Mes affaires personnelles m'ennuient toujours à mourir. Je préfère celles des autres...
- Papa…Un homme se retourne, il est fatigué mais ne cesse de sourire. De légères pattes d’oie se creusent autour de ses yeux mais cela ne l’empêche pas d’être bel homme.
- Oui Lukyan ?- Pourquoi on était deux dans le ventre de maman ?Il vient s’asseoir à côté de moi, tapotant la couverture alors qu’il baisse les yeux.
- Il y a deux réponses à cette question… Celle du savant et celle du poète.Je fais une petite moue avant de répliquer :
- J’ai lu ça dans un livre…- Oui, je ne vais certes pas dans l’originalité, mais cela me semble tellement vrai et pure que je reprends cette formule… Je veux que tu puisses être ouvert d’esprit et que tu sois capable de voir chacune des possibilités. Laquelle veux-tu entendre en premier ?- Celle du savant !- Et bien, il se trouve qu’il n’y avait pas qu’une graine qui a réussi à se frayer un chemin vers la vie.- Et celle du poète ?- Il était impossible que ce monde se passe de deux être aussi merveilleux que vous. Comme le soleil et la lune, la terre à besoin de vous deux pour être complète.Je souris avant d’ajouter :
- Je suis la lune n’est-ce pas ?!Il m’ébouriffe les cheveux avant de se lever. Il est sur le point de fermer la porte avant de se retourner.
- Tu es ce que tu dois être, ni plus ni moins. Et si c’est la lune que tu souhaites être, alors soit lune.La porte se ferme au même titre que mes yeux… Je suis la lune, et je flirte avec les étoiles…
C’est ainsi, j’ai toujours préféré la nuit. Déjà tout petit j’ai plus de difficulté à dormir une fois que l’obscurité à prit place que lorsque le soleil est au zénith.
Je suis la lune.
Mais je ne suis pas seul dans l’équation. Léona brille de mille feux, son sourire à le don d’illuminer la pièce et son rire n’en est que plus lumineux.
Elle est le soleil.
Ma jumelle on se ressemble bien sûre physiquement. Pour ce qui est du caractère, on se complète de façon impressionnante. L’un sans l’autre, on est tout simplement une petite partie d’un tout magnifique.
C’est ainsi, ensemble on est plus fort et je ne peux pas me passer d’elle. Je suis assez possessif ce qu’il fait que lorsqu’elle n’est pas avec moi, je peux m’imaginer toute sorte de scénario, plus farfelus les uns que les autres.
On est inséparable et si une personne ne sait pas que l’on est jumeau… Ça n’existe pas !
Même en classe on est inséparable. Les professeurs disent souvent à papa et maman que l’on devrait faire classe à part, histoire de faire quelques trucs seuls… Sauf qu’on se retrouvait toujours ensemble… J’arrivais à me faufiler sous les tables pour la retrouver…
Les jumeaux 1, Les profs 0…Alors on est resté dans les mêmes classes, toujours ensemble… Mais pendant les travaux à plusieurs, là encore ils ont voulu nous séparer… Et encore une fois on arrivait à se retrouver. Quoi, je sais parfaitement faire la chenille et je sais me faire discret quand il le faut.
Les jumeaux 2, Les profs 0…Un jour, Léona était malade… Mes parents sont venus la chercher, j’ai voulu rentrer avec elle… Ils n’ont pas voulu...
Les jumeaux 2, Les profs 1… ENFIN ! On a quand même gagné quoi qu’ils se disent !
J’ai une jumelle et je suis fier d’elle, je donnerais tout pour elle et elle passe avant tout… Enfin, peut-être pas avant tout… Elle est à égalité avec une personne… Charlie !
Oui, j’ai une autre sœur. Bon sang comment je survis dans un monde aussi difficile que celui de la gente féminine !
Bon ok, j’exagère. J’adore jouer le grand frère !
Prendre soin d’elle est la chose la plus importante à mes yeux. Enfin c’est toujours difficile de me montrer impartiale envers les deux femmes de mon cœur. Parce que, lorsque je défends l’une, je contredis l’autre et ça finit toujours par me retomber dessus… Pfiou que c’est difficile. Enfin bon, il n’empêche que je ferais tout pour ma petite Cha.
Je me battrais pour elle s’il le faut. Un garçon lui fait du mal, gare à mon coup de poing ravageur… Vous trouvez que c’est exagéré peut être ? Moi je trouve cela nécessaire et totalement normal. On ne fait pas de mal à ma sœur, on ne lui brise pas le cœur et on ne la fait surtout jamais pleurer.
- Luk… Je me tourne vers Charlie, grognant doucement et attendant sagement ce qu’elle veut me dire. Elle doit avoir douze ans lorsqu’elle me demande ça.
- Comment on sait qu’on est amoureux ?- Il y a deux réponses à cette question… Laquelle tu veux d’abord.Elle soupire doucement.
- Le savant.- C’est quelque chose de physique. Un frisson, une pulsion… Un regard et c’est bon.- T’es nul pour trouver les réponses du savant tu le sais ça.Je rigole doucement… Oui, j’ai toujours été plus poète.
- Le poète maintenant !- Il n’y a pas de réponse à cette question. Personne n’est capable de te dire quand tu es amoureux ou non. Personne ne peut répondre à ta place. Tu ne peux plus penser à rien si ce n'est son visage. Tu n'entends plus rien si ce n'est le son de sa voix. Tout t'es fade quand il n'est pas là... Comment savoir quand on est amoureux... Tu le sais, c’est tout… - T’es amoureux toi ?Je souris doucement.
- Oui, de vous, de ma famille… Elle lève les yeux au ciel.
- Non, je parle d’une fille… Ou peut-être d’un garçon.Je lève un sourcil en la regardant.
- Je ne suis pas gay… Et non, il n’y a pas de fille.Non… Je ne suis pas amoureux…
Plus le temps avance, plus je deviens un peu le rêveur. A l’école je ne suis pas beaucoup les cours, mais j’ai des facilitées.
Je suis plus le genre d’élève à me mettre du côté fenêtre et regarder dehors. A dessiner au lieu de prendre des notes, à jouer au sudoku ou encore lire un livre…
On me reprend souvent, et moi, j’hausse simplement les épaules de la façon la plus éreintante possible.
Le professeur reprend son cour, je reprends ma lecture…
J’avance comme ça, ayant de bonne note ce qui a le don de déplaire à mes professeurs. Il aimerait me calmer, me remettre à ma place mais mes notes ne me le permettent pas.
Les seules matières où je me donne à fond sont l’art et la musique. Oui, voilà les seules choses qui arrivent à toucher mon cœur d’une façon unique.
A la maison, mes rapports avec mon père ne s’améliorent pas. Si petit je le prenais pour mon héros, plus le temps avance plus je ne le supporte moins.
- Alors as-tu envoyé ton dossier pour Harvard ?Je le regarde en haussant les épaules. Il ne supporte pas que je fasse cela.
- Cesse donc avec cette mimique stupide et RÉPONDS MOI !Je me lève, me plaçant devant lui. Il est si petit à côté de moi.
- Je n’irais pas à Harvard et tu le sais.- Jeune homme, nous avons déjà eu cette conversation et tu seras avocat !Je soupire haussant les épaules d’une façon exagérée.
- ARRÊTE CA TOUT DE SUITE ! Tu veux faire quoi plus tard alors, éclaire moi Lukyan !- Il y a deux réponses à cette question…- OH arrête avec ce truc ridicule ! Je te disais ça pour t’endormir !Je soupire le regardant avec colère.
- Il y a deux réponses à cette question !! Laquelle veux-tu en premier ?- Le savant…- Je serais avocat parce que mon père me le demande. Je devrais me rendre dans un bureau que je hais, dans un costume que je hais pour faire un métier que je hais parce que mon père est un idiot…- Et… Et celle du poète.- Je suis libre. Je vais là où le vent me mène, la où la lune caressent mon visage et où les étoiles me guident, et peut m’importe ce qui m’entoure… Je suis libre.Il se met sur la pointe des pieds pour me tenir tête, me regardant droit dans les yeux avec colère.
Il ne supporte pas lorsque je suis ainsi avec lui. Il ne supporte pas que je puisse lui tenir tête et préfererais quelqu’un de docile… Ce n’est pas mon cas.
Et là descente aux enfers ne fait que commencer.
Il y a deux ans, maman a succombé à son cancer. Elle m’a supplié d’arrêter de fumer durant tout ce temps, car c’est à cause de ça que son cancer s’est développé… J’ai arrêté… Pour ensuite, fumé en cachette.
Lorsqu’elle est morte, j’ai reprit de plus belle… Franchement, j’en ai plus rien à foutre de ce qui m’entoure.
La vie a perdu de sa valeur avec elle. Si une personne aussi bonne peut mourir aussi injustement, à quoi bon se battre…
Il y a deux ans qu’elle est morte, et peu après, on se retrouve sur cette île, Jersey.
Je me retrouve à faire des études d’Histoire de l’Art, et j’adore ça. Même si je suis le même, dessinant plutôt que de prendre des notes, redécorant les tables d’amphi ou lisant le dernier livre d'Amélie Nothomb en version original.
J’ai d’excellentes notes et j’aime ce que je fais, que demander le plus.
Le soir, je ne dors presque pas. Je n’en ressens pas l’utilité. On sort avec mes sœurs, on profite, je fume, on boit…
Je drague, ne prenant aucune attache. Je crois que je ne suis jamais tombé amoureux. Peut-importe le poète que je suis dans mon cœur, je n’ai jamais ressenti ce petit truc que tout le monde est sensé connaitre à mon âge.
Je reste là, assis sur une banquette, à fumer en reluquant les belles filles qui me sourient…
Je m’amuse avec elle, et je pense qu’elles le savent.
Enfin, tout le monde sait que Lukyan ne couche jamais plus d’une fois avec la même fille voyons.
Je reste quelqu’un de mystérieux, je n’aime pas parler de moi, pas depuis que ma mère est morte. Je ne sais pas, c’est comme si quelque chose était mort avec elle.
Léona s’épanouit elle. Elle brille et rayonne lorsqu’elle danse sur la piste. Elle fait tout pour se faire remarquer et cela marche.
Elle est le soleil.
Je reste dans l’ombre, adorant l’obscurité. Je flirte avec les étoiles pour une nuit, avant d’en chercher une autre. Il y en a beaucoup dans le ciel, il y en a beaucoup sur cette terre. Je reste seul, savourant pleinement et vivant au jour le jour. Les ténèbres sont une bonne amie, la nuit une tendre amante.
Je suis la lune.