anywhere else but here.
Il est encore assez tôt. Oui, Delilah est seule. Elle aurait bien pu demander à quelqu'un de l'accompagner, mais faire semblant de sourire toute la soirée, non merci. Et puis, elle a envie de se changer les idées. La solitude ne l'a jamais dérangée, de toute façon. Son regard glacial déconseille les inconnus de s'approcher. Et puis, elle n'est pas de celles qui fricotent avec tous les imbéciles qui trainent ici. Elle l'a fait, fut un temps. Mais depuis qu'elle est ici, c'est avant-tout pour changer de vie, n'est-ce pas ? Elle sirote tranquillement son cocktail quand elle sent une présence dans son dos. Elle se fige légèrement mais ne se retourne pas pour autant. Vilain petit moucheron, pourquoi es-tu grognon ? Elle aurait sursauté si elle n'avait pas reconnue la voix chaude et rassurante de son destinataire. Elle sourit d'elle-même. Il est l'un des seuls à pouvoir la faire sourire comme ça, sans efforts, sans qu'elle n'ait à se forcer. Et puis, avec sa petite phrase tout droit sortie d'un film Hollywoodien – même si l'Allemande serait bien incapable d'en donner le titre – comment résister, hein ? Il a bien compris comment elle fonctionne. Elle sourit oui, alors qu'elle ne voudrait pas. Si elle l'évite, y a une raison. C'est elle la fautive, elle le sait. Mais comment lui expliquer ? Il a sûrement senti ce petit moment de trouble, d'hésitation, où le temps suspendu a figer dans sa mémoire leurs visages très (trop) proches et où elle a failli céder à la tentation. Alec est l'homme en qui, ici, elle a le plus confiance. C'est aussi son meilleur ami, son confident, celui qui est toujours là pour elle, le seul à qui elle peut se confier sur son passé car le seul à le connaître. Alors, non, elle ne peut pas. Elle ne peut pas céder à l'embrasser comme ça. Et puis, il est en couple, il a sûrement d'autres chats à fouetter que de s'occuper des humeurs d'une gamine dans son genre. Elle l'observe se placer en face de lui, ayant retrouvé un visage indifférent. Du moins en apparence. Elle a juste envie de se blottir dans ses bras à ce moment-là. Elle sait qu'elle doit répondre. Mais que pourrait-elle lui dire ? Salut j'ai voulu t'embrasser mais j'me suis reprise au dernier moment, on est trop proches tous les deux mais j'pourrais pas me passer de toi ? Non, c'est définitivement pas la bonne chose à dire. Elle s'en veut de l'avoir laissé sans nouvelles comme ça du jour au lendemain. Elle avale sa salive, reprend une gorgée de son cocktail en se disant qu'il ne faut pas qu'elle abuse vu avec quelle facilité l'alcool lui monte à la tête, et pose enfin ses yeux bleus sur le beau brun. Elle le fixe pendant quelques secondes. Maddie déteste mentir, et il le sait. Du moins, pas avec lui quoi. Elle passe une main dans ses cheveux blonds. J'suis désolée. Bien, bon début, allez on continue Strauss. Elle inspire à fond et se penche un peu en avant vers lui, ses yeux toujours rivés aux siens. Tu m'en veux pas, hein ? Oui, elle demande ça avant de s'expliquer. C'est qu'elle a toujours cette peur ancrée en elle, la Delilah. Cette peur qu'on l'abandonne. Qu'on la laisse là, seule, comme elle l'a toujours été. Son regard empli d'une tristesse touchante n'ose pas se détourner de celui, plus foncé, d'Alec.

a thousand times i've tempted fate.
