et je me perds, à vouloir me défaire, de ces liens qui nous serrent.
La respiration lui manque. Elle a l'impression d'être sous l'eau, que la pression hydrostatique écrase ses poumons, qu'elle va vomir ses tripes, qu'elle va y passer, que sa vie s'arrête ici. Elle le regarde toujours, elle est incapable de détourner son regard de lui tant elle n'y croit pas. C'est lui. Bordel, c'est LUI. Je suis venu en quête d'une nouvelle vie ... sans toi. Elle déglutit. Elle a entendu la dernière partie de sa phrase mais elle ne fera aucune remarque. Elle sait bien que c'est sans elle, puisqu'il lui a demandé de partir, de le laisser, de le quitter, de partir loin d'ici, loin de lui, parce qu'il ne l'aimait pas. Le pire jour de sa vie. Elle reste muette, attendant qu'il parle. Elle, elle en est incapable. Je suis heureux de te voir Maddie. Non, il n'a pas le droit ! Pas le droit de lui dire ça, pas aujourd'hui, pas maintenant, pas deux ans après lui avoir brisé tous ses espoirs ! Même si c'est grâce à lui qu'elle est ici. Même si avec tout ça, c'est lui son sauveur. Maddie. Elle grimace, elle a l'impression d'avoir un couteau enfoncé dans son coeur, qui cisaille doucement ses ventricules, avec la lenteur d'une torture qui doit durer longtemps, la faire souffrir sans pour autant la tuer. T'as pas le droit de me dire ça, grince-t-elle entre ses dents qu'elle a serré. Elle soupire, cherchant un moyen d'évacuer toute la tension qui s'est soudain accumulée en elle. Viens, on va plus loin. Elle se retourne, fait demi-tour et sort de la foule pour s'encastrer dans une ruelle plus étroite et vide de ce monde qui l'oppresse. Elle se retourne, pour voir s'il l'a suivie, ne sachant pas si elle préfère qu'il ait disparu ou qu'il l'ait écouté.

faut-il faire la guerre pour se plaire ?
Il l'a suivie. Elle ne sait pas bien pourquoi, mais il l'a suivie. Elle le regarde. Ses yeux tracent machinalement les traits de ce visage qu'elle n'a jamais pu oublier. Elle aimerait les caresser, les contourer de ses doigts, mais elle reste là, figée, le souffle court. Tu as toutes les raisons du monde de m'en vouloir, je comprendrais si tu ne voulais plus me voir.. Qu'est-ce que ça veut dire ? Que si elle dit qu'elle ne lui en veut plus – ce qui est faux – ils se reverront ? Pour quoi faire ? Il ne l'aime pas, elle n'en voit vraiment donc pas la raison. Mise à part retourner le couteau dans la plaie, encore et encore. Dis moi que tu veux que je sorte de ta vie et je le ferai, c'est promis. Elle se dit courageuse, elle se dit forte, mais elle ne l'est pas. À cet instant-là, ses jambes tremblent et elle aimerait avoir la force de lui dire cette petite phrase, de lui dire de s'en aller, de la laisser... Mais c'est qu'elle est bien trop faible pour le faire. Bien trop faible pour ignorer les battements de son coeur qui se sont faits irréguliers. Non.. murmure-t-elle précipitamment sans trop savoir comment continuer. Elle passe sa main dans ses cheveux et fait deux pas en avant. Un en arrière. Elle a détourné le regard, elle ne sait pas quoi faire. Elle sent son estomac se nouer et avec la faiblesse d'une enfant, elle franchit les pas qui les sépare pour se blottir dans ses bras. Tant pis s'il l'a repousse, tant pis s'il ne l'aime pas. Elle inspire son parfum qu'elle a mémorisé, se serrant contre son corps qui l'a si souvent protégée.

