Courir. Se vider la tête, ne penser qu'à la -légère- douleur qu'une course de deux heures faisait ressentir, au vent fouettant son visage, au son des vagues se brisant sur les rochers et surtout au splendide paysage qu'offrait la Saint Ouen's Bay. Cela faisait du bien à Winter d'entendre un nom anglophone, lui rappelant son Irlande natale qui lui manquait tant ! Au bout de deux heures et demi de course parsemées de quelques courtes pauses, il aperçu une jeune rouquine assise, elle aussi en tenue de joggeuse. D'un peu plus près,il la reconnu et s'arrêta à sa hauteur, attendant qu'elle le remarque afin de ne pas lui faire peur en l'interpellant, il s'exclama: « Hello... Tu es Melody, je me trompe ? » Il lui adressa un large sourire et se permit de s'asseoir face à elle, avant de se rendre compte qu'il ne faisait que sourire comme un idiot et qu'elle ne semblait pas savoir qui il était. De ce fait, elle ne répondait pas et il passait pour un psychopathe. Joli tableau. « Excuse moi, je m'appelle Winter, je suis hockeyeur et on s'est rencontrés à un match. » Il tenta à nouveau un sourire mais, étant ce qu'il est, il n'en resta pas là et repartit pour une nouvelle tirade qui le rendait encore moins crédible -si possible. « Et quand j'y réfléchis bien on s'est pas tellement parlé que ça et tu dois me prendre pour un malade, ou un gros lourd. » Et, dans tout cela, elle n'avait toujours pas eu le temps de placer ne serais-ce qu'une phrase. Louuurd Winter, lourd. « Désolé, je parle trop, je t'ai pas laissé en placer une, on me le dit souvent. Vraiment navré. » Il décida dès lors de se taire jusqu'à ce qu'il soit absolument sûr qu’elle ait fini de parler, et lui fit un petit geste presque d'encouragement afin de montrer qu'il avait enfin terminé son très inutile discours.

Courir. Il faut que je courre. Si je m'arrête, je vais penser. Si je pense, je sens que je vais sombrer. Alors je courre. Je courre. J'avale les kilomètres jusqu'à finir exténuée sur une plage. Laquelle ? Je ne sais pas. Je m'affale sur le sable. La brise marine me faisant frissonner légèrement. Au bout d'un moment, je m'assied et je regarde l'horizon. J'empêche mes pensées d'aller là où elles le veulent. Il faut que j'oublie, que je tire un trait même si ça fait mal. J'ai mis du temps à comprendre mais j'ai fini par le faire alors que je me dois d'oublier.
Une ombre me sort de ma torpeur. Je lève les yeux vers la personne face à moi qui se révèle être un jeune homme que j'ai brièvement rencontré il y a peu. J'ai oublié son nom. Je sais seulement que sa tête ne m'est pas inconnue. Des bribes d'un match de hockey me parviennent en mémoire au même moment qu'il se présente. À l'entendre, j'ai l'impression qu'il n'a pas pour habitude de parler à des filles. Ça me fait sourire. D'ailleurs, je lui souris. Je ne me moque pas, son monologue est plutôt amusant dans un sens. J'attends d'être sure qu'il ait fini de parler pour lui répondre. « Déstresse, je ne vais pas te manger tu sais. » Je lui souris une nouvelle fois avant de continuer. « Je me souviens du match. Je n'y connais rien en hockey mais il avait l'air super. » Comme promis à Damen, je n'encourageais plus son équipe. Je me contente d'aller là où on me dit d'aller, refusant seulement le terrain de lacrosse. « Sinon, je te rassure, je ne te prends pas pour un gros lourd et encore moins pour un malade. Je dirais que tu as juste l'air peu sur de toi mais je peux me tromper. » Ca ne serait pas la première fois mais en général, c'est sur mon compte que je me trompe. « Alors Winter, tu te maintient en forme pour nous offrir un peu spectacle lors de la prochaine rencontre ? »