Elle sait qu'Alec serait resté. À Berlin, quand ils se sont rencontrés. Quand il a compris. Elle sait qu'il serait resté l'aider de là-bas mais qu'il devait s'occuper de sa soeur. Elle ne connait pas sa soeur. Mais elle sait aussi que c'est un peu grâce à lui qu'elle avait pu survivre là-bas, qu'il avait demandé à quelqu'un de s'occuper d'elle, de l'aider, de la sauver – avec le temps, elle a préféré oublier ce nom qui ne lui laissait qu'un goût amer dans la bouche. Mais c'est surtout et toujours ici qu'il est son sauveur. Un véritable pilier pour elle, oui. Elle l'observe de ses yeux bleus, détaillant ses traits gracieux et qui rappellent à la jeune femme un certain réconfort, à chaque fois. Il suffit qu'il soit dans les parages pour la calmer, la rassurer. Sa seule présence fait véritablement office de la plus efficace des morphines pour elle. C'est justement un peu ce qui lui fait peur. Elle s'y est beaucoup trop attachée, jusqu'à y devenir dépendante de la même façon qu'elle l'est avec la drogue. Dans son comportement récent, c'est ce qu'elle a tenté de fuir. L'attachement. La dépendance à qui que ce soit. Mais bon, v'voyez bien que ça ne marche pas. Surtout pas avec lui. Bah si, je te déteste et c'est pour ça que je viens te tenir compagnie ! Elle ne peut pas s'empêcher brièvement de sourire de nouveau. Il l'amuse toujours. Il trouve toujours le moyen avec ses petites phrases, de l'amuser, de la faire sourire. Son sourire l'apaise et elle se contente de l'observer. Non, bien sûr que non... Je devrais ? Elle a l'impression d'être en face du grand frère qu'elle n'a jamais eu et qu'elle n'aura jamais. Elle hésite et détourne brièvement le regard, haussant légèrement les épaules. Elle ne sait même pas comment elle peut expliquer tout ça, en fait. Je ne sais pas... Je t'ai évité, c'est flagrant, mais si tu ne m'en veux pas alors on peut oublier. Oublier ? Elle n'oubliera pas l'envie qu'elle a eu de l'embrasser ce soir-là. Mais elle préfère passer l'éponge dessus que de s'expliquer, visiblement. Elle se lève alors, se mettant debout à côté de lui en lui tendant la main. On va marcher sur la plage ? La musique m'assourdit ici... Il est vrai qu'elle se perd souvent dans ces endroits, mais pourtant, elle ne les aime pas. Musique agressive, personnes complètement à l'ouest, un sol collant et poisseux... Et puis, avec lui, elle aime bien être au calme. Elle quête sa réponse, tentant même un fin sourire sur ses lèvres rosies sûrement par le passage d'un quelconque gloss ou truc du genre. On peinerait à croire qu'elle n'a que dix-neuf ans.

need you now.
Une sangsue. Jamais Delilah ne se permettrait de le considérer comme tel, pour la bonne raison qu'il est un pilier dans sa vie et qu'elle n'aurait pas été loin à Jersey s'il n'avait pas été là. Et puis, elle l'aime trop pour ça. Il attrape sa main et se lève donc, acceptant d'aller marcher sur la plage. Rosie préfère de loin l'air frais que celui, étouffant, de l'intérieur du bar, quand bien même elle s'y sentait bien. Elle inspire à fond, pensant qu'Alec a changé de sujet mais en fait... Dis,... Si il y avait un problème, tu me le dirais, n'est-ce pas ? Elle fronce légèrement les sourcils et s'apprête à lui répondre que, bien sûr elle lui aurait dit, quand il s'arrête, la contraignant avec son regard à se stopper elle aussi. Intriguée, elle plonge son regard bleu dans le sien. En fait non, je ne peux pas oublier. C'est clair, je ne t'en veux pas... Mais j'ai pas le droit de savoir ? Si j'ai fait quelque chose de mal, dis-le moi ! Et si c'est toi... tu sais que je ne peux pas t'en vouloir. Elle se mord l'intérieur de la joue. Elle est perdue, elle ne sait pas quoi faire. Et en plus, il lui sourit.. Et ça achève un peu toutes les barrières que Maddie s'efforçait de garder dressées à ce moment-là. Elle soupire doucement. Tu ne peux pas m'en vouloir, hein, tu dis.. répète-t-elle d'un ton très bas tout en le fixant, reprenant ses mots, approchant doucement son visage du sien. Une de ses mains se pose presque naturellement à la base de sa nuque. Elle sent sa respiration se mêler à celle d'Alec. Elle a peur. Elle a terriblement peur, parce que s'il la repousse d'un seul coup, elle risque de le prendre très mal pour elle. En même temps, ça serait loyal.. Son coeur bat la chamade et elle frôle ses lèvres doucement, fermant les yeux. Elle dépose alors doucement ses lèvres sur les siennes, avec une tendresse qu'on ne lui soupçonnerait pas. Elle finit par les détacher au bout de quelques secondes. Elle sent la chaleur de la honte et la gêne lui brûler les joues. Tu voulais savoir ? Voilà. Parce que j'ai eu envie de faire ça pendant toute la dernière fois où on s'est vus. Donc non, t'as rien à te reprocher, toi. fait-elle en détournant le regard, grimaçant légèrement. Il va sûrement lui en vouloir à mort. En tout cas.. c'est bel et bien ce qu'elle s'imagine. Elle baisse les yeux au sol, comme pour s'excuser.