mets ta main dans ma haine.
Elle s'est jetée dans ses bras, sans réfléchir, sans comprendre, sans penser aux conséquences. Elle sait que se détacher de lui après ça sera encore plus dur, qu'elle aura l'impression de le perdre encore une fois, de mourir une seconde fois. Mais selon elle, ça en vaut le coup. Il ne la repousse pas. Elle est rassurée, même si elle ne comprend pas pourquoi. Il se recule alors juste pour lui relever le menton, ce qu'elle fait avec une certaine appréhension, plongeant dans ses beaux yeux sombres. Elle fouille ses prunelles, à la recherche de questions, de réponses, de solutions. Tu m'as tellement manquée.. Elle frémit. À ce moment-là, elle connait de nouveau l'espoir. Cet espoir trompeur, ce traquenard. Toi aussi, tellement, je.. Les mots lui manquent, elle a la gorge nouée, le coeur au bord des lèvres. Elle a envie de les embrasser, les siennes, elle a envie de se noyer dans son étreinte, de se perdre dans un baiser même si ça doit être le dernier. Elle approche doucement ses lèvres des siennes, les effleurant. Elle pose sa main sur celle de William, qui est sur sa propre joue. Elle caresse ses doigts et au moment où elle va céder et l'embrasser... ses doigts frôlent la dureté froide d'un anneau à son doigt. Son coeur rate un battement, elle a l'impression que le sol va se dérober sous ses pieds. Farouche, elle se recule d'un seul coup, retrouvant son regard sauvage comme un animal qu'on aurait cru apprivoisé mais qui ne le sera définitivement jamais. Ses yeux ont envie de pleurer mais elle garde les dents serrées pour s'en empêcher. Elle n'ouvre même pas la bouche, parce qu'elle sait que sa voix se briserait. Elle le regarde simplement, le fixe d'un regard clair, net et précis : elle veut savoir ce qu'est cet anneau à son doigt. Vient-il encore de tenter de la manipuler, de l'apprivoiser.. pour la briser une fois de plus ? Elle ne peut pas se résoudre à croire ça de lui. Mais pourtant...

tes failles seront miennes.
Elle va l'embrasser, elle va céder, y arriver enfin, retrouver le goût de ses lèvres, la texture de sa bouche, le sentiment de bien être qu'elle éprouve lorsqu'elle l'embrasse... mais non. Ça n'arrive pas. Elle se fige. C'est un anneau autour de son doigt elle en est certaine. Elle se recule, se renferme, et repose sur lui ce regard trahi, glacial, distant. Elle a envie d'étouffer, de vomir, de pleurer, tout ça en même temps. Je suis.. ma..rié. Tes oreilles saignent, écorchées par ces mots que tu ne veux pas entendre, ni comprendre, ni croire. Tu te bouches les oreilles. Tu fais l'enfant, tu le sais, mais après-tout, t'as que dix-neuf ans. Tu ne le regardes plus, tu veux qu'il s'en aille, tu veux aller pouvoir croupir dans un trou à rats toute seule, ou t'enterrer quelque part. Mais, chaque jour quand je me lève, c'est toi que je vois. Toi à côté de moi, toi qui m'embrasse, toi que j'ai dans mes bras. J'ai essayé de t'oublier mais tu n'as jamais quitté mon esprit, tu es là depuis toujours. Il lui prend la main et elle le regarde comme si elle le voyait pour la première fois. Ses paroles la touchent autant qu'elles l'empoisonnent. Elle sent son coeur battre, voire même s'emballer dès qu'elle a la main dessus et elle n'a pas la force de la retirer. Elle a l'impression de ne plus avoir de forces du tout, pourtant là, elle voudrait le gifler. Une larme roule sur sa joue. Elle a déjà pleuré devant lui, elle s'était jurée de ne jamais se montrer de nouveau aussi faible, mais elle ne peut pas, à ce moment-là. Tu racontes n'importe quoi.. Sinon tu m'aurais pas dis tout ça, tu m'aurais pas... jetée comme ça.. prononce-t-elle difficilement en étouffant un sanglot. Puis soudain, elle retire sa main, ravalant ses larmes et reculant d'un pas, le regard dur et terrassé. Tu t'endors peut-être en croyant que je suis là à tes côtés, pourtant moi, ça fait deux ans que je me couche et que je me lève seul, et que mes cauchemars me réveillent en hurlant sans que tu ne sois là pourtant ! Sa voix s'est élevée... mais elle fond en sanglots l'instant d'après, chancelant un peu, sa vue se brouillant, complètement abandonnée. Elle a envie de se jeter dans ses bras mais ne le fera pas d'elle-même, par fierté.

