Cela devait faire un mois et une semaine, quelque chose comme ça, que Ash s'était installé sur l'île de Jersey. Il n'aimait pas plus que cela cette île pleine de gamins et le calme de sa nouvelle vie, mais il préférait de loin ce coin tranquille à la prison dont il sortait. Il aurait préféré retourner à Florence et retrouver sa famille comme si de rien n'était, mais il savait pertinemment que neuf ans de silence soulèverait des questions auxquelles il ne saurait que répondre. Pourquoi n'avait-il pas appelé, que faisait-il, où était-il, pourquoi Zadig n'était-elle plus avec lui, d’où lui venaient ses nouvelles cicatrices,... Autant de choses qu'il préférait oublier, même si cela signifiait oublier ça famille. C'était un peu égoïste, mais, en même temps, il le faisait pour eux, afin de ne pas les décevoir, de ne pas leur faire honte. Après onze ans sans le voir et neuf sans jamais entendre parler de lui, ses parents et son frère devaient s'être faits à son absence, sans doute le pensaient-ils mort et l'avaient-ils recherché durant plusieurs années avant de se rendre à l'évidence. L'idée de leur tristesse face à cette hypothèse lui brisait le coeur lorsque Ashley y songeant, raison pour laquelle il préférait les bannir de son esprit. N'ayant pas trouvé le sommeil après être rentré du Mimosa Bar à six heures du matin, il avait déjà fait tout ce qu'il avait à faire chez lui à neuf heures. Décidant de sortir, il attrapa ses clés dans l'entrée, hésita à prendre une veste puis, voyant le soleil qui tapait dehors, repartit troquer sa chemise contre un t-shirt. En sortant, il aperçu Zadig devant sa maison. Elle le vit aussi, mais fit semblant de rien, ce qui tira un vague sourire, un peu amer, à Ash... N'y tenant plus après des semaines de silence et de regards en coin ne passant pas le moins du monde inaperçus malgré ce qu'ils tentaient de faire croire, il descendit les quelques marches du perron et s'approcha de la haie séparant leurs deux habitations. « Il va falloir que tu te décides à arrêter de m'éviter... » Cinq semaines qu'ils étaient voisins, des années de relation, et elle faisait comme s'il n'existait pas. Il pouvait concevoir qu’elle lui en veuille, après tout c'était de sa faute si elle avait gâché les plus belles années de sa vie, mais qu'on l'ignore était l'une des choses qu'il détestait le plus. Et, au fond, il aimait Zadig

Il irait soit faire un tour par les appartements encore inoccupés qu'il possédait, soit il se saoulerait une fois de plus au Mimosa Bar dont il avait la clé et où il se servait sans payer à toute heure du jour ou de la nuit. Ashley avait la mauvaise habitude de borie énormément. A force, il supportait d'ailleurs vraiment très bien l'alcool. Lorsqu’il était de bonne humeur -pas aussi rarement qu'on le pensait, je vous assure !- il se prenait même au jeu de faire des paris sur celui qui tiendrait le mieux l'alcool. La plupart du temps, il remportait la mise. Il rentrait totalement saoul, voire ne retrouvait pas le chemin de sa maison, mais il remportait la mise. C'était une manière d’échapper à ses problèmes. Une façon comme une autre, à chacun son remède... Croiser Zadig, ou Fran comme il l'appelait toujours avant, Ash fut presque surpris qu'elle prenne la peine de lui répondre. Surpris mais ravi. Il en aurait presque sourit si sa réponse ne l'avait pas rendu un peu plus amer encore. « Non, suis-je bête, tu fais seulement en sorte de ne pas me croiser. » Définition du verbe éviter donnée avec un air un peu dépité mais sans réelle colère. Il pouvait comprendre, c'était difficile à admettre, il n'acceptait pas facilement qu'on lui résiste et n'aimait pas du tout l'idée mais il pouvait la comprendre. Après tout il avait tué quelqu'un en le rouant de coups juste sous ses yeux. Et ce après lui avoir égoïstement volé plusieurs années de sa vie en l’entraînant dans des histoires vraiment pas très nettes... L'éviter était son droit, mais il n'aimait pas cela et qu'elle le nie était un problème de plus. Etre contredit, à tort qui plus est, faisait partie des nombreuses choses qu'il n'appréciait pas. Ash manqua de s'étrangler lorsqu'elle lui fit une nouvelle réflexion. Il hésitait un peu entre rire au éclats et se vexer définitivement. Il ne fit pourtant ni l'un ni l'autre. Zadig avait toujours eu une bonne influence sur lui, tandis qu'il en avait une mauvaise sur elle... « Ça n'a rien avoir. En plus d'un mois on ne s'est toujours pas dit un mot. On a pas échangé un regard en cinq semaines... Je sais que tu m'en veux. En fait tu me détestes peut-être carrément et je peux le concevoir, mais dis le moi. » Pour tout dire, il n'avait pas très envie d'entendre la seule fille qu'il ait jamais vraiment aimé lui jeter au visage qu’elle le haïssait plus que tout pour ce qu'il lui avait fait. Cependant il le méritait. Et se l'entendre dire aurait pour effet de le libérer de ce problème, après tout il souffrirait moins une fois qu'il serait fixé pour de bon...

Le sourire de la jeune femme l'étonna, mais force était de constater qu’elle avait raison. Un bref sourire étira ses lèvres et Ash acquiesça légèrement sans répondre. Ils ne pouvaient pas vraiment s'ignorer, au fond, puisqu’ils étaient voisins depuis cinq semaines déjà. Les voisins, même s'ils se haïssent, son bien obligés de se croiser. Mais, apparemment, elle ne le détestait pas. Réprimant une exclamation du genre "oh", il la laissa poursuivre. « Si tu le dis, Zadig... » A ses yeux ce n'était pas tellement compliqué, mais à chacun sa vision des choses. Et puis elle ne le détestait pas, c'était déjà une petite victoire, non ? Une fois de plus, tout dépendait quand même du point de vue, cela avait beau être une plutôt bonne nouvelle, le problème demeurait le même car c'était apparemment "compliqué" pour elle tandis qu'il voyait très clairement les choses. Il n'y avait jamais rien eu de simple entre eux deux. Il ne s'attendait pas à cette proposition, sans doute un peu forcée par le fait qu'ils étaient dans une impasse et que, le connaissant, elle savait pertinemment qu'il ne lâcherait pas l'affaire si facilement, et il allait refuser lorsqu'une possibilité un peu stupide s’immisça dans son esprit. Sa maison était un lieu sécurisant pour elle,peut-être leur conversation serait-elle rendue plus simple par le fait qu'elle se sente hors de danger. Même s'il devait tout de même représenter une sorte de danger, étant donné son passé... Se contentant d’acquiescer, il prit appui sur la barrière se trouvant dans son jardin et sauta par dessus la haie, se retrouvant à à peine quelques centimètres de son ex petite-amie. Soudainement dérangé par une telle proximité, il fit un pas sur le côté et attendit qu'elle réagisse pour lui emboîter le pas direction l'intérieur. « Il serait plus logique que je demande d'abord comment tu vas, depuis le temps... ? » Comme s'il y avait jamais eu quoi que ce soit de logique entre eux... Jetant un bref regard autour de lui, il revint rapidement sur Zadig à qui il adressa un vague sourire.