no i'm not saying i'm sorry.
Elle l'a fait. Elle a osé. Elle ne sait pas vraiment pourquoi, ni comment, ni quoi que ce soit... Mais elle l'a fait. Ce dont elle rêvait depuis plusieurs jours à présent. Oui, elle l'a embrassé. Et le moment d'après, elle considère ça comme la pire erreur de sa vie. On n'embrasse pas un ami. Surtout quand cet ami vous est vital, qu'il est pour vous un véritable pilier, que vous ne pouvez pas vous en sortir sans lui. Alors oui, c'est une erreur d'avoir fait ça. Elle craint tellement sa réaction que ses yeux sont rivés au sol. C'est... inattendu, si tu veux mon avis. Elle relève les yeux. Inattendu ? C'est tout ? Elle fronce un peu les sourcils, ne comprenant même pas pourquoi il ne l'a pas repoussée. Elle le dévisage, ne sachant même pas quoi lui dire ou lui demander. Non, elle n'est pas amoureuse. C'est à la fois moins et pourtant bien plus que ça. Elle est reliée à lui, c'est physique, c'est psychique. Elle lui doit toute sa survie ici. Je ne t'en veux toujours pas. Je t'aime, mais pas comme ça. Je t'aime plus que ça, tu es ma deuxième petite soeur. je ne veux pas te perdre... Les moments d'émotion, Delilah n'a jamais su gérer. Elle n'a jamais su comment réagir, quoi faire, quoi dire. Elle reste alors silencieuse, bien qu'elle est immensément touchée par ses mots. Je serais resté là-bas pour toi, Delilah. Si Eileen n'avait pas eut besoin de moi, je serais resté. Elle sent les larmes lui monter aux yeux. Elle le sait, elle l'a toujours su et n'en a jamais douté. Eileen, cette petite soeur qu'elle ne connait pourtant pas. Peut-être lui jalouserait-elle un peu le fait qu'il soit reparti s'occuper d'elle, la laissant là-bas. Là-bas, pourtant sous l'oeil attentif... d'un autre protecteur. Elle chasse l'image de William de ses pensées. Je sais. Chez elle, ça veut dire merci. Elle finit par sourire, se détendant après, après-tout, il n'a pas l'air de lui en vouloir ou quoi que ce soit d'autre. Elle est soulagée et elle peut se permettre de se détendre un peu. T'as pas de soucis à te faire hein, j-je.. c'est pas une histoire de sentiments, je sais que tu es avec Noa, et tout.. Mais j'en avais juste envie. Ou peut-être besoin, j'en sais rien. murmure-t-elle doucement en haussant un peu les épaules, passant une main dans ses cheveux, tout de même un peu gênée. Mais lui avouer ça, ça la libère un peu d'un poids.

so shame on me now.
En effet, il n'aurait manqué que Noa débarque soudain pour ajouter une touche finale à ce moment inopiné. Non merci, pour sa part, Delilah est plutôt satisfaite que ça ne soit pas le cas. Mais elle est tout de même contente qu'il ne l'ait pas repoussée. Elle se laisse faire et termine dans ses bras, se serrant fort contre lui, fermant les yeux. Contre lui, elle s'est toujours sentie aussi protégée. En sécurité totale. Elle n'a peur de rien. Et ce n'est rien, de toute façon le jour où on comprendra tout ce qu'on fait n'est pas prêt d'arriver, si tu veux mon avis. Elle l'adore. Il ne la juge jamais, ne lui en veut jamais, pour rien. Elle ignore pourquoi et comment, d'ailleurs, mais elle lui en est tellement reconnaissante... Je t'adore vraiment trop toi. murmure-t-elle tout contre son torse. Soudain, elle se sent tirée en arrière et pouf, elle se retrouve sur le sable. Loin de s'énerver, elle se met même à rire, souriant en le découvrant à côté d'elle tout d'un coup. Et c'est pour ça que tu m'évitais ? Elle fait une petite moue innocente, haussant les épaules, enfantine. Elle triture doucement ses mains entre elles, avant d'oser relever les yeux vers lui pour lui répondre. Ben ouais, je me sentais coupable de ressentir cette envie stupide avec toi. avoue-t-elle avec un petit rire – un peu nerveux, certes – avant de s'allonger entièrement sur le sable, attrapant l'épaule d'Alec pour lui faire faire de même dans un rire cristallin. Elle se rapproche timidement, posant sa tête sur son épaule dans le silence, seulement contente qu'il ait pris ça si bien.