fixe, pourquoi ce regard fixe ?
Marié. Il est marié. Il y en a une autre, ici, quelque part à Jersey ou ailleurs, qui l'attend peut-être en ce moment dans une maison, dans un appartement. Peut-être ont-ils une piscine, peut-être ont-ils un chien, une barrière en bois blanc, un jardin bien tondu. Peut-être mêmes ont-ils un enfant. La rage te fait serrer les poings, à telle force que tes os en blanchissent. Tu te détestes, tu détestes cette femme que tu ne connais pas, tu détestes la terre entière et tes parents pour t'avoir mise au monde il y a dix-neuf ans. (...) Si je n'avais pas dit ça, tu ne serais jamais partie Maddie. Il a raison et tu détestes ça. Tu n'as rien à répondre. Parce que oui, sinon, tu ne serais jamais partie. Mais n'auriez-vous pas pu partir à deux ? Aurais-tu osé ? Ça aurait voulu dire s'engager... Lui aussi avait peut-être peur. Je.. Je suis désolé. Tu sens qu'il est sincère et ça te torture un peu plus. Vous êtes là, piégés, complètement bloqués. Tu le sens approcher et le fixes toujours de ton regard de proie traquée, comme si tu craignais qu'il ne te frappe ou t'assomme à coup de mots d'amour. Ce qu'il va faire, en fait. Tu frissonnes violemment au contact de sa main sur ta joue. Je t'aime. Ton coeur rate un battement, puis un deuxième. Tu manques de nouveau d'air. Ta gorge est nouée, ta bouche est sèche. T'as pas le droit de me dire ça... C'est un murmure, à peine audible, noyée dans un début de sanglot qui s'enfonce dans ta gorge pour disparaître l'instant d'après. Impulsive, tu le repousses soudain, le frappant presque même si les forces te manquent et te rendent drôlement faible. Les larmes explosent alors, et tu répètes, en hurlant cette fois : T'as pas le droit de me dire ça ! Tu essuies ton visage, ne parvenant pas à calmer tes émotions. T'as envie d'aller lui dire que toi aussi, bordel, tu l'aimes, que t'as jamais cessé de l'aimer, que tu l'aimes depuis le premier jour où il t'a pris dans ses bras, dans ce lit, où il t'a respectée et non utilisée. Tu inspires à fond et le dévisage, l'air colérique. Comment tu peux me dire ça alors qu'une femme t'attends quelque part, William. Tu veux lui faire croire que t'as changé, que t'es forte, que t'es redevenue celle qu'il avait trouvé... mais c'est faux. Sinon, tu serais pas en train de pleurer, là devant lui, à sentir ton corps bondir à chaque parole.

Spoiler:

eye to eye, so alive.
Ah, s'il savait. Bordel, s'il savait comme tu veux encore de lui, comme toutes ces journées pendant deux ans tu n'as cessé d'espérer qu'un jour il se pointe, comme ça. Qu'un jour il revienne vers toi, qu'un jour vous soyez réunis. Mais le fait d'apprendre soudain qu'il est marié remet tout en jeu, tu doutes et ta confiance s'étiole. T'as plus confiance en rien. Il reste de marbre, mais tu t'aperçois bien qu'il fixe tes lèvres. Ça te trouble. Tu détournes le regard. Je suis désolé. Je n'ai pas le droit de m'immiscer dans ta vie alors que je n'en fais plus partie... Tu serres les dents, c'est intenable, comment peut-il croire ça ? En même temps... Ça fait deux ans. Tu fermes les yeux et respires plusieurs fois à fond, comme pour t'aérer un peu le cerveau et ne pas manquer de tomber ou de déraper. T'as jamais cessé d'en faire parti, Will.. murmures-tu faiblement, comme une plainte, une supplication. Ma femme... Ma femme est sans doute occupée à en sauter un autre. Il rigole et toi, tu déglutis, soudain mal à l'aise. Tu te souviens sans peine qu'avant votre rencontre, c'était pour une femme aussi qu'il était venu à Berlin. Une femme qui l'avait bien eu, encore. Et là.. Mais alors pourquoi.. Tu ne termines pas ta phrase. Pourquoi est-ce qu'il y est marié ? Tout ça ne te regarde pas. Tu n'es qu'une enfant dans ces histoires là, toi. Tu sais pas vraiment ce que ça signifie. Le mariage. Le grand mystère pour toi quoi. Tu fais un pas. Il est touchant, encore. T'as envie de le serrer dans tes bras, de mettre cette rancoeur de côté, de le croire, même si tu dois souffrir après. Tu frissonnes. La chaleur de la colère est retombée et à présent, tu as presque froid. Tu veux que.. qu'on aille... b-boire un truc ? Proposition banale. Peut-être veux-tu voir si vous pouvez vous comporter comme des gens normaux ? Mais vous n'êtes pas n'importe qui, c'est bien ça le soucis. Il est ton âme-soeur, l'homme de ta vie, ton sauveur. Tu peux pas le considérer comme « une personne normale ». Sans lui, à cette heure-là, tu serais en train de te maquiller outrageusement, camouflant les bleus sur ton visage, t'équipant de fringues vulgaires, pour te préparer à aller courir le trottoir. Non, décidément... tu ne peux pas.

