux yeux mais je les ravale. Une infirmière rentre, elle me dit de me calmer, elle me demande si j’ai mal, l’imbécile. Non, je vais très bien. C’est pour ça que je suis cloîtré à ce putain de lit d’hôpital de merde. J’veux souffrir en liberté. « j’aime bien ça. » elle doit me prendre pour un fou, elle hoche la tête, elle n’a jamais entendue ça. Ma sœur me regarde, un sourcil arquée et rigole doucement. Elle rigole. J’aime la voir rigoler. Elle rigole, il n’est pas dans la salle, il doit être dehors, le père de ses soucis. « j'vous dis qu'il a touché à ma petite sœur, il a failli me tuer, faut l’enfermer, faut l’enfermer. » et on me disait de me reposer. Bande d’imbéciles.

« Ecoute, j’voulais pas lui faire ça, Vadim tu m’écoutes au moins ? » Tu peux toujours parler, espèce de crapule humaine. L’entendre dire mon nom me donnait envie de lui donner un bon coup dans la poitrine, un coup à l’en faire saigner, à se retrouver dans le même cas que moi, dans un lit d’hôpital, retenu, enfermé. Incapable de m’enfuir. Pris au piège dans une délicieuse souffrance, malheureusement éphémère. « je t’entends. » mais je suis très loin de t’écouter. J’ai pas envie de l’écouter, il m’énerve, sa voix m’énerve. Il doit être en prison, c’est sa fille putain ! Et puis si j’me retrouve dans un lit d’hôpital maintenant, c’est aussi de sa faute. Il est dangereux pour la nation. Il commence à me parler en anglais histoire que les « autres » ne comprennent pas, l’infirmière là, qui vient juste de passer par exemple. « Je suis un homme, t’as jamais senti ce genre de pulsions ? » - « t’es dégueulasse. Tu m’écœures. » il fronce les sourcils, mais il se calme aussitôt, il peut agir, il peut me frapper, j’aurais aimé ça. Ressentir cette forte pression, la douleur. Mais il ne fout rien, il ne pourra pas se cacher, il ne pourra pas parler de « pulsions. ». « Hum. Je sais pas quoi te dire. » Je soupire. J’veux cracher, j’veux faire un truc interdit, j’veux me péter la gueule ou me jeter à plat ventre dans une piscine. Mais je peux pas. Je m’énerve. J’ai envie de crier putain, saloperie. Il me regarde, ses yeux. Ses yeux, merde. Ses yeux sont rouges, je sais pas pourquoi. C’est moi qui doit avoir les yeux rouges, ma sœur aussi, lui il est juste dans les problèmes dans lesquels il s’est fourré. « Que t’es désolé ? » Pour tout ce qu’il a pu nous faire. Qu’est-ce qui lui passe par la tête ? Je ne comprends pas. Je ne comprends rien. Limite j’ai pas envie de comprendre. Quelques secondes passent en silence, je le regarde, il me regarde, bref. On se regarde. Il est horrible, il est dégueulasse à voir. Sous ses airs de rigolos, on peut bien croire qu’il est inoffensif, mais sa montagne de muscles fait quand même réfléchir. S’il était aussi maigrichon que moi, on se serait battu, au sang. Et puis on se serait regardé. De toute façon, peu importe, j’ai découvert que moi, j’aime la douleur. « Je suis désolé. » C’est tout, pas même un peu d’émotion. On dirait pas qu’il parle à son putain de fils, non mais c’est vrai. En même temps, il parle à une saloperie, c’est pas de sa faute. Bon, si, en quelques sortes, mais bon… Il détourne son regard, j’espère qu’il a honte. Il doit avoir honte. Il est pire qu’une saloperie, il est pire que moi. « Pourquoi ça ? T’es désolé de quoi ? D’être un monstre sans émotions ? Sans cœur ni sentiments. Je pourrais jamais te pardonner, mais tout c’que tu veux, c’est que j’te dénonce pas, mais j’ai pas la langue dans la poche, toi-même tu sais, papa. » J’insiste bien sur les derniers mots, histoire qu’il pige que je parle d’une affaire héréditaire. Je l’aime pas, j’aime pas son corps, j’aime pas son visage, ses yeux, sa voix. Il m’énerve. La race humaine est déjà bien assez nulle comme ça, et il en est en dessous, dix mille fois en dessous. J’aimerais le voir à  six pieds sous terre, maintenant. Tout de suite, j’veux l’enfoncer dans le sol avec un marteau, lui taper dans le crâne espérant vainement lui remettre les idées en place. « J’ai un cœur, j’ai des sentiments. Je suis vraiment désolé. J’ai jamais voulu vous faire du mal, vous êtes mes enf.. » - «  Je suis pas ton enfant ! Je suis dix mille fois plus âgé que toi ! Je sais contrôler ma b*te contrairement à toi ! » Il grogne, je suis allé trop loin, il tape violemment sur le table de chevet à côté de moi, se lève et va pester dans un coin de la chambre. « Je dirais pas. Je te pardonne pas. » Il n’a pas l’air soulagé, il est en conflit avec lui-même.

Ma sœur, c’est une fille forte. Elle se laisse pas abattre par un rien, mais elle peut paraître sombre. Trop sombre. C’est difficile de la comprendre. Pour vous. Je suis à Jersey, cette île, pour finir mes études. Personne ne sait. Personne ne sait rien. A part elle, la victime, elle là-bas, ma mère qui est restée imperturbable pendant toute la scène, et puis lui, le mauvais, le méchant, et puis elle aussi. Mais c’est un secret. Putain, je suis une saloperie.