EILEEN-JUNITA SIXTINE MORIN ⊱ Elle pleurait. Sa mère, pas June. Ce serait mal la connaitre que de croire qu’elle sait pleurer. Pas qu’elle soit plus forte qu'une autre ou moins sujet au chagrin, seulement les larmes ne lui viennent pas. « Anémie, fièvre, perte d'appétit, pâleur, sueurs nocturnes... Je suis formel, c'est la leucémie. » Tout les regards se portèrent sur la petite fille qui, cessant de balancer ses jambes d'avant en arrière, pencha doucement la tête face à l'air grave des trois adultes présents. « Maman ? Je vais mourir ? » L'interpellée pleurant à chaudes larmes, c'est le médecin qui s'avança pour répondre. « Mais non ma puce, tu vas aller bien. On va te soigner, tout va bien se passer. » Leucémie aiguë myéloblastique. En résumé, un type de cancer s'attaquant à la moelle osseuse, plus souvent diagnostiqué chez les adultes. Au bout d'un traitement de chimiothérapie d'un peu plus de six mois, elle était définitivement tirée d'affaire.

« Le premier qui le touche je l'explose, compris ? » Campée sur ses jambes, bras croisés, faisant barrage entre deux garçons et son protégé du jour, elle ne plaisantait pas le moins du monde et tous le savaient. Elle avait pris l'habitude d'empêcher que des imbéciles heureux s'en prennent à plus faibles qu'eux. Le racket, les bagarres, les menaces, c'était presque terminé grâce à elle. Elle s'était souvent pris des coups, mais elle rendait chaque coup de poing, chaque gifle, coup de pied,... deux fois plus fort. En effet, ce n'était pas un magnifique moyen de faire régner la paix, mais elle avait raidement compris que le dialogue, avec certains, ne servaient à rien. On ne peut rien y faire, certaines personnes ne connaissent que le langage de la violence. Enfin voilà, Eileen Morin était devenue la petite justicière de Lafayette. Un tout petit geste, à l'échelle de l'importance d'une seule personne dans le monde, mais elle croyait en l'effet papillon... Plus tard, elle tenta de sensibiliser les habitants à la violence dans leur ville mais c'était peine perdue. Qui allait écouter une jeune femme fraîchement majeure avec des idéaux politiques et sociaux trop... idéalistes ? Personne, absolument personne. Chose inhabituelle chez elle, elle baissa les bras. Pour la simple et bonne raison qu'elle avait compris une chose: l'humanité n'en vaut pas la peine. L'homme est peut-être naturellement bon, mais il passe son temps à détruire cette nature. De nos jours, qui peut affirmer être un homme bon, quelqu'un de bien ? Pas grand monde. Elle n'avait plus foi en l'être humain, son opinion sur la race humaine était désormais claire et net.

Je t'aime. Des mots si courants, des mots qu'on a envie de jeter à tout vas. Que l'on peut crier, hurler, ou murmurer au creux de l'oreille de l'élu de notre cœur. Des mots qui peuvent faire mal quand on en est plus le destinataire. « Je t'aime. » C'était bien la dernière fois qu'elle lui disait. Blottie dans les bras de son petit ami sur la plage de sable fin de Jersey, sa nouvelle maison depuis que le jeune homme l'avait emmenée là (l'amour fait faire des folies !), elle ne s'imaginait pas une seule seconde ce qui se tramait dans son dos. C'est trois jours plus tard qu'elle le découvrit. Alors qu'elle faisait du shopping, elle tomba nez à nez avec Ethan et... un homme. Un parfait inconnu qui embrassait son Ethan. Pour tout dire, elle voulut mourir sur le coup. Mais ce fut pire encore, elle eut droit au "je veux tout t'expliquer" et au "c'est pas ce que tu crois". Sans un mot, elle lui colla une gifle et disparut.