you're a shooting star, i see a vision of ecstasy.
Et si tu décides de mettre tout ça de côté ? La colère, la douleur, la peine, la rancoeur, tout... derrière, de l'enfouir. Pour plus tard, pour profiter des retrouvailles. Soudain t'es curieuse : cette femme, c'est qui ? Est-ce qu'il est heureux, quand même ? Il fait quoi, il travaille, il étudie ? Est-ce qu'il a pensé à toi ? Est-ce qu'il se souvient de la moindre de vos discussions le soir ? Est-ce qu'il se souvient du premier soir ? Tu te rapproches, toujours un peu, avec tant de discrétion qu'on dirait que tu n'avances pas. Je ne veux plus jamais te quitter. Tu souris. Tu devrais pas, mais ça te fait incrédiblement plaisir. Tu te serres dans ses bras, inspirant de nouveau son parfum. T'as envie de relever les yeux, mais tu sais que tu vas l'embrasser. Ça serait mal de céder, n'est-ce pas ? Il est marié. Il faut que tu rentres ça dans ta petite tête, vagabonde. Certes, tu es devenue encore plus mature. Chez toi, en Allemagne, t'avais beau être "exploitée" physiquement, t'étais cadrée, t'avais des "parents". Depuis, t'as dû survivre seule. Seule dans un monde inconnu, un pays inconnu, des coutumes inconnues. En arrivant ici, tu ne savais pas ni t'amuser, ni ce que les jeunes normaux faisaient le soir ou encore la journée, manger normalement, gérer ton argent, tout ça... tu as dû tout découvrir par toi-même. Ça t'a fait encore plus grandir oui. (...) L'idée d'aller chez lui te fait frémir. Tu ne veux pas prendre le risque de croiser sa femme, d'aller dans un lieu où ils vivent ensemble, mangent ensemble, couchent ensemble.. Tu mordilles ta lèvre. Ton cerveau tourne à plein régime. Non... Je sais, viens. Timidement, tu attrapes sa main. Comme avant. Sans te poser plus de question, tu fends la foule de nouveau, l'emmenant derrière-toi. Tu empruntes une ruelle vide, en traverses une plus bondée, et toujours sans un mot, entres dans un parc à l'écart. Il y a quelques passants. Des couples, des mères avec leurs enfants, des joggers et leurs chiens.. Regarde, il y a un banc là-bas, on sera tranquilles au moins.. proposes-tu doucement avec un fin sourire, serrant sa main de la tienne, l'y emmenant pour finalement le lâcher et t'y asseoir simplement. Tu pousses un bref soupir, osant relever tes grandes prunelles bleutées vers lui.

m'abandonner au désir qui s'embrase.
Et vous voilà là, seuls dans ce parc. Il peut y avoir quelques personnes autour que tu ne vois que lui, tu n'entends que lui, seul lui existe. William. T'as toujours espéré le revoir un jour quand bien même tu n'avais rien pour le retrouver. Mais pourtant, tu ne pensais pas que ça arriverait d'un seul coup, comme ça. Tu lâches sa main mais il te la reprend. Tes yeux sont rivés aux siens et tu attends, comme si c'était à lui de parler le premier. Tu ne sais tout simplement pas quoi dire, en fait. Tu aurais pourtant tant de choses à lui murmurer.. Tu sais, je n'ai jamais réussi à t'oublier. Chaque jour sans toi était un supplice. Chaque jour sans goûter à tes lèvres était une torture. Ton coeur bat la chamade, c'en est douloureux, tu ne sais plus trop bien où tu es, ce que tu dois faire ou ne pas faire. Tu n'as pas le temps de répliquer que son visage s'approche. Puis ses lèvres sont sur les tiennes et ton estomac se tord. C'est tellement bon et inespéré que ça fait mal, cruellement mal. Comme un marin échoué qui jette son ancre à son port enfin retrouvé, tes bras se crochètent à sa nuque avec un désespoir palpable, t'as envie de pleurer et de rire à la fois. Tu réponds d'abord timidement à son baiser... puis de plus en plus farouchement, avant de mettre fin à votre étreinte d'un seul coup. Le souffle court, le palpitant drôlement emballé dans ta cage thoracique. Tu es toute tremblante. Tu le regardes, et contre ses lèvres viens lui murmurer : J'ai peur, William.. T'as jamais eu honte de lui confier tes craintes, il est ton protecteur, ton pilier, ta bouée de sauvetage. Tu caresses doucement sa joue et tes yeux s'embuent mais tu retiens les larmes pour qu'elles ne coulent pas. J-Je... je veux pas souffrir encore.. J'ai peur de ces sentiments que je ne contrôle pas, que je n'ai connu qu'avec toi, j'ai peur de chuter de nouveau, j'me relèverai pas cette fois.. Comme trop craintive pour fuir son regard, tu baisses la tête et enfouis ton visage dans son cou, à l'abri, au chaud. Tu le serres plus fort, caressant sa nuque. Sauvage. Un animal sauvage, voilà à quoi on t'avait réduite, là-bas. Il avait réussi à te dresser, te dompter, t'apprivoiser, te faire cesser d'avoir peur, d'être méfiante. Malheureusement, tout animal en cage que l'on relâche en liberté est doublement plus perdu. Incapable de recouvrer ses réflexes d'antan et pourtant incapable de s'imaginer de nouveau derrière des barreaux. Il avait réussi. À te rassurer, à te faire comprendre que tu pouvais dormir à côté de lui sans craindre un coup ou à passer une nuit blanche avec lui sans qu'il ne veuille profiter de ton corps. En une longue année, du travail entre vous, y en avait eu. Malheureusement, il y en avait peut-être encore le double à faire. Il est bien connu que la mémoire humaine est une des plus redoutables. Elle efface souvent les meilleurs moments, les joies, les amours. Pour ne laisser que les souvenirs des trahisons, des blessures, des douleurs, des peurs. Tu relèves la tête, et vient embrasser sa joue. T'as l'impression d'avoir reculé le temps. J'ai peur.. répètes-tu d'une voix toute faible.

just gonna stand there and hear me cry.
Tu n'as pas lâché sa main. T'as besoin de le sentir, ça te fait presque croire que tu vas réussir, qu'il va t'aider encore comme avant, que lui tu peux lui faire confiance, que tu peux être heureuse – et tu n'as jamais osé penser au bonheur. Mis à part avec lui. À Berlin, t'étais pas heureuse, même si vous étiez ensemble à lutter, t'étais quand même une « sale pute ». Mais t'étais bien. Je ne partirai pas, je ne te lâcherai pas.. à moins que tu me le demande. Je ne peux plus vivre sans toi Maddie. Tu secoues la tête plusieurs fois, sans parvenir à répondre tant tu es sensible sur le moment. T'as peur de se mettre à pleurer et tu te le refuse. Tu soutiens son regard sombre et intense, frémissant sous ses doigts dans ton cou. Je sais que ça sera compliqué avec Lily.. ma femme, mais je suis prêt à prendre des risques. Pour toi, pour nous. Tu grimaces légèrement, baissant les yeux un instant avant de les relever. Il risque de ne pas être le seul à souffrir c'est fort probable, il se trompe. Tu hausses les épaules. T'as pas vraiment la notion de la famille, la notion du mariage. Tu sais pas trop ce que veut dire "prendre des risques" quand c'est un homme marié qui te le murmure. Mais t'as tout de même ta petite idée, hein... Des risques ? Lesquels, William ? demandes-tu doucement, histoire de savoir, d'être sûre. Ça veut dire quoi... te voir en secret ? La tromper avec toi ? La quitter ? T'en as absolument aucune idée et ouais, ça te fait plutôt peur c'est clair.

but that's alright because i love the way you lie.
Tu n'sais plus quoi penser, tu n'sais pas vraiment comment prendre ce retour, cette irruption dans ta vie. Une vie déjà loin d'être stable mais alors là c'est peine perdue... De toute façon, tu ne recherches pas la normalité, l'habitude, la tranquillité. Tu t'ennuierais bien trop. Tu lui poses une question un peu indiscrète et directe mais t'as besoin d'avoir des réponses, après avoir vécu toute ta misérable vie avec seulement des questions. Je ne sais pas.. je devrais prendre une décision mais en attendant, je veux pouvoir te retrouver comme avant. J'ai besoin de toi mais je suis .. marié, tout ne sera pas simple. Te retrouver comme avant ? Ça veut dire quoi ? Tu comprends pas vraiment, t'as pas l'habitude de tout ça, tu sais pas comment on fait, toi. Tu réponds pas de suite, il t'embrasse de nouveau et tu oublies tout. Tu profites simplement de ça, fouillant doucement ses cheveux blonds. Quand il se détache pour te regarder, tu ancres tes prunelles bleutées dans les siennes. Je.. tant pis si c'est pas simple. C'est pas la simplicité que je veux, c'est toi. murmures-tu, te rendant soudain compte que tu es bien trop faible, bien trop amourachée. Mais t'arrives pas à lui résister, t'arrives pas à ne pas lui céder. Tu approches tes lèvres de nouveau des siennes, cherchant son regard, caressant sa joue. T'as l'impression de vivre dans l'urgence, l'impression que le moment va prendre fin bien trop vite et qu'il te faut profiter, vite, encore, toujours, des dernières secondes qu'il te reste. Je.. j'ai jamais eu l'occasion de te remercier, mais... merci.. Pour tout. Pour le passé, pour le présent qu'il vient refleurir – ou assombrir, au choix – pour tout, oui. Tu plaques tes lèvres de nouveau aux siennes, ton coeur battant la chamade. T'as envie de lui dire, toi aussi. Que tu l'aimes. Mais t'es incapable. Incapable de prononcer ces trois mots. C'est trop tôt.

astérisque, à tes périls et à nos risques.
Tu frémis à chacun de ses contacts, dès qu'il te touche, ta peau s'embrase. Ça a toujours été comme ça, mais la distance, l'absence, le temps, semble avoir tout amplifié encore. T'aimerais se blottir dans ses bras, là maintenant tout de suite. Il a cinq ans de plus que toi et pourtant, ça ne change rien entre vous, ça a toujours été ça. Moi aussi je ne veux que toi. Toi et rien que toi, pour toujours. En guise de réponse, tu l'as embrassé. Donc ça veut dire qu'il t'aime, toi ? Et pas cette autre chez qui il rentre pourtant tous les soirs ? Qu'il te veut toi, rien que toi... et qu'il serait prêt à tout pour ça ? Son sourire t'a manqué, durant toutes ces années, et tu sens ton coeur s'emballer dès que tu le vois sourire. T'es amoureuse, putain, ça te tue, tu veux pas te l'avouer clairement et pour l'instant tu profites juste des retrouvailles. Ne me remercie pas. C'est pas la peine. Mais je veux tout savoir de toi, ce que tu fais, où tu vis. J'ai envie de connaître Delilah. Delilah. Qui est-ce, au juste ? Ici, là, près de lui, tu es Madison. Sa Maddie. Mais il a raison. Tu te rapproches timidement de lui, venant t'enfouir dans ses bras à la manière d'une couverture. Tu joues avec sa main, levant les yeux vers lui. Eh bien... Delilah est étudiante, en médecine, précisément en neurologie. Hmm... Elle vit avec quatre autres étudiants des Hadès dans un dortoir où elle passe peu de temps, tu sais comme elle n'aime pas rester enfermer. Tu ris un peu, bêtement. Parler de toi à la troisième personne... ouais c'est carrément étrange. Puis ta main serre la sienne mais se fige, comme si tu cherchais un certain réconfort. Tes sourcils se sont légèrement froncés, et tu cherches son regard en murmurant doucement : Et.. et Delilah est en couple, aussi. avoues-tu doucement, la gorge un peu nouée, quêtant sa réaction.