D'accord, Winter n'était pas des plus doué pour aborder les gens. N'importe qui, pas seulement les filles, bien qu'il les trouve totalement compliquées. Mais, une fois à l'aise, il était tout à fait sûr de lui et les conversations prenait la tournure voulue. Sa réflexion lui tira un sourire, mais il ne répondit rien. Il faut dire que les petites bêtes ne mangent pas les grosses ! La suite élargit son sourire. Et oui, parler de hockey au jeune homme était comme parler de chocolat à un enfant gourmand, de nourriture à un affamé, de boisson à un affamé. Bref, son regard s'illumina et son sourire se fit plus large. « Il était super ! D'autant plus qu'on a gagné. » s'exclama-t-il un peu comme un enfant admiratif. Confiance ? De ce côté là, ça allait plutôt bien en fait. Il n'avait aucune raison de se refermer sur lui même, il était très sociable. Et très bavard. « Oh, ne t'en fais pas pour ma confiance en moi, généralement j'ai confiance, je sais ce que je vaux. » Sans se vanter, mais il fallait considérer le fait qu'il était surdoué et avait de ce fait passé deux classes, ainsi que les quatre coupes de hockey remportées au cours de sa carrière et des multiples médailles lui venant pour la plupart d'il ne savait même plus où. Bref, il était conscient de ses talents sportif, et de son sens artistique pour ce qui était de la guitare et de la peinture. Sans compter sur son intelligence. Arrêtons de nous lancer des fleurs, il sourit légèrement à la question de Melody et haussa les épaules avant de répondre. « Pour tout te dire je peux pas m'empêcher de faire du sport. N'importe lequel. J'ai même déjà essayé le cheerleading une fois. Mais chut c'est un secret, j'étais encore un enfant innocent. » Bon, en gros c'était il y a cinq ans. Quand je vous dis qu'il était passé par t o u t les sports possibles et imaginables. Que voulez vous, passionné et hyperactif, cela donnait un résultat très... très. « Et toi, pourquoi tu cours ? » Il avait la vague impression que c'était pour fuir quelque chose. Après tout, quoi de mieux que la course pour fuir...

L'arrivée de Winter est salutaire. Sans lui, je sais que je n'aurais pas réussi à maintenir le cap de mes pensées et qu'elles m'auraient ramener à Damen. Comment oublier quelqu'un si on pense constamment à lui ? Heureusement, Winter est une bouffée d'air frais et son monologue m'arrache un sourire sincère. « Je ne me souviens plus du score. Faut dire aussi que je ne connais pas vraiment les règles du hockey mais je n'étais pas là pour comprendre après tout. » Même si connaître un minimum les règles des sports qu'on encourage me semble important.
Quand il m'assure avoir confiance et qu'il sait ce qu'il vaux, je hoche la tête pour lui signifier que je comprends ce qu'il veut dire avant de m'exprimer plus clairement. « Savoir ce qu'on vaux est une très bonne chose, ça prouve qu'on se connait un minimum et qu'on accorde peu de crédit à ce qui peut se dire sur notre dos. Fait juste attention à ne pas te tromper sur ta valeur, il se peut qu'on se sous-estime ou qu'on se sur-estime. » Ce n'est pas l'étudiante en psycho qui parle mais moi, tout simplement. Je pensais aussi savoir ce que je valais et maintenant, je n'en suis plus si sûre.
L'interrogeant sur la raison de ce footing, lorsqu'il me dit s'être essayée au cheerleading, j'esquisse un sourire. Non que les hommes n'y ait pas leur place. Dans mon lycée, la moitié de l'équipe était masculine et très viril pour la plupart. « Pourquoi serait-ce un secret ? Il n'y a aucune honte à avoir essayer le cheerleading, je connais beaucoup de mecs qui en font. Pour tout te dire, je connaissais même une équipe entièrement masculine et ils n'étaient pas mauvais du tout. » Je lui souris avant de perdre mon sourire lorsqu'il me retourne ma question.« Pour garder la forme ? Non, sérieusement, courir me permet de me vider la tête sans compter qu'il faut aussi que je reste un minimum en forme pour assurer les saltos et autres acrobaties lors des compétions ou tout simplement lorsqu'on encourage une équipe. »

