Après des années de recherches désespérées, de petites informations qui ne me menaient à rien, des centaines de pertes d’espoirs, d’envies de tout envoyer valser, j’étais enfin parvenue à trouver quelque chose de solide, de lourd qui me permettrait peut-être de retrouver ma famille. Quelque chose de blessant aussi. Un acte de naissance, l’acte de naissance d’un bébé né le même jour que moi, quelques minutes avant moi, dans la même salle de naissance que moi. La seule différence ? Le nom de ses parents apparaissait sur sa fiche tandis que la mienne était juste griffonnée d’un « Riley » et dont l’emplacement du nom des heureux parents était griffonné « née sous X ». C’était évident. J’avais un jumeau. Dans une salle de naissance, il n’y avait de place que pour une future maman, et jeune papa et une ribambelle de médecin, ni plus ni moins. Impossible de caser deux lits. Alors oui, il avait une mère, et moi je n’avais jamais eu la mienne. A la réception de cette information, il m’avait fallu un moment pour m’en remettre, après avoir longuement pleuré dans mes bras de mon demi-frère, présent dans mes recherches et d’un soutient irremplaçable, j’avais finalement pris une longue pause dans ces recherches pour faire le point, mais l’envie d’en savoir plus étant plus forte que tout, je voulais rencontrer mes parents biologiques, les confronter au bébé qu’ils avaient lâchement abandonné. Après de nouvelles longues recherche, j’avais trouvé une adresse, celle de mes parents mais personne n’avait répondu lorsque je m’étais présentée à leur porte, seconde adresse, celle d’Isaac, mon jumeau.  Arrivant face à sa porte, légèrement tremblante, je toqua à la porte jusqu’ à ce qu’il ne m’ouvre. « Isaac Nielsen ? » demandais-je devant la porte, toujours aussi tremblante. Il n’y avait pas photo. Son visage collait parfaitement au mien.

the other part of me

« EDEEEEEEEEN, t'as mis où le nutella ? » Après une réponse vulgaire de sa charmante soeur voulant clairement dire que c'est elle qui avait le pot de nutella et qu’elle n'avait pas l'intention de le lui passer, il la rejoint dans sa chambre sans prendre la peine de frapper et lui prit le pot des mains, ce qui donna lieu à une véritable course poursuite dans l'appartement des Nielsen, qui se finit par terre, avec le pot brisé au milieu du salon car tombé des mains d'Isaac quand Eden s'était jetée sur lui pour le lui reprendre. Les voisins étaient habitués maintenant, c'était comme cela tous les jours. Cris, bruits inexpliqués: boum crack et j'en passe, fous rires en pleine nuit, à croire qu'ils ne se reposaient jamais. Quelque heures plus tard, Zac était allongé dans le canapé à manger des chips lorsqu'on frappa à la porte. « Eden va ouvrir s'teplait ! » Un vas-y toi-même lui répondit et il finit par se lever. Se dirigeant vers la porte, il était loin de se douter de ce à quoi il allait être confronté. Même en ouvrant la porte, il ne vit qu'une jeune femme à l'air plutôt stressée et pas la jumelle insoupçonnée qui venait se présenter. Avouons qu'il était un peu aveugle en plus d’avoir été comateux et amnésique. « Lui même, je peux vous aider ? » sourit-il, hésitant à ouvrir la porte pour qu’elle entre, se ravisant, préférant qu'elle lui dise ce qui l'amenait avant, parce que si cela se trouvait elel voulait juste lui faire signer un pétition des amnésique contre les voitures ? Ouais, non, très très peu probable, mais dans la tête d'Isaac Nielsen tout est possible.