L'Irlande lui manquait. Pas que Jersey soit déplaisant comme nouveau lieu de vie, mais sa ville natale de Castlebar était sa maison. L'Irlande était son pays, il s'était toujours dit qu'il y vivrait toujours et qu'il y finirait sa vie. Et, finalement, il ne pourrait plus jamais y retourner et ne savait même pas pourquoi... Enfin, c'était un mal pour un bien, il avait fiat des rencontres extraordinaires depuis son arrivée à Jersey, et le cadre était parfait pour le surf. Il venait d'ailleurs de faire une nouvelle rencontre, ou plutôt il apprenait à connaitre quelqu’un qu'il avait déjà croisé deux ou trois fois. « Je t'expliquerai si tu veux. » Winter s'en ferait d’ailleurs un plaisir, parler de hockey et jouer au hockey étaient deux choses qu'il adorait faire. Il décocha un sourire à Melody et attendit sa réponse. « Je me souviendrai de ce conseil... », sourit-il avec un léger clin d'oeil avant de se tourner face à la mer. Il observa les vagues qui se brisaient sur la plage avant de redescendre lentement, jusqu'à ce qu’elle lui réponde au sujet du cheerleading et qu'il ne se mette à rire. « Pour ma part, mon entrejambe a un plutôt mauvais souvenir de la fois où j'ai tenté le grand écart ! » Il lui adressa un sourire avant de se replonger dans la contemplation de l'horizon. Sa réponse lui sembla un peu réservée, il sentit clairement la part de mystère. Mais il n'avait pas l'intention de lui en demander plus, si elle ne voulait pas le lui dire il n'insisterait pas. Seulement, pas de chance pour elle, il était tellement empathique qu'il sentait directement quand les gens n’allaient pas bien ou ressentaient n'importe quel sentiment. « Tu es sur Jersey depuis longtemps ? »

Parler avec quelqu'un que je connais peu me fait du bien. Pas de questions embarrassantes, pas d'explications à donner. En prime, Winter me fait rire, ce qui me fait encore plus de bien. Je n'ai pas souvent l'occasion de rire en ce moment puisque je passe mon temps à essayer de comprendre mes tourments.
Je n'ai même pas honte de lui dire que je ne connais rien au sport qu'il pratique et que j'ai encouragé pour la première fois il y a peu. Pourtant, je sais qu'il faut connaître un minimum les règles mais il n'a pas l'air de s'en offusquer. « Je veux bien mais je ne promets pas de tout comprendre en une seule explication. En tout cas, c'est gentil de te proposer d'être mon prof. » Je lui souris de bonne grâce avant de lui dire de ne pas se tromper dans sa valeur. Savoir qui on est est important, je ne le nie pas mais il faut aussi prendre en compte l'image de soi qu'on renvoit et pour ma part, ces deux images ne sont pas totalement compatible, du moins en ce qui concerne une certaine personne.
Je ris légèrement quand Winter m'annonce avoir un mauvais souvenir du cheerleading. Je lui jette un regard amusée avant de lui répondre. « Laisse-moi deviner, tu as essayé le grand écart sans l'avoir fait auparavant ? Mon pauvre, tu as dû souffrir. » Je lui adresse un sourire compatissant avant de lui donner la raison, enfin les raisons, pour laquelle je courrais. Je lui suis reconnaissante de ne pas avoir demandé plus d'explications, m'épencher sur mes problèmes n'est pas dans mes habitudes. « Ca fait 4 ans que je suis ici. A l'origine, je devais faire mes études aux Etats-Unis mais à la dernière minute, j'ai décidé de venir les faire ici et je ne le regrette pas le moins du monde. Et toi, cela fait longtemps que tu es ici ? »

Souriant à la réflexion de Melody, le jeune hockeyeur haussa les épaules l'air de dire que ce n'était rien. « You're welcome, j'aime bien parler de hockey, je pourrais en parler pendant des heures... Mais t'en fais pas, je t’épargnerai ça ! » Lorsqu'il était parti, il pouvait faire un monologue de plusieurs heures au sujet de cette grande passion qu'il avait pour toutes sortes de sports. Le hockey en particulier, il fallait avoir du temps à perdre pour aborder le sujet avec lui ! Mais il lui épargnerait cela, puisqu'il l'avait déjà abordée en monologuant longuement. Il sourit à nouveau lorsqu’elle comprit ce à quoi il faisait référence. « Je m'en suis remis ! J'essayerai plus jamais par contre, mais c'était une expérience. Si on veut... » Il rit brièvement avant de l'écouter lui expliquer depuis quand elle se trouvait à Jersey. « Moi aussi, ça fait quatre ans. Enfin, ça devrait faire quatre ans, mais quand je suis arrivé d'Irlande j'avais pas trop envie de rester. Du coup je suis parti en voyage humanitaire en Afrique pendant quatre ans. J'avais passé plusieurs classes, tu vois, du coup je suis parti quand j'avais dix-sept ans, et je suis revenu il y a quelques mois pour faire mes études. Même si je ne compte pas rester. » Il ne savait plus trop. Il s'était beaucoup attaché à certaines personnes à Jersey, mais il ne voyait pas son avenir derrière un bureau ou dans n'importe quel travail. Il s'était découvert une 'passion' durant son voyage humanitaire, il était désormais tiraillé entre cela et son attachement inattendu aux Jersiais qu'il cotoyait à l'université...

sorry pour le retard