La porte ouverte, il était face à une jeune femme qu'il ne lui semblait pas connaitre - mais allons savoir avec son accident -, mais qui elle paraissait l'avoir cherché puisqu’elle vérifiait son identité. Avant de se présenter à son tour. « D'accord... Entrez. » D’accord, parce qu'il en savait pas trop quoi répondre à cela, apparemment elle savait déjà comment il s'appelait alors... S'effaçant pour la laisser entrer, il referma la porte derrière eux et jeta un regard à son intérieur. Il y avait toujours des coussins - lancés par Eden dans une vaine tentative pour récupérer le nutella - par terre et une chaise reversée, plus quelques livres par terre. Il n'avait pas ramassé parce qu'il avait la flemme, c'ets aussi simple que cela. « Faites pas attention au désordre, c'est ma soeur qui avait caché le nutella... » Explication tout ce qu'il y a de plus habituelle et normale bien sûr ! Tout le monde se bat avec sa soeur pour un pot de nutella, c'est bien connu. Bon, d'accord, mais chez les Nielsen c'était la routine, ils se chamaillaient tout le temps pour tout, en rigolant à chaque fois, un peu comme s'ils rattrapaient d'un coup l'année qu'ils avaient passé l'un sans l'autre. Comme si, ayant enfin appris à connaitre sa soeur (à nouveau) il était encore plus proche d’elle qu'avant son accident. Son côté gamin compensait son côté dépressif. Faisant signe de s'asseoir à la jeune femme, il prit à son tour place dans le canapé, éteignant la télévision avant de reposer son regard sombre sur elle, un regard interrogateur puisqu'il ne savait toujours pas pourquoi elle était là. Puis, d'un coup, il fronça les sourcils en la regardant fixement. « Je... Désolé mais... on se connait ? Parce que je suis amnésique alors voilà je sais pas trop, seulement votre visage me dit quelque chose. » Première fois que cela lui faisait cet effet là, un peu comme s'il retrouvait quelque chose qu'il avait longuement cherché, sans même savoir à ce qu'il cherchait.

Les présentations de la jeune femme firent sourire Isaac, elle s'appelait Riley. Riley comme sa Riley. Enfin, il ne fallait surtout pas lui dire qu'elle était sa Riley mais en gros c'était ça, son meilleur ami l'avait même remarqué avant lui, et lui préférait l'ignorer. Enfin bref, cela lui tira un sourire un peu bête qu'il s'empressa de réprimer. Ouvrant largement la porte de son appartement, il laissa la jeune femme y pénétrer et referma derrière elle. Sa question le surprit. « Non, encore heureux, deux comme moi ce serait la catastrophe. » Deux catastrophes ambulantes, des boulets, des gamins. Un peu comme Zander et lui quoi. Mais reliés par une sorte de connexion spéciale jumeaux, ça devait faire mal. Déjà que sans cela ils étaient vraiment pas mal niveau conneries... Une jumelle, par contre, cela le calmerait peut-être. Mais Eden était loin d’être sa jumelle, et ce pas uniquement à cause de l'âge, mais elle ne lui ressemblait pas tellement, et elle était vraiment très différente de lui. « Hm, à voir. » fit-il à sa réponse, après tout plus bordélique que les Nielsen serait un record mondial. Un peu mal à l'aise face au regard que cette fille qu'au fond il ne connaissait pas posait sur lui, il détourna le regard, faisant mine de ranger un peu avant de reporter son attention sur elle pour lui demander s'ils se connaissaient. Il avait l'étrange impression de la connaitre, et même très bien, ce qui détonnait avec sa réponse, apparemment ils ne se connaissaient pas, ne s'étaient jamais vu, et jamais il n'avait ressenti ça depuis sa sortie du coma. Elle sembla surprise, presque déçue, de son aveu sur son amnésie. « Oui, longue histoire. Rien du tout. » Longue histoire ? Un peu qu’elle était longue, et compliquée, difficile à expliquer, impossible à surmonter, destructrice,... Il avait perdu sa copine avec son fils par la même occasion, ses parents étaient morts et il ne s'en souvenait pas, sa soeur demeurait encore un mystère pour lui, il avait des cicatrices d'un accident qui était son seul souvenir de sa vie passée,... Enfin bref, tout cela pour dire qu'il était amnésique désormais. Alors que la fameuse Seven allait reprendre, Eden fit irruption dans la pièce et se stoppa net. « Quoi ? » interrogea-t-il peu avant qu'elle ne fasse remarquer qu'on aurait dit des jumeaux. N'importe quoi. « Dis pas de bêtises Ed... en. » finit-il en pivotant vers la jeune femme. Impossible. Leurs parents le leur aurait dit, et lui qui ne se souvenait de rien Eden le lui aurait dit. Elle semblait pourtant tout aussi surprise que lui, alors peut-être avaient-ils gardé le secret jusqu'à leur mort quelques mois plus tôt. Peut-être comptaient-ils le lui dire à son réveil, et puis s'ils avaient perdu espoir qu'il sorte du coma. Pour le coup, il n'avaient personne à qui demander: leurs parents étaient morts, leur famille n'était plus rien pour eux, il n'y avait plus qu'eux deux, Eden et Isaac, et cela leur convenait parfaitement. « Vous... êtes venue pour ça ? Je veux dire vous pensiez, vous avez deviné, ou je sais pas quoi ? Vous avez quel age ? » Ça c'était du direct. Si elle avait vingt-trois ans et était née le premier septembre, il s'évanouirait.

Une catastrophe. Dans la possibilité ou je serai donc sa sœur jumelle, ce serait une catastrophe. Son arrivée ne s’était pas montrée si catastrophique que ça en fin de compte. Mieux valait taire ce petit secret, au fond. Débarquer comme si de rien était et annoncer à un gars inconnu en plus amnésique que je pourrais –peut-être -  être sa sœur, n’était pas la meilleure idée du siècle, soyons clair. Il fallait juste trouver une bonne excuse à ma venue, mais quoi. Représentante de Nutella ? Témoin de Jéhovah, voisine en manque de sucre pour son dessert ? En clair, je ne vais pas trop m’éterniser, j’avais de toute façon retrouvé ce jeune homme alors quoi qu’il arrive, le pari était gagné pour moi comme pour Maël qui m’avait accordé un temps précieux pour mes recherches. Souriant légèrement à sa réflexion sur la catastrophe que serait des jumeaux Nielsen, je préféra garder le silence, un précieux silence pour ne pas risquer de faire une bourde. Un petit rire par ci, un petit rire par là et le tour est joué. Visiblement, le gène « bordélique » ne devait pas être de famille. Etant toujours ordonnée et assez maniaque, je n’aimais pas vraiment que ma maison ressemble à Hiroshima, mais avec Dexter comme petit ami, difficile d’avoir une maison propre et correctement rangée plus d’une demi-heure.
Assise dans le sofa, je laissa mon regard glisser sur chaque objets, m’arrêtant avec précaution sur une photo de famille trônant sur la cheminée. Portrait d’une famille visiblement unie à laquelle j’avais été arrachée. Le regard rivé sur le visage des parents, une vague d’émotion m’envahit soudainement. La haine, la déception, le sentiment d’abandon, de manque d’amour envers ces deux êtres qui m’avaient conçue et m’avaient abandonné. Si Isaac et moi avions été abandonnés tous les deux, je ne leur aurais sans doute pas voulu, pensant qu’ils étaient incapables d’assumer des enfants, mais garder un enfant et rayer le second de sa vie m’était inamissible, incompréhensible, destructeur. Pourquoi ? Pourquoi lui et pas moi ? Ses parents morts, je n’aurais jamais la réponse à cette question. Au fond, je les avais recherchés pour rien puisqu’ils étaient morts. Reposant le cadre avec quelques difficultés, tremblante. Je replongea finalement mon regard dans celui du jeune homme avant que sa sœur ne fasse irruption dans la pièce, remarquant l’étrange ressemblance entre nous. Souriant légèrement mal à l’aise, je perdis aussitôt mon sourire lorsqu’Isaac se retourna vers moi, s’empressant de me demander ma date de naissance. Prise au dépourvu, je balbutia un instant avant de répondre « Vingt trois ans » répondis-je avant de me lever pour récupérer mes affaires. « Enfin, je vous laisse, j’avais oublié que j’avais une montaaaagne de choses à faire et je ferai mieux de ne pas me mettre en retard ! » leur dis-je en riant nerveusement, enfilant ma veste à l’envers avant de m’en rendre compte. Approchant de la porte, je m’arrêta lorsqu’il me posa une nouvelle question. L’ultime question permettant de savoir si oui ou non, nous